[CULTURE] QUAND LES NOIRS PEUPLAIENT LES ZOOS

Etymologiquement le terme de « zoo « provient du grec zôon qui signifie être vivant. Donc le mot  » zoo » représente les animaux, les plantes et aussi les hommes. L’Occident emprisonne les plantes sous la forme de jardins zoologiques, les animaux sous la forme de parcs zoologiques et les êtres humains sous la forme de zoos humains. Dans tous les cas c’est le même dispositif on cloisonne des êtres vivants. On peut mentionner que le terme de zoos humains est incorrect, c’est un pléonasme puisque « zoo » signifie être vivant or un humain est un être vivant. Cependant nous utiliserons parfois volontairement l’expression de « zoos humains » dans ce site car c’est l’expression la plus connue à l’heure actuelle pour décrire ce phénomène pour l’instant. Au XIX ème siècle, la grande majorité des Occidentaux ont leurs premiers contacts avec les populations non-européennes à travers une grille, une barrière, un enclos.

Le but est de placer les êtres humains exhibés au même niveau que les animaux. Ils sont présentés comme des « pensionnaires » du parc zoologique, c’est-à-dire qu’on ne les perçoit pas comme des êtres humains mais bien comme des êtres vivants qui font partie du cheptel du zoo. Sur les panneaux d’informations des cages, on indique le lieu où ils vivent, le climat, leur nourriture en rappelant aux visiteurs de « Ne pas nourrir les indigènes ils sont nourris ». Dès 1874 en Allemagne les exhibitions d’êtres humains ont lieu au zoo d’Hambourg dirigé par Hagenbeck. En France, les exhibitions d’êtres humains se déroulent au jardin d’acclimatation de Paris de 1877 jusqu’en 1931 sous le nom feutré d’« expositions ethnographiques ».

Initialement le zoo est un espace où l’on rassemble des êtres vivants en particulier des animaux dans un milieu artificiel ou dans un espace confiné. Les animaux sont arrachés de leur milieu naturel puis ils sont mis en captivité, enfermés dans un espace restreint. De par son essence, le zoo engendre une vision irréaliste, réductrice et dégradée de l’être vivant enfermé. Dans un zoo, les visiteurs sont séparés des animaux par des grilles, des enclos et des barrières pour sécuriser le public. C’est un lieu où la nature est sous contrôle, elle est dominée puisqu’elle est cloisonnée. Dans cet espace compartimenté, le public ressent un sentiment de supériorité sur la nature captive où peut s’affirmer sa volonté et sa satisfaction de vaincre le sauvage.

La séparation physique (le grillage) entre le public et l’animal incarne la frontière entre la sauvagerie et la civilisation. Le zoo devient le symbole le plus explicite de la victoire de la culture sur la nature, du civilisé sur le sauvage. À travers les zoos humains, l’Occident consolide son sentiment de dominer la nature et tous les êtres vivants. En effet pour l’Europe la supériorité de l’homme blanc est indéniable, garant des valeurs de la civilisation, les autres hommes représentent des degrés de primitivisme, des étapes du développement de l’espèce humaine, des êtres vivants fixés dans un état naturel de sauvagerie.

L’humanité non européenne est reléguée au rang d’animal sauvage. Pour l’Occident, les peuples non-blancs représentent la nature sauvage en voie de domestication, c’est la sauvagerie en voie de civilisation. Cette croyance occidentale génère un sentiment de supériorité vis-à-vis des peuples non-européens. Leur exhibition permet de créer une frontière irréductible entre les deux humanités l’une qui se croit supérieure parce qu’elle est blanche et l’autre de facto inférieure parce qu’elle est non-blanche. Considérés comme des animaux, les exhibés sont déshumanisés. Ce dogme de la supériorité des peuples leucodermes sur les autres peuples permet d’aboutir à toutes les dérives possibles.

