Frédéric et Laurent Muhashirwa-Noterman étaient convaincus que les fruits de leur pays valaient de l’or et avaient un autre destin que de pourrir par terre. Presque deux ans après sa naissance, Jambo est très prisée par de prestigieux clients… Reportage.
Frédéric Muhashirwa-Noterman se gare au Grand Hôtel, l’un des plus côtés de Kinshasa. Polo blanc et jeans noir assorti aux baskets, il se dirige vers la salle de sport avec une lourde glacière vert pomme. Souriant et taquin, il salue les deux jeunes femmes de l’accueil, ouvre le frigo et y place une vingtaine de bouteilles de Jambo, sa marque pionnière de jus frais 100% made in République démocratique du Congo. La livraison est forte en vitamines : ananas, pamplemousse, citron et maracuja, aussi connu sous le nom de fruit de la passion.
Il était temps. La salle souffrait d’une rupture de stock depuis quelques jours, mais aucun employé n’en a avisé Frédéric. « C’est un client qui m’a appelé pour m’avertir qu’il n’y avait plus de jus… », confie le métis belgo-congolais de 29 ans, né dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de l’ancienne colonie belge. Un habitué ne cache pas son soulagement. « J’en consomme tous les jours, et aujourd’hui j’étais un peu fâché parce qu’il n’y en avait pas ! », lance Christian Yumbi, gérant d’un hôtel-spa à quelques mètres du Grand Hôtel.
Dans le deuxième frigo de l’accueil, des bouteilles d’une boisson gazeuse saveur tropical. « Je préfère Jambo parce que c’est plus naturel et que je suis un adepte du bio », tranche l’homme d’affaires aux biceps imposants. Il boit à chaque séance jusqu’à trois bouteilles d’un demi-litre, vendues à 3 500 francs congolais (environ 3 dollars) l’unité. « La qualité justifie le prix », lâche-t-il. Son péché mignon : les saveurs maracuja, le plus prisé, et bissap, à base d’hibiscus et populaire en Afrique de l’Ouest.
« Quand j’ai un coup de pompe ici, je prends un jus de maracuja ou d’ananas », souligne pour sa part Gloria, dans son boubou émeraude brodé de fils or. « Pamplemousse, j’en ai pris une fois mais je n’ai pas accroché… Et puis je n’ai pas l’intention de perdre du poids, déjà que je n’en n’ai pas beaucoup ! », plaisante cette chargée de clientèle de la salle de sport. Egalement diététicienne, elle ajoute que les jus Jambo (bonjour, en swahili) sont « efficaces pour resucrer l’organisme après un effort physique intensif ».
L’aventure Jambo a commencé fin 2010 dans un appartement de Kinshasa, avant d’être délocalisée dans un atelier. « Mon frère est à la base du projet, mais je pense être celui qui lui a donné un premier souffle de vie, souligne Laurent, 33 ans. Après un séjour de quelques mois au Congo chez mon père où il avait jeté les premières pierres, il est rentré en Belgique et n’a pas vraiment donné suite. » Une formation en « autogestion d’entreprise » plus tard, Frédéric se pose en RDC. Un retour aux sources : c’est là que les deux frères sont nés…
Le binôme est motivé. « L’idée de mettre en avant d’autres richesses et ressources du Congo », qui regorge notamment de minerais précieux, est « vraiment un projet très excitant et noble », résume Laurent. « Les maracujas que j’achète ici sont les maracujas que les gens ramassent, le secteur n’est pas structuré, regrette Frédéric. C’est dommage, c’est de l’or qui pourrit par terre ! » Sa révolte est aussi affective. Le fruit de la passion, c’est sa Madeleine de Proust. « Je me rappelle que quand j’étais petit, dans l’est, on buvait beaucoup ça… »
Jambo – qui emploie désormais quatre personnes à temps plein, dont deux dédiées à la production – vend en moyenne 1 500 litres par mois, à 5 dollars l’unité. Son objectif pour 2012 : engranger 112 500 dollars, soit plus du double du chiffre d’affaires de l’année de lancement. Les principaux clients, tous à Kinshasa, comptent le Grand Hôtel, le Memling, quelques supermarchés, l’école belge et les cantines de la Mission de l’ONU pour la stabilisation de la RDC (Monusco).
Sans oublier les deux Pâtisserie Nouvelle, conquises dès le départ. « On commande tous les jours 8 à 10 bouteilles, explique Connie, une employée. Chez nous, les gens aiment bien les jus de maracuja, d’orange et de bissap. Et ce sont aussi bien les enfants que les adultes qui en boivent, pour le petit-déjeuner ou le déjeuner. » Baromètre du succès : l’enseigne vendait au départ la bouteille à 3,5 dollars, contre près de 7 actuellement. Sans refroidir la clientèle.
Source :
http://www.rfi.fr/afrique/20120807-rdc-jambo-jus-fruits-frais-100-congolais-frederic-muhashirwa-noterman/
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