STACEY FRU, UNE ÉCRIVAINE PRÉCOCE

Plus jeune écrivaine du continent à être récompensée, Stacey Fru ne ménage pas ses efforts. En Afrique du Sud, où le système éducatif est en faillite, elle a publié plusieurs livres et sillonne le pays pour délivrer un message : lisez, écrivez, éduquez.

Multiprimée, distinguée en 2016, à l’âge de 9 ans, avec le prix de la National Development Agency (NDA) dans la catégorie Best Early Childhood Development (ECD), Stacey, a déjà une fondation à son nom. Elle l’utilise comme un amplificateur pour faire porter son message en Afrique du Sud et sur le reste du continent. « Le but n’est pas de gagner de l’argent avec cette fondation », affirme-t-elle lors d’une interview avec RFI.

Principalement, elle distribue des livres à des enfants du continent à travers sa campagne An African Book a Child. « Nous voulons que des écrivains africains, mais aussi des personnes privées, nous fassent don de livres sur l’Afrique que nous pouvons distribuer aux enfants. »

Parmi les livres distribués, on retrouve bien sûr les trois ouvrages de Stacey Fru, qu’elle a publié à l’âge de sept ans. Des livres « inspirés d’expériences de ma vie, mais avec des personnages que j’ai personnifiés avec des animaux pour avoir une résonance chez les enfants » ajoute-t -elle.

Des livres qui prône « des valeurs »

Son tout premier, Smelly Cats, met en scène deux cousins en quête de popularité dans leur école. Une invitation à la tolérance et « à la loyauté envers la famille ». Son second, Bob and the Snake, raconte l’histoire du serpent de compagnie du jeune Bob, qui devient rapidement une source de problèmes financiers pour sa famille. « La valeur que j’ai voulu communiquer est de toujours respecter ses parents, ajoute Stacey. Vous devez être raisonnable et ne pas faire de caprices. »

Malgré son emploi de temps surchargé, entre cours de danse, de guitare, des conférences et beaucoup de sollicitations de médias sud-africains, intrigués par le phénomène. Stacey trouve le temps d’écrire car ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Deux nouveaux livres sont même attendus cette année et cette fois-ci, elle vise un plus large public.

« J’ai décidé de ne plus écrire pour les enfants, mais de véritables nouvelles maintenant, assure l’écolière-écrivaine. Et d’aborder des sujets plus sérieux. » En l’occurrence la question des kidnappings en Afrique du Sud et l’importance de l’identité africaine.

Smelly Cats, le déclic

Lorsque Stacey a 6 ans, sa mère découvre un manuscrit dans sa chambre. Il s’agit de Smelly Cats, que la jeune fille a écrit dans le plus grand secret. Il sera publié quelques mois plus tard et attire l’attention des autorités sud-africaines. Le ministère de l’Éducation propose d’utiliser le livre comme support d’apprentissage dans les écoles du pays. « Les enfants vont le lire et en discuter dans leur cours d’anglais, précise Stacey. Je suis fière de ça, car mon but premier est de militer pour une bonne éducation. »

« Si j’étais présidente, l’éducation serait ma priorité »

L’Afrique du Sud en a bien besoin. Le pays fait partie des derniers de la classe en matière de résultats scolaires, occupant la 75e place sur les 76 pays du classement de l’OCDE. « La lecture ne représente pas quelque chose d’important dans les écoles sud-africaines, publiques comme privées », précise Stacey lors de l’entretien. Dans la nation arc-en-ciel, près de 30% des élèves sont incapables de lire correctement après six années d’enseignement.

Le système sud-africain est en faillite. L’inégalité est nette. D’un côté, des écoles privées, surnommées « forteresses de privilèges » et à majorité blanche. De l’autre, les établissements publics, où étudie la majorité noire dans des infrastructures insalubres et avec des professeurs inaptes. En 2007, une étude choquante montre que 79% des professeurs de mathématiques d’une classe de 5ème étaient incapables de résoudre les problèmes posés à leurs élèves.

La tournée des écoles

La jeune Stacey cherche à redonner le goût de l’éducation aux enfants défavorisés. Elle fait la tournée des écoles primaires, des lycées et même des universités pour raconter son histoire. Elle se décrit comme une motivational speaker, une conférencière. « Je me suis rendu compte de mon rôle lors d’une intervention devant 877 bacheliers, c’était lors de la publication de mon premier livre, se rappelle Stacey. J’avais huit ans et ils étaient tous bien plus vieux que moi. Mais j’ai réalisé que la plupart d’entre eux pensaient qu’il était impossible d’écrire comme je l’ai fait. »

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années » écrivait Corneille dans Le Cid. Une phrase qui pourrait s’appliquer à Stacey Fru et sa passion pour la langue de Shakespeare. Son objectif pour 2019 : voyager en Afrique et organiser des ateliers d’écriture pour des enfants défavorisés. « Dans mon prochain livre, Tim’s Answer, je veux dire aux Africains que tout ce qui vient de l’Occident n’est pas forcément bien. Et qu’on ne doit pas toujours se comparer aux personnes à qui on veut ressembler. »

Et lorsqu’on lui demande son conseil aux jeunes du continent qui veulent se lancer dans l’écriture : « Ne pensez pas que votre situation définit votre avenir. Ne laissez personne vous dire que le ciel est la limite. Car il y a des traces de pas sur la Lune. Donc, allez chercher les étoiles. »

Bien que Stacey soit née à Johannesburg, ses racines sont au Cameroun. Ses parents sont originaires du Nord-Ouest anglophone et rejoignent l’Afrique du Sud dans les années 1990. « Il y avait très peu de livres au Cameroun, se rappelle sa mère Victorine. Je me souviens avoir vu une vraie libraire pour la première fois seulement lorsque je suis entrée dans mon université. » Depuis, Victorine Mbong Shu a également signé plusieurs ouvrages, principalement sur la parentalité.

 

Opri Avérroèse Kalet

 

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