Pour l’Occident les zoos humains ont pour but de consolider durablement une barrière qu’elle souhaite infranchissable entre elle et le reste de l’humanité. Dans le processus d’exhibition il y a toujours un rapport de force, celui qui exhibe, celui qui regarde (en l’occurrence le peuple vainqueur) et celui qui est regardé, celui qui est exhibé (en l’occurrence le peuple vaincu). Ce dernier est perçu comme une chose vivante, un « être étrange », une « bizarrerie humaine» qui doit être civilisé, c’est tout sauf un être humain à part entière. Exhiber un être humain génère un processus de chosification de l’homme.

L’être humain n’ est plus sujet c’est un objet. L’homme déshumanisé devient inexorablement une chose. Voilà le fond du problème qui est totalement éludé dans tous les ouvrages qui traitent du phénomène des « Zoos humains ». La plupart du temps leurs auteurs tentent de justifier les zoos humains en laissant croire que c’est un phénomène spontané suscité par le contexte colonial. Certains auteurs vont jusqu’à qualifier le comportement général du public de l’époque d’être « trop stupide »3, ils parlent de la « stupidité des foules »4. Mais comment le comportement de la masse européenne aurait pu être différent alors qu‘elle est elle-même éduquée à intégrer cette vision raciste du monde qui fait partie de sa propre culture.

Comment peut on prétendre que l’Europe fait preuve de stupidité alors que la classe dirigeante des pays occidentaux assiste en grande pompe à ces exhibitions? Dès le XV ème siècle, l’élite occidentale procède à l’exhibition de négrillons au sein de sa cour comme elle le fera par la suite avec les amérindiens emmenés d’Amérique. Le président de la République Sadi Carnot assiste lui même à l’exhibition des Amazones du Dahomey en 1891. Pour l’exposition universelle de 1889, c’est le gouvernement de Carnot qui assure le recrutement et la sélection des exhibés. Doit on comprendre que la classe politique elle-même fait preuve de stupidité? Restons sérieux. En vérité le concept de Zoos humains  » est un phénomène culturel occidental qui a débuté depuis l’antiquité et s’est transmis jusqu’à aujourd’hui. On peut comprendre l’embarras que peut causer cette page honteuse et immorale de l’histoire en revanche il est temps de regarder les choses en face pour tirer les leçons du passé. Exhiber des hommes c’est les déshumaniser. L’homme exhibé est implacablement dépouillé de sa dignité humaine consciemment ou inconsciemment.

L’humain ne reconnaît plus en l’autre un humain mais une chose. Il faut souligner le côté déstructurant et destructeur de ces exhibitions. La chosification de l’autre est mortifère. Pour les exhibés, ce n’est pas une destruction physique au sens propre du terme mais c’est bien une destruction symbolique. Les exhibés sont réduits à une image où ils représentent la sauvagerie, le primitivisme, l’infériorité. Ils sont instrumentalisés idéologiquement pour construire une image fortement erronée de la réalité. Pour les Européens, les exhibés sont perçus à travers cette fausse image préfabriquée : « Ils ne perçoivent qu’une image de celui-ci, l’image dont les contours sont obligatoirement déformés parce l’intention à l’origine de l’exhibition, la mise en scène, les décors, la composition des individus de la troupe ou du village ne sont qu’une réalité fabriquée de toutes pièces ». L’Occident ne perçoit plus l’homme non-blanc comme il est réellement mais comme il voudrait qu’il soit :«Le public veut des bêtes curieuses, sauvages, féroces, bien différentes des espèces européennes, pour se dépayser et rêver aux contrées lointaines». C’est pourquoi toutes les exhibitions ont souvent eu lieu dans des endroits où sont généralement présentés des animaux pour rabaisser tous les exhibés au rang de sous-hommes.

