Il nous a été appris que le créole venait majoritairement du français , mais il est logique qu’une oreille qui ne comprend que le français ne puisse pas entendre l’héritage africain dans cette langue
Afin que chaque créole ( Martinique, Guadeloupe, Guyane, Cap vert , Haiti …) puisse avoir accès à cet héritage, cet article sera en plusieurs parties. Cette première partie sera sur le créole martiniquais et guadeloupéen.
Premièrement , pour mieux comprendre quels sont les pays d’Afrique concernés, revenons brièvement sur la répartition des esclaves.
Il y a 3 zones bien définies qui étaient à la fois les points de départ des esclaves mais aussi 3 Royaumes : Sénégal, Bénin (Sud du Nigéria, Bénin et Togo), Kongo (sud des 2 Congos ,sud du Gabon et nord de l’Angola). Ainsi, le R. P. Jean-Baptiste Du Tertre (1), nous dit ceci : “les nègres sont tous originaires d’Afrique, des côtes de Guinée, d’Angola, du Sénégal ou du Cap-Vert ”. Le contact entre ces trois groupes qui ont des cultures et des langues différentes furent quotidiennes aux Antilles.
Aujourd’hui sur ce littoral dans l’ouest de l’Afrique, il y a plusieurs pays tels que : le Sénégal , la Gambie , la Guinée, le Ghana , le Togo, le Bénin, la Republique du Congo, République Démocratique du Congo (ex-Zaïre), le Gabon , l’Angola …
Mais deux royaumes nous intéressent plus particulièrement celui du Bénin et du Kongo par rapport à l’apport de ses populations dans ses îles. D’ailleurs, il est prouvé que ces apports ont influencé ces créoles tant et si bien que le créole martiniquais (tout comme l’haïtien) aurait une inspiration plus forte provenant de l’Ewe langue du Royaume du Bénin et le Guadeloupéen du Kikongo et du kibundu du Royaume Kongo.
L’influence de ses langues africaines sont présentes en premier lieu dans la grammaire .
Quand nous regardons toutes les fondations de la langue , que ce soit la conjugaison, les marqueurs de temps , les pronoms , la syntaxe , la post-position des déterminant, des articles et même certains mots du vocabulaire crucial on se rend compte de l’héritage Africain. Ces captifs ont effectué une forme de résistance et d’unité à travers la langue. Telle une boîte noire.
GRAMMAIRE
Exemple :
En Manjaku (langue de Guinée) : Abuk U ( ton enfant) En créole martiniquais = Ych Ou ( ton enfant)
En Wolof: Na nga def? : ça va? (litteralement: Comment tu fais?)
Créole martiniquais: Sa ou fè ? ( ça va?)
- En Manjaku =man joo ka lemp ( j’étais entrain de travailler)
En créole Martinique = Man té ka travay ( j’étais entrain de travailler)
En Lingala (langue Congo) = Mama na ngai= Ma mère (littéralement : Mère de moi)
En créole guadeloupéen = Manman an mwen = ma mère (litt: mère de moi)
Lingala = Na ko beta yo= je vais te frapper
créole guadeloupéen= An ké bat ou = je vais te frapper
Lingala = Na keyi nairobi = je vais à Nairobi
créole guadeloupéen= An key Lapwent = Je vais à pointe à pitre.
Lingala = Ndako oyo = cette maison ( litt : Maison cette)
créole guadeloupéen = Kaz lasa = cette maison ( litt: maison cette)
Le ka et le ké de la conjugaison créole viennent du Sénégal n’gha et n’ghé.
- pronoms personnels :
En créole : MARTINIQUAIS = Man (je) ; Ou/wou ( tu) ; i (il ; elle)
Langues Africaines:
Bassa Cameroun = Mè (je) ; Ou (tu); A (il/elle)
Manjaku= Man (je) ; Ou (tu) ; A (il /elle)
Swahili= Ni (je) ; Ou (tu) ; A (il/elle)
Ga= Man (je) ; Wo (tu) ; i/e/yé ( il ou elle)
Ewé = Me (je) ; Wo (tu); i/e/yé (il ou elle)
Langue Sena = Kou (je) ; Ou (tu) ; i ( il /elle)
Yo: existe en lingala : YO et en Swahili: Yao par contre dans ces langues, il veut dire ” Tu” , il est fort possible que cela soit une évolution de ce pronom.
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Comme dans la plupart des langues africaines, le pronom personnel de la 3eme personne en Martiniquais ne fait pas la distinction entre le masculin et le féminin…
-
- Swahili : Mama yao ( ta mère)
Martiniquais : Manman yo (leur mère)
Guadeloupéen : Manman ayo ( leur mère)
- Swahili : Mama yao ( ta mère)
Malgré tout ce qu’on peut dire , les faits sont là. Il y a donc une formulation et compréhension des phrases typiquement africaine . Les langues Martiniquaise , haïtienne et guadeloupéenne sont en accord avec la famille nigéro-congolaises… Ces mots en sont la preuve :
VOCABULAIRE
- le mot Zanba (personnage de conte que nous connaissons bien) se retrouve au Congo Brazzaville et Congo Kinshasa N’Zamba
- Bonda qui signifie ”derrière, fesses” en Martinique et Guadeloupe se retrouve dans plusieurs langues africaines:
Comparons avec plusieurs langues Africaines. ( les “u” se prononce “ou”)
Kikongo : Mbunda (derrière) ;
Kimbundu : Mbunda (derrière , anus)
Bambara : Boda ( anus) