LE SALON DE COIFFURE, UN LIEU DE RENCONTRE

Le Daily Mail a révélé que nous passions 36 jours de notre vie chez le coiffeur. Permettez-moi de vous dire que cette étude n’a sûrement pas été faite chez des clients afros. Combien de temps passe un client noir et surtout une cliente noire chez le coiffeur ? Assez pour le salon devienne plus qu’un temple dédié à nos cheveux, qu’il devienne un lieu d’interactions sociales.

En effet, si vous entrez dans le salon, vous trouverez les coiffeuses affairées ainsi que quelques clients en train de se faire coiffer, mais surtout beaucoup de personnes venues accompagner ou juste passer parler quelques minutes. Lorsque vous confiez votre tête à quelqu’un, vous vous devez d’avoir confiance et c’est cette confiance qui délie les langues. La coiffeuse n’est pas que celle qui va vous laver les cheveux, vous tresser, vous tisser ou vous teindre, c’est aussi celle qui va vous réconcilier avec vous-même et vous apprendre à vous voir belle. Elle va vous conseiller sur ce qui vous ou pas et vous parler de vos cheveux. Avec la coiffeuse, aucune de nous n’a honte de dire qu’elle a du mal à s’occuper de ses cheveux. Les clients se complimentent sur leur coiffure, demandent à l’autre ce qu’il va faire. Il y a souvent plus de femmes que d’hommes, car nos coiffures prennent plus de temps. Des questions sont récurrentes : « D’où viennent tes parents ? », « C’est tes vrais cheveux ? », « Tu as des frères, non ? »,… Une discussion revient souvent : celle sur le cheveu naturel, on commence à parler de ses cheveux et on dérive rapidement sur un autre sujet tout aussi récurrent : le racisme.

C’est en cela que le salon de coiffure afro devient un lieu d’échanges sociales : chacun, nous pourrions même dire chacune d’entre nous, donnent son avis et animent le débat. On parle de son expérience personnelle qu’elle soit professionnelle, sentimentale ou simplement sociale. Les « anciennes » font un parallèle avec l’époque actuelle et l’époque où elles avaient le même âge que les plus jeunes. Les plus jeunes savent qu’elles doivent laisser parler les plus vieilles, qu’elles sont plus sages qu’elles et qu’elles leur doivent le respect. L’animatrice du débat reste cependant celle qui manipule vos cheveux, si elles sont plusieures c’est souvent la patronne du salon qui impose le silence ou qui lance les débats. Toutes se taquinent sur leurs opinions en mettant souvent en avant le fait qu’elles ne soient pas originaires de leur avenir. Le salon est aussi un endroit où les femmes peuvent parler librement de sujets généraux comme les attentats, s’exprimant sur leurs angoisses, leurs sentiments ainsi que leurs avis sur les prochains qui pourraient avoir lieu. D’autres sujets sont cependant plus légers comme les potins, où les femmes se racontent qui elles ont vu avec qui, qui a eu un nouvel enfant, qui est marié à qui,… toujours avec bienveillance cependant.

Le salon est aussi un lieu où chacune se confie. Les femmes se parlent de leur expérience en tant que mère, celles qui ont de grands enfants conseillant celles qui en ont des plus jeunes et celles qui n’en ont pas s’abreuvant des paroles de leurs aînées. C’est au salon de coiffure que j’ai pour la première fois entendu parler d’épisiotomie. Beaucoup évoquent leurs souvenirs, des souvenirs d’enfance, heureux comme malheureux, des moments de joie comme des humiliations. On se raconte les histoires de famille, on s’inquiète pour les uns et pour les autres. On prend des nouvelles de ses amis. On se prend à rêver aussi, en parlant de son futur : l’une évoque les vacances, l’autre le métier de ses rêves, une dernière ses projets d’avenir. Le salon de coiffure n’est plus un lieu où vous vous faites coiffer, le salon de coiffure est aussi un lieu où les femmes qui se ressemblent ou qui ont au moins un point commun (le soucis de leurs cheveux) se rencontrent et échangent toutes ensemble. Le salon de coiffure tient son âme dans celles qui y travaillent et en font un espace où beaucoup trouvent un instant de joie où ils échangent avec les autres.

*Nous remercions le salon Etnik-R de Rouen(76) pour avoir été notre lieu d’observation et d’inspiration pour cet article.

NegroNews

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