Les exhibitions qui se déroulent dans les zoos sont cautionnées par les pseudo-scientifiques de l’époque : les anthropologues. Ils s’efforcent de valider une hiérarchisation des hommes totalement infondée. L’objectif fixé par l’anthropologie est de hiérarchiser arbitrairement les peuples non-européens afin de légitimer la suprématie blanche sur le reste du monde. Toutes les descriptions anthropologiques établies par ces pseudo-scientifiques n’ont strictement aucun sens. Par exemple pour l’Afrique du sud, elle a créée trois races:

– les Boschimans : «la race du sol», «les hommes des bois, les sauvages par excellence»,

– les Cafres : «ce sont des nègres typiques» (Les autres ne sont ils pas eux aussi des Nègres ?!), selon la croyance de l’époque, une race venue après les Boschimans .

– les Hottentots qui représentent : « tout ce qui n’est pas notoirement Cafre ou Boschiman ».

D’ailleurs il est édifiant de citer la confuse conclusion de Paul Topinard, éminent anthropologue de son temps au sujet des dits «Hottentots» qu’il a vu au Jardin : « Les Hottentos du Jardin d’acclimatation sont la démonstration vivante qu’il n’y a pas de race de ce nom, pas de type de ce nom, mais que les Hottentots sont une race métisse de Cafre et de Boschiman, avec prédominance de Boschiman ». Voilà comment les scientifiques font de la science au XIX ème siècle.

La hiérarchisation des races est incohérente puisque la race n’a aucun fondement biologique, c’est uniquement un concept social. On peut facilement imaginer toutes les fantaisies et incohérences d’une « science » dont l’hypothèse de travail fondatrice est entièrement fausse. Évidemment les publications de ces scientifiques nous apparaissent absurdes aujourd’hui en revanche il est judicieux d’analyser le contenu de cette « science » afin que l’internaute se rende compte par lui-même du caractère anti-scientifique de l’anthropologie parfois appelée aussi ethnographie telle qu’elle a été élaborée au XIX ème siècle. Notre démarche n’est en rien ironique bien au contraire, nous décrivons objectivement les faits pour que chacun puisse se faire sa propre opinion. En fait à quoi servent véritablement ces exhibitions ?

L’aspect scientifique est une supercherie, on ne peut plus continuer à avancer ce prétexte fallacieux. Au XIX ème siècle les intellectuels occidentaux s’interrogent eux-mêmes sur cette pseudo science qui repose sur une néfaste idéologie. Selon Fulbert Dumonteil « Il n’est guère de science plus à ma mode que l’ethnographie : N’a-t-elle pas aujourd’hui ses annales et ses revues, ses livres de voyage, ses musées, ses instructives et curieuses exhibitions au Jardin Zoologique d’Acclimatation, attraction du public, étude de savants ? ». Attraction du public ou étude de savants ?

La question est déjà posée au XIX ème siècle. Les ouvrages modernes sur le sujet ont pour besogne d’y répondre et ils s’échinent à expliquer que ces exhibitions représentent simultanément des intérêts communs, ludique pour le peuple et instructif pour les scientifiques or il n’en est rien. Quand, comment et pourquoi l’anthropologie a-t-elle été créée. Paul Broca déclare que « l’anthropologie est de toutes les branches des sciences naturelles celle qui s’est développée la dernière ».

L’anthropologie prend son essor en France au XIX ème siècle à la suite de la fondation de la société d’anthropologie de Paris en 1859. Elle avait été inaugurée auparavant par Buffon en 1749 mais elle est restée entre les mains d’un cercle restreint d’acteurs. Elle commence réellement à se développer en 1859 (une dizaine d’années après l’abolition de l’esclavage).

Auparavant l ‘Occident n’avait pas besoin de cette « science » et pour cause les Africains n’avaient pas de « réalité humaine juridique », ils étaient considérés légalement comme des biens meubles (cf code noir de Colbert). Suite à l’abolition de l’esclavage, l’exploitation de l’homme par l’homme se poursuit avec la colonisation. Afin de légitimer sa domination sur l’Afrique, l’Europe crée l’anthropologie qui a pour mission de prouver que les Africains sont une race inférieure que l’Occident se doit de les civiliser.

L’émergence et le contexte dans lequel a été développée l’anthropologie, les incohérences, les approximations, les incertitudes dont font preuve les animateurs de cette pseudo science sont autant de faits objectifs qui prouvent que l’anthropologie n’est en rien une science mais une propagande idéologique recouverte du manteau de la science qui a pour but de démontrer que l’européen est intellectuellement supérieur aux autres hommes et que par voie de conséquence cela lui donne le droit de s’approprier les ressources d’autrui. Dans le paradigme occidental, nous l’avons déjà prouvé dans la section  » Ses origines » du site, l’homme a toujours été déshumanisé, dépouillé de sa dignité humaine, il est souvent relégué au rang d’animal ou d’objet, c’est un fait culturel historique indéniable.

Le processus de chosification de l’autre est un procédé courant en Occident, il remonte à la plus haute antiquité. Considérer un homme comme un objet ou un animal est un scandale moral peu importe l’époque historique. Notre démarche est de comprendre les mécanismes de ce phénomène et non de les juger. Le processus de déshumanisation de l’homme est un phénomène culturel européen qui est loin d’avoir disparu, il est toujours à l’oeuvre en Occident, vous pouvez vous en convaincre dans la section « Sa continuité  » du site. À la fin du XIX ème siècle, l’Occident accentue sa vision de l’homme, sa perception de l’être humain et crée une profonde rupture entre l’homme blanc et le non-blanc à travers les « zoos humains ».

La dégradation de l’homme est violente si bien qu’il est explicitement considéré comme un animal. Pour l’Europe, la scission est claire : «L’Autre ne sera jamais nous »10. L’Occident décide de se séparer du reste de l’humanité, cette navrante idéologie a laissé de graves séquelles jusqu’à aujourd’hui. Il est regrettable que les auteurs des ouvrages sur le sujet n’ont pas le courage intellectuel d’admettre que l’anthropologie du XIX ème siècle est non une science mais une campagne de propagande pour légitimer l’exploitation de l’homme par l’homme. Ils persistent à clamer que les savants ont construit une hiérarchie des races qu’ils cautionnent par conformisme et qu’ils n’ont fait que valider un racisme sans même s’en rendre compte11.

Les scientifiques de l’époque savent pertinemment ce qu’ils disent, au contraire ce sont les personnes les mieux placées pour infirmer le dogme de l’infériorité naturelle des peuples non blancs. De notre point de vue ces hommes dit de sciences étaient des idéologues, ils savent tous consciemment qu’il n’y a aucune différence intellectuelle entre l’homme non blanc et l’européen. Ceux qui continuent de défendre l’attitude de ces scientifiques en prétextant qu’ils ignoraient qu’ils cautionnaient le racisme, qu’ils étaient de bonne foi 12 sont alors contraint d’admettre l’incompétence manifeste de ces scientifiques.

En effet déjà au XIX ème siècle, tous les travaux, les mesures anthropométriques prouvent qu’il est scientifiquement impossible d’échafauder une hiérarchisation des races. Si ces pseudo-scientifiques se sont enferrés « de bonne foi  » dans l’erreur alors il faut admettre que ce ne sont qu’une équipe d’imbéciles qui s’amusent dans leurs laboratoires avec des êtres humains et se divertissent dans les zoos européens tout comme le public. En vérité ces pseudo-scientifiques ont accepté de continuer à diffuser le mensonge : ils ont sciemment décider de faire de l’idéologie, de la propagande et non plus de la science. Il est temps de dénoncer ces faux scientifiques qui ont outragé la véritable science et ont consolidé le racisme. Étant donné que l’armée des 53 auteurs modernes qui ont rédigé l’ouvrage médiatique « Zoos humains » n’ont à aucun moment condamné l’idéologie mise en place par les hommes de sciences de l’époque, il est légitime de se poser la question suivante : ne poursuivent-ils pas eux-même la propagande idéologique des pseudo-scientifiques du XIX ème siècle ?

Source : deshumanisation.com

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Commentaires

  1. FORTIN dit :

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  2. FORTIN dit :

    Auteur de la photo ? Date ? Lieu ? Nous souhaiterions l’exploiter en cours. Merci