DES MANIFESTATIONS ANTI-CORRUPTION PARALYSENT HAÏTI

Un mouvement de protestation contre la corruption et la misère prend de l’ampleur en Haïti. Au moins sept personnes seraient décédées. Des manifestants s’en sont pris au drapeau américain et demandent l’aide de la Russie, de la Chine et du Venezuela.

Un climat délétère

C’est un climat délétère qui règne en ce moment sur l’île caribéenne. Depuis plus d’une semaine, les jeunes Haïtiens s’emparent des rues pour exiger le départ du chef de l’Etat, Jovenel Moïse, épinglé dans un vaste scandale de corruption ainsi que l’amélioration de la situation économique. Face à son intransigeance, les protestataires ne désarment pas.

Plusieurs ressortissants étrangers et un Haïtien ont été inculpés « d’association de malfaiteurs », après avoir été arrêtés, dimanche soir dans le centre de Port-au-Prince en possession d’un arsenal d’armes automatiques.

REUTERS/Andres Martinez Casares

 

Selon le média dominicain Diariolibre, le fils aîné du président de la République, Joverlein Moïse a traversé la frontière ce samedi 16 février 2019, à bord d’une camionnette noire, sous haute sécurité.

En une semaine, le bilan des manifestations s’élevait à près d’une dizaine de morts, des dizaines de blessés par balles. Un mouvement de protestation à la faveur duquel, 78 détenus se sont évadés le mardi 12 dans le sud du pays, des dizaines de magasins ont été pillés, des maisons et des voitures saccagées.

Les raisons de la colère

C’est la publication d’un rapport de la Cour des comptes, fin janvier, qui a déclenché la colère des Haïtiens : le président, une quinzaine d’anciens ministres et de hauts fonctionnaires y sont épinglés dans plusieurs affaires de détournement de près de deux milliards de dollars du fonds Petrocaribe, un programme d’aide offert à Haïti par le Venezuela depuis 2008, à l’initiative du président d’alors, Hugo Chavez.

Pour Haïti, pays le moins développé de l’hémisphère occidental, les 4 milliards de dollars récoltés devaient financer des projets de développement dans un pays où 78% de la population vit sous le seuil de pauvreté absolue alors que 63% de la richesse est concentrée entre les mains des 20% les plus riches.

Le jour de la Saint-Valentin, après huit jours de protestations, le président Jovenel Moïse, soutenu par la communauté internationale, a signifié son intention de rester au pouvoir lors d’une allocution télévisée. « Je ne livrerai pas le pays aux gangs armés et aux dealers de drogue », a assuré l’ancien entrepreneur agricole qui promettait une relance du secteur pendant la campagne électorale.

Une précarité économique et sociale

Les ébullitions actuelles en Haïti prennent aussi racine dans une économie moribonde. La performance économique n’est pas au rendez-vous sous l’administration Jovenel Moise, explique l’économiste Etzer Emile. Il détaille : « On n’est pas arrivé à lutter contre l’inflation, la production nationale n’a pas décollé, les investissements étrangers sont insuffisants.»

La crise en Haïti marque aussi l’échec de la communauté internationale, qui affronte la méfiance de la population surtout après la débâcle de la gestion de l’aide humanitaire suite au séisme de 2010 qui a causé plus de 200 000 morts.

Après plus de dix jours de verrouillage, le pays est presque entièrement paralysé. Les banques et les écoles sont fermées, les stations à essence non vandalisées ne sont pas approvisionnées, les principaux axes routiers sont bloqués, les industries, le commerce, l’administration publique ne fonctionnent pas, alors que la région métropolitaine connaît une pénurie en eau.

Sentiment anti-américain

Entre-temps, le Département d’Etat américain passe son niveau d’alerte aux voyageurs américains à 4, reléguant Haïti au même rang que l’Iran, l’Afghanistan ou la Somalie. Le Canada, lui, appelle ses concitoyens à éviter le pays à tout prix.

Un groupe de manifestants a brûlé un drapeau américain vendredi après-midi au cœur de la capitale haïtienne Port-au-Prince, appelant à une aide de la Russie pour résoudre la crise qui paralyse le pays depuis plus d’une semaine.

« On veut dire qu’on divorce complètement des Américains : on a pris trop d’occupation aux mains des États-Unis, on n’en peut plus », a expliqué Bronson, un manifestant du petit groupe ayant incendié le drapeau. Selon les quelque 200 participants au rassemblement, l’ancien président haïtien Michel Martelly et son poulain, l’actuel chef de l’Etat Jovenel Moïse, ont été placés au pouvoir par les États-Unis.

Washington a annoncé jeudi soir le rappel de ses diplomates non essentiels et de leurs familles basées en Haïti et a exhorté les Américains à ne pas s’y rendre. Le département d’État avait déjà ordonné mardi à tous les enfants du personnel diplomatique de l’ambassade de quitter le territoire.

Face à la grogne, le Premier ministre a annoncé le 16 février des mesures économiques d’urgence, comme la rigueur pour les administrations, la lutte contre la contrebande et la corruption. « Il faut retirer tous les privilèges non nécessaires aux hauts fonctionnaires de l’Etat comme les frais d’essence, de téléphone, les voyages inutiles à l’étranger et les quantités de consultants », a-t-il notamment déclaré.

NN

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