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[SOCIÉTÉ] TUNISIE : LES TUNISIENS NOIRS RÉCLAMENT UNE LOI ANTIRACISME

Début mai, des Tunisiens à la peau noire, environ une trentaine, sont descendus pour la première fois dans la rue pour dénoncer leur «triste réalité» et celle du racisme en Tunisie, un phénomène dont on parle peu.

Persistance du racisme dans la société

Néjib, un homme de 25 ans, explique qu’il a voulu, lui et ses camarades, être symboliquement présent à l’avenue Habib Bourguiba, le jour ou l’on fête le travail, car il estime que «les Tunisiens noirs n’ont pas les mêmes chances que leurs compatriotes, et peinent à trouver du travail en raison d’une couleur de peau qui dérange». Certes, l’esclavage a été aboli en Tunisie depuis 1846, mais «s’il a bénéficié d’une émancipation juridique, le noir n’a pas bénéficié de la même émancipation sur le plan social ou mental», explique encore Néjib. La persistance du racisme dans la société, estime-t-il, a son corollaire : «la persistance de la mentalité d’ancien esclave chez certains Tunisiens noirs.»

«Tous les noirs ont le même surnom en Tunisie,  »kahlouch » ou  »oucif »… Va pour kahlouch, cela désigne la couleur, mais le mot  »oucif » signifie esclave en arabe», rebondit Jamila. Elle ajoute: «Sans vouloir sacrifier à une forme de victimisation, lorsque nous cherchons du travail, nous sentons une réticence chez les recruteurs qui n’osent pas dire que leur réticence est due au fait que nous soyons noirs. Ils nous expliquent, dans la plupart des cas, que nos diplômes ne sont pas en adéquation avec le poste recherché. Souvent, ils nous proposent d’autres postes, en-dessous de notre niveau académique… et encore, cela est présenté et souvent accepté comme une aubaine!».

Mohamed, la quarantaine, est blanc de peau mais il a tenu à accompagner ses compatriotes dans cette marche. Il explique : «La minorité noire doit prendre son destin en main, afin de sortir de l’ombre et de l’anonymat socio-politique. Connaissez-vous des ministres ou des élus noirs, ou des gens haut placés dans l’administration ou dans le monde des affaires… ou même, simplement, des présentateurs à la télévision nationale?»

Le racisme atteint même les médias

Souvenons-nous: l’an dernier, Nejiba Hamrouni, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), a été raillée pour la couleur de sa peu à la Une du journal  »Al-Dhamir » proche du parti islamiste Ennahdha. En toute impunité et sans que cela n’interpelle le ministère public qui aurait dû intenter une procédure judiciaire à l’encontre du journal.

Marque du malaise que la question du racisme suscite chez les Tunisiens : certains d’entre nous évitent même de prononcer le mot noir, comme si cela était une insulte, et préfèrent parler d’homme ou de femme «de couleur», oubliant que le blanc, le noir ou le jaune sont aussi de couleurs. Aussi pouvons-nous lire parfois dans certains médias qu’«en Tunisie, les personnes de couleur n’ont jamais constitué un problème».

Certaines expressions ou comportements sociaux portent à croire que le racisme est camouflé par pudeur, mais l’on sait également qu’il constitue une véritable plaie en Tunisie.

Les Tunisiens disent facilement «Tu as oublié de me servir, pourquoi, suis-je noir» («chbini wsif»)?, ou encore «J’ai commencé ma journée en disant bonjour à un noir («sabaht âla oucif»), j’espère qu’elle se passera bien». Les Tunisiens font souvent appel pour leurs fêtes de mariage à une «hannena noire» (maquilleuse) pour porter bonheur à la mariée, comme si la «hannena noire» était une sorte de grigri.

Il est à noter, par ailleurs, que les mariages mixtes, si l’on peut dire, entre blancs et noirs, sont des plus rares.

Adam : une seule origine pour tous

En 2012, Taoufik Chairi, lance l’association Adam, dont le but est de lutter contre le racisme en Tunisie. Il en est le président et explique que la dénomination Adam est un symbole, reliant tous les êtres humains au premier des hommes, donc à une seule origine pour tous.

Les Tunisiens noirs constituent une minorité relativement importante, fruit de migrations et de brassages assez anciens dans l’histoire du pays, mais ils noyées dans la masse des Tunisiens blancs. Leur manifestation, mercredi, à Tunis, est un «premier pas», explique Jamila, ajoutant que «plusieurs autres actions seront menées à l’avenir afin de faire valoir les droits des noirs et d’exiger du gouvernement qu’il n’accorde plus l’impunité aux auteurs d’actes de racisme». «Nous avons voté, nous avons donné notre voix à ce gouvernement qui nous ignore totalement. Il est temps qu’il se tourne vers nous et qu’on puisse voir un peu plus de couleurs dans la scène politique, sociale et médiatique tunisienne», conclut-elle, avec un beau sourire, mais qui cache un fort sentiment d’injustice.

Source : kapitalis.com

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