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[ACTUALITÉ] DÉCÈS DU POÈTE ET MÉDECIN HAÏTIEN JEAN MÉTELLUS À L’ÂGE DE 77 ANS

Poussé par l’éditeur Maurice Nadeau et Aimé Césaire, Jean Métellus a beaucoup écrit sur son pays Haïti qu’il avait dû quitter en 1959 à l’âge de 23 ans, en pleine période Duvalier. Un exil forcé pour cet Haïtien qui a réussi en France à devenir à la fois neurologue et écrivain.

« Au pipirite chantant », c’est par ce joli nom que Jean Métellus s’est fait connaître en tant que poète. Ce recueil de poésie qui évoque Haïti, ce pays tant aimé par Jean Métellus, trônait sur la table de nuit d’André Malraux qui venait de mourir. Le fameux ministre de la Culture du général de Gaulle n’aura pas eu le temps de voir grandir l’œuvre de Métellus. C’est un vétéran de l’édition, Maurice Nadeau, décédé en juin dernier à l’âge de 102 ans qui a choisi de publier ce recueil. Maurice Nadeau avait du nez. Jean Métellus ne l’a pas déçu.

Une famille de 15 frères et soeurs à Jacmel

Jean Métellus est né le 30 avril 1937 à Jacmel en Haïti d’une famille de 15 frères et soeurs. Son père dirigeait une boulangerie industrielle. A 20 ans, le jeune Métellus enseigne les mathématiques de 1957 à 1959, au lycée Célie Lamour de sa commune natale. Mais le régime de François Duvalier, plus connu sous le nom de Papa Doc le pousse à partir en France.

Spécialiste des troubles du langage

En France, le jeune homme se lance dans des études de médecine, il se spécialise en neurologie. Jean Métellus aime les mots et se passionne pour les troubles du langage tels que la dyslexie, le bégaiement ou encore l’aphasie. Docteur en médecine en 1970, docteur en linguistique en 1975, il exerce successivement à la Pitié Salpêtrière à Paris, à Henri Mondor à Créteil puis à l’hôpital Emile Roux à Limeil-Brévannes, toujours en banlieue parisienne.

Une femme blanche et protestante

Malgré un parcours remarquable en France, Jean Métellus ne s’est jamais vraiment remis de son exil forcé. Dans son site jeanmetellus.com, ce père de trois enfants confie que le seul bienfait que lui a apporté cet exil est la rencontre de sa femme, Anne-Marie, agrégée de mathématiques. A part Jacmel, un recueil de poèmes écrits pour ses parents, Jean Métellus a dédié tous ses livres à son épouse. « J’ai besoin de son approbation, écrit-il, je suis noir et vis un catholicisme teinté de vaudou. Elle est blanche et protestante. J’ai l’impression de l’avoir toujours connue. Je n’en sais pas plus ».

Charles-Honoré Bonnefoy

Pour mieux comprendre l’œuvre de Jean Métellus, il faut selon Jérôme Garcin qui dirige le service culturel du Nouvel Observateur lire Charles Honoré Bonnefoy (Gallimard 1990). Il s’agit d’un roman autobiographique dans lequel Métellus rend hommage au neurologue, de son vrai nom Raymond Garcin qui fut son patron à la Salpêtrière et exerçait une médecine « sensuelle, tactile, visuelle, auditive et olfactive ».

Au pipirite chantant et autres poèmes, Edition Maurice Nadeau 1978 – réédition 1995 Court extrait

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Au pipirite chantant le paysan haïtien a foulé le seuil du jour et dessine dans l’air, sur les pas du soleil, une image d’homme en croix étreignant la vie
Puis bénissant la terre du vent pur de ses voeux, après avoir salué l’azure trempé de lumière, il arrose l’oraison de la montagne oubliée, sans faveur, sans engrains
Au pipirite chantant pèse la menace d’un retour des larmes
Au pipirite chantant les heures sont suspendues aux lèvres des plantations
Et si revient hier que ferons nous ?
Et le paysan haïtien enjambe chaque matin la langue de l’aurore pour tuer le venin de ses nuits et rompre les épines des cauchemars
Et dans le souffle du jour tous les loas sont nommés.
Au pipirite chantant le paysan haïtien, debout, aspire la clarté, le parfum des racines, la flèche des palmiers, la frondaison de l’aube
Au pipirite chantant chaque goutte de rosée, chaque branche frémissante, le vent caressant les tonnelles sont messagers des esprits
Au pipirite chantant la tristesse peint le cœur
L’espoir lui même est sulfureux
La campagne avive les mystères
Elle traque déjà ses morts
Son ventre est gros de portées de soucis
Les morts grandissent sous les vivants
Et la plaine d’Haïti a reçu son brin d’eau
L’eau de la source amenée par les canaux
L’eau du ciel comme un toit de rosée
L’eau des yeux d’un enfant sans pain
Le sang d’une mère happée par le délire
Couleur, saveur, odeur ont voltigé sous la machette du paysan
(…..)
Au pipirite chantant avec l’eau vive de mes rêves j’efface les graves promulgations issues des rives du profit
Et mon propos, lié à ma source, bâillonne l’écume de toutes les eaux étrangères , de tous les cris de convenance et chausse l’irrévérence pour fouler le brouhaha de tous les mots d’ailleurs
Jean Métellus

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Source :
http://www.la1ere.fr/2014/01/06/deces-du-poete-et-medecin-haitien-jean-metellus-l-age-de-77-ans-98421.html

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