Agé de 42 ans, chef d’état-major en second de la 4ème Région militaire (les deux Kasaï), le colonel John Tshibangu – qui revendique le grade de lieutenant général – a annoncé, le jeudi 16 août 2012, sa défection des Forces armées de la RD Congo. Né à Kananga (Kasaï Occidental), ancien des Forces armées zaïroises, Tshibangu que la rédaction de “Congo Indépendant” a joint au téléphone au début de la soirée du samedi 18 août se présente comme un «commando» formé, en Israël, dans la lutte contre le terrorisme. Antiterrorisme. Il assure avoir pris la résolution de rompre les bans avec les FARDC après avoir pris conscience de l’implication des plus hautes autorités civiles et militaires dans un «projet de balkanisation» du Congo.
Après avoir parlé du “Mouvement pour la revendication de la vérité des urnes”, «John» se dit maintenant à la tête d’une «Armée du peuple congolais pour le changement et la démocratie». Objectif : Chasser «Joseph Kabila» du pouvoir et installer «le Président élu» Etienne Tshisekedi wa Mulumba.
Le «Mouvement du 23 mars» initié par des ex-combattants étiquetés CNDP a fait des émules. Quatre mois après le lancement de la mutinerie du CNDP-M23, un nouveau mouvement insurrectionnel a vu le jour. Cette fois, l’initiative émane d’un officier congolais. Comme au début de toute organisation, il se constate un certain tatonnement. La dénomination définitive n’est pas encore trouvée. Dans un premier temps, il a été question du «Mouvement de revendication de la vérité des urnes». Dans un second, on parle de l’«Armée du peuple congolais pour le changement et la démocratie». Un «aventurier» de plus? Toute conclusion à ce stade ne serait que hâtive. Wait and see!
“Commando antiterroriste”
Qui est John Tshibangu ? Enrôlé dans les FAZ (Forces armées zaïroises) en 1988, “John” a suivi par la suite une formation à l’EFO (Ecole de formation des officiers) à Kananga avant d’être affecté dans le Service d’action et des renseignements militaires (SARM). Lorsque l’AFDL prend le pouvoir le 17 mai 1997 à Kinshasa, il se trouvait en poste à Uvira (Sud Kivu). En 1998, il refuse de rejoindre la nouvelle rébellion «congolaise» pro-rwandaise dénommée «Rassemblement congolais pour la démocratie».
Tshibangu aurait été emprisonné à Munzenze, au Rwanda, pour avoir tenté de détourner un avion rwandais. Il se serait évadé du pénitencier avant de rejoindre le RCD K-ML de Mbusa Nyamwisi. A l’époque, ce dernier avait déjà engagé des pourparlers avec le gouvernement de Kinshasa. La suite est connue. L’officier connaîtra plusieurs affectations à l’Est du pays. Baroudeur, disent ses proches, l’art de guerre n’aurait plus de secret pour lui. Il a affronté les combattants du CNDP à Mushaki avant la débâcle de la fin de l’année 2008. Il a participé à des combats à Kanyabayonga (Nord Kivu). Dernier poste d’attache : Commandant en second de la 4ème Région militaire à Kananga.
Le 6 juin dernier John Tshibangu se trouvait à Kinshasa. En compagnie de 126 autres officiers supérieurs, il participait à la deuxième session du séminaire sur la réforme de l’armée à l’ex-Cité de l’OUA. La rencontre s’est terminée par une «causerie morale». L’orateur n’était autre que «Joseph Kabila». Celui-ci a rappelé aux épaules galonnées présentes «qu’ils ont la mission sacrée d’assurer la paix et la sécurité» sur toute l’étendue du «territoire national». Et qu’«il n’y a pas de place pour les officiers indisciplinés qui pensent qu’au sein des FARDC on peut avoir un commandement parallèle». Enfin, a dit “Joseph”, «l’officier militaire congolais ne peut pas servir deux maîtres à la fois. On ne peut pas être à la fois officier des FARDC et opérateur minier, il faut choisir entre l’armée et les affaires».
Profitant de son séjour kinois, «John» aurait obtenu une audience auprès du «commandant suprême» à qui il aurait révélé la proposition lui faite par un «haut gradé». La proposition consiste à aller livrer des armes et des munitions aux combattants du M-23. Tshibangu aurait été stupéfait et dégoûté par le «détachement» de «Joseph Kabila» à l’écoute de ce “témoignage”.
“Installer Etienne Tshisekedi à la tête de l’Etat”
Samedi 18 août au début de la soirée, l’auteur de ces lignes a pu joindre au téléphone le colonel – le général ? – John Tshibangu. «Le mouvement que je dirige procède de l’initiative d’un Congolais à cent pour cent», lance-t-il en liminaire. Pourquoi a-t-il attendu huit mois après l’organisation des élections pour lancer son “mouvement pour la vérité des urnes” ? «Nous espérions que le personnel politique allait trouver une solution politique aux problèmes nés après l’élection présidentielle chahutée du 28 novembre 2011. Rien n’a été fait. Nous nous sommes concertés avec des amis avant de prendre notre décision…». Quels sont les objectifs de son mouvement ? «La population congolaise demande le changement. Le 28 novembre dernier, Etienne Tshisekedi wa Mulumba a été élu président de la République. Notre objectif est de l’installer à la tête de l’Etat».
A-t-il été contacté par des officiels à Kinshasa après son «départ» ? «Il y a eu une tentative d’amorcer des négociations avec moi mais ma décision est irrévocable. J’ai levé l’option de lutter pour l’avènement de la démocratie». Que pourrait-il répondre à ceux qui suspectent l’Angola de «parrainer» son mouvement ? «Je souhaiterais bénéficier du soutien non seulement de l’Angola et de la Belgique mais aussi de celui de toute la communauté internationale…». Quel est le fait ou événement qui a joué le rôle de «détonateur» à sa défection ? «John» dit garder encore quelques «détails secrets» qu’il divulguera «prochainement».
Revenant sur la naissance de la mutinerie du M-23, il dit : «Au commencement, les mutins étaient à peine une trentaine d’hommes, curieusement les autorités de Kinshasa ont ordonné un cessez-le-feu alors que les FARDC pouvaient anéantir cette action. Comment ne pas suspecter le gouvernement d’avoir ordonné un cessez-le -feu pour permettre aux insurgés de gagner du temps pour se renforcer en hommes et en matériel ?».
Autre grief articulé par le colonel Tshibangu: «Joseph Kabila devait faire une déclaration de la guerre dès que la communauté internationale a confirmé l’implication du Rwanda dans l’agression contre le Congo. En ne le faisant pas, il a bradé la souveraineté nationale en transformant le Congo en un pays de pleurnicheurs du soutien de la communauté internationale… ».
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