Le prix Nobel nigérian de littérature, Wole Soyinka, premier noir africain à avoir obtenu la prestigieuse récompense pour son oeuvre, a célébré dimanche ses 80 ans, un anniversaire marqué par diverses manifestations littéraires et culturelles à travers le pays.
Romancier, poète, metteur en scène, acteur, dramaturge et militant, cette figure très populaire qui a consacré sa vie à son art et à la défense de la démocratie, a reçu de nombreux hommages, ralliant admirateurs et anciens adversaires.
A la veille de son anniversaire, le président Goodluck Jonathan l’a félicité pour « son dévouement de toute une vie à mettre son génie et ses talents reconnus au service non seulement de son art mais aussi de la démocratie, de la bonne gouvernance et du respect des droits de l’homme au Nigeria, en Afrique et au-delà ».
– Accolade avec l’ancien dictateur –
Son aura a même poussé son adversaire, l’ancien dictateur, le général Yakubu Gowon, qui l’avait emprisonné pendant deux ans pendant la guerre du Biafra de 1967-1970, a interrompre une visite au Ghana pour participer vendredi à une conférence organisée à Abeokuta, la ville natale de l’écrivain dans le sud-ouest du Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique.
A l’arrivée du général dans la salle de conférence, l’ancien détenu –qui paraissait bien plus jeune que son âge –, s’est prestement levé pour lui donner l’accolade, suscitant une cascade d’applaudissements.
« Je suis venu à Abeokuta pour honorer cet homme si particulier », a indiqué le général Gowon qui s’en était pris à l’écrivain soupçonné de soutenir son rival durant la crise de 1967 qui avait conduit à la guerre civile et ses près d’un million de morts.
Durant 80 jours, autant de jours qu’il a vécu d’années, le lauréat du Nobel de 1986 a été au centre de dizaines de conférences, expositions et manifestations littéraires au Nigeria dont il a combattu les régimes militaires et critiqué les dirigeants corrompus et incapables.
Ces festivités devaient connaître leur point d’orgue lundi dans sa maison isolée d’Abeokuta avec la représentation d’une de ses pièces.
Originaire du pays yoruba (ouest du Nigeria), Wole Soyinka est né le 13 juillet à Abeokuta. Après des études supérieures en Angleterre et un séjour au Royal Court Theatre de Londres, il retourne au pays où il fonde sa propre troupe, « Masks ».
Créateur d’un véritable théâtre africain, il se révèle dans une quinzaine de pièces, comme « Les épreuves du frère Jéro » (1964), satire de la situation politique et du fanatisme religieux au Nigeria.
Indissociable de son oeuvre fortement enracinée dans la culture de son pays, l’engagement militant de Wole Soyinka se radicalise dès 1965, date à laquelle il est accusé d’avoir diffusé à la radio un enregistrement invitant à la révolte contre le « féodalisme et le totalitarisme ».
Pendant la guerre civile nigériane, l’écrivain, qui se rend en « territoire rebelle », comme était désignée la province séparatiste du Biafra, est emprisonné de 1967 à 1969, expérience qui lui inspire « Cet homme est mort » (1972). Libéré, il enseigne le théâtre à Ibadan, puis la littérature comparée à Ife, dans le sud-ouest du Nigeria.
– ‘Un don de Dieu’ –
Dans « Le roi Baabu », inspirée d' »Ubu roi » du Français Alfred Jarry et sa première pièce à être présentée dans son pays après son exil, Wole Soyinka dénonce les tyrans du monde et en particulier du continent africain.
« Soyinka, est un géant de la littérature, c’est un don de Dieu au Nigeria, en particulier, et à l’Afrique et au monde, en général. Son style est sans pareil », a affirmé à l’AFP le critique littéraire Dare Ademola.
Pour Chima Anyadike, directeur du département d’anglais de l’université d’Obafemi Awolowo, où l’auteur a enseigné en dernier, « Soyinka est un grand écrivain de notre temps ».
Wole Soyinka a vécu en exil entre 1994 et 1998, quittant clandestinement son pays, sous le régime du général Sani Abacha, dans la foulée des mouvements de contestation contre le pouvoir militaire.
Chasseur, connaisseur de vins et attaché à son intimité, il ne s’est pas pour autant éloigné des questions qui touchent son pays avec l’âge. En janvier 2012, il avait participé à des manifestations contre le président Jonathan, après une hausse des prix de carburant.
Source : http://
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