Sibeth Ndiaye, proche collaboratrice d’Emmanuel Macron chargée de la presse, a été nommée secrétaire d’Etat porte-parole du gouvernement, a annoncé l’Elysée au soir du dimanche 31 mars 2019. Elle remplace Benjamin Griveaux, désormais candidat aux municipales à Paris.
La députée LREM Amélie de Montchalin, secrétaire d’État aux Affaires européennes. Cédric O devient secrétaire d’État au Numérique.
Parfois surnommée « celle qui murmure à l’oreille de Macron », Sibeth Ndiaye, occupait un poste clé à l’Elysée, bien que dans l’ombre. C’est elle qui était chargée d’organiser les points presse, de répondre aux demandes d’interview, de débriefer le candidat Macron sur la couverture média de sa campagne…
Né dans une famille où l’on s’engage
Sibeth Ndiaye est née le 13 décembre 1979 (39 ans) au quartier du Plateau de Dakar. Elle possède les nationalités sénégalaise et française. Son père, Fara Ndiaye, a participé à la création du Parti africain de l’indépendance avant de devenir numéro deux du Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade et membre de l’Assemblée nationale.
Sa mère, Mireille Ndiaye, née Brenner, d’origine allemande et togolaise est décédée en 2015. Elle fût une haute magistrate qui a présidé la chambre pénale de la Cour de cassation du Sénégal, puis a été présidente du Conseil constitutionnel de 2002 à 2010.
Pour Sibeth Ndiaye, son enfance « s’est nourrie du récit de la lutte pour les indépendances à laquelle ses parents, étudiants venus des anciennes colonies, ont participé ».
Une grande partie de sa famille réside toujours au Sénégal, ainsi que dans d’autres pays d’Afrique de l’ouest.
Ses trois sœurs vivent en Afrique, l’une à Lomé (Togo), l’autre entre Lagos (Nigeria) et Abidjan (Côte d’Ivoire), l’aînée à Dakar. Sibeth Ndiaye est mère de trois enfants (filles).
C’est en juin 2016, soit quatorze ans après avoir commencé à s’engager en politique, qu’elle a été naturalisée française. « J’ai mis beaucoup de temps à me décider », explique-t-elle à Jeune Afrique. En langue diola, un idiome parlé au Sénégal, Son prénom évoque les reines combattantes de la Casamance et signifie « qui a gagné beaucoup de combats ».
Un parcours politique bien rempli
Parallèlement à ses études, Sibeth Ndiaye milite au sein de l’UNEF de 1999 à 2006 et est administratrice de La Mutuelle des étudiants de 2003 à 2008. Elle déclare avoir adhéré au Parti socialiste en réaction à l’accession de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle de 2002.
Avec Ismaël Emelien, Stanislas Guérini et Benjamin Griveaux, elle fait partie de l’équipe de campagne de Dominique Strauss-Kahn pour la primaire PS de 2006.
Résidant à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, elle est directrice de la campagne de Mathieu Hanotin lors des élections cantonales de 2008 sur le canton de Saint-Denis-Sud. Membre du courant strauss-kahnien, Martine Aubry la nomme secrétaire nationale du PS chargée de la petite enfance en 2009.
Sa nomination est alors critiquée en raison de sa nationalité par Georges Sali, le responsable local du PS de Saint-Denis, section qu’elle jugeait alors « clanique ».
En mars 2008, elle est nommée cheffe du service presse de Claude Bartolone, nouvellement élu président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, puis y devient chargée de mission en 2010.
En 2012, elle est chargée de mission presse et communication au cabinet d’Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif et garde ces fonctions quand Emmanuel Macron lui succède à Bercy. Quand ce dernier fonde En marche !, après quelques jours de réflexion et l’insistance d’Alexis Kohler, elle l’y suit comme conseillère presse et communication. Elle emménage à Paris. Elle soutient Martine Aubry lors des primaires de la gauche pour l’élection présidentielle de 2012.
Après la communication erratique de la présidence Hollande, Sibeth Ndiaye participe au verrouillage de la communication élyséenne.
Elle parvient à faire déménager la salle de presse de l’Élysée, installée depuis Valéry Giscard d’Estaing dans la cour du Palais, malgré l’opposition acharnée de l’association de la presse présidentielle, « ce qui lui permet de marquer des points auprès du président » selon Le Figaro.
Elle accompagne Emmanuel Macron seulement lors de ses déplacements à risques. Elle exige des employés de l’Élysée de ne pas se répandre en indiscrétions, et s’occupe du choix des journalistes accrédités dans les déplacements.
Les sondages de popularité d’Emmanuel Macron accusant une forte baisse durant l’été 2017, et sa distance avec la presse étant critiquée, le pôle communication de l’Élysée est alors renforcé par la nomination au 1er septembre 2018 du journaliste Bruno Roger-Petit. Le Figaro indique qu’elle est « un temps affaiblie » par cette nomination et « entre avec lui dans une concurrence feutrée mais acharnée. Une bataille dont elle est sortie vainqueur ».
Une communicante de combat
Atypique, d’une loyauté combative, connue pour son franc-parler et son langage souvent cru, la nouvelle porte-parole du gouvernement, fait partie du cercle proche du chef de l’Etat Emmanuel Macron.
A l’Elysée, elle contrôle d’une main de fer le service communication mais a aussi eu de nombreuses frictions avec une partie de l’entourage du chef de l’Etat, dont les proches de Brigitte Macron.
Malgré son jeune âge et sa discrétion, Sibeth Ndiaye a déjà une grosse expérience d’engagement. Elle est titulaire d’un DESS en économie de la santé, et elle est passée par le syndicalisme étudiant.
Pionnière d’en marche !
Sibeth Ndiaye fait partie du premier cercle des collaborateurs d’Emmanuel Macron présents à la fondation d’En Marche ! Attachée de presse du ministre de l’Economie, elle a participé aux réunions préparatoires ultrasecrètes dans l’appartement privé de Bercy avant le lancement du nouveau mouvement politique, le 6 avril 2016. De la conquête, elle connaît tout ou presque…
Cette franco-sénégalaise est entrée à l’Elysée avec le président de la République en tant que conseillère pour la presse, après avoir occupé la même fonction quand il était ministre de l’Economie.
Quand Emmanuel Macron fonde En marche!, elle l’y suit comme conseillère presse de la campagne, pour laquelle elle se dépense sans compter. Le grand public la découvre dans le documentaire de Yann L’Hénoret «Emmanuel Macron, les coulisses d’une victoire» où on la voit omniprésente, défendant son candidat bec et ongles.
Elle va jusqu’à traiter un journaliste de «sagouin» et se dit prête à «mentir» si besoin pour protéger son candidat.
À Jeune Afrique, elle expliquait aussi ce qui l’a séduit dans l’aventure du mouvement En Marche ! : « La volonté de transcender les clivages, la tentative audacieuse pour essayer autre chose, et le sentiment que ça ne pouvait plus continuer comme avant ».
Elle fait partie des «Mormons», ce petit groupe de quadras et trentenaires qui ont accompagné Emmanuel Macron dans sa quête de l’Elysée, mais qui ces derniers mois sont partis l’un après l’autre, à l’instar du secrétaire d’Etat Benjamin Griveaux, et des conseillers Ismaël Emelien et Sylvain Fort.
Adepte des réseaux sociaux
Partisane d’une communication de combat, voire provocatrice, adepte des réseaux sociaux plutôt que des médias traditionnels, c’est elle qui poste sur son compte Twitter la vidéo sur le «pognon de dingue» que, selon Emmanuel Macron, coûtent les aides sociales.
Impossible d’échanger avec elle sans passer par l’application Telegram, une messagerie cryptée qu’utilisent Emmanuel Macron et ses soutiens, et sur laquelle ils abordent tous les sujets. « On y a même parlé de Nemo, le chien du président », s’amuse-t-elle à dire à Jeune Afrique.
Malgré le fait qu’elle gagne en popularité, pas question pour elle de viser un mandat. « J’ai toujours préféré l’ombre à la lumière. C’est la raison pour laquelle je travaille pour des personnalités politiques sans désirer moi-même être élue », confie-t-elle à Jeune Afrique. Mais jusqu’à quand ?
NN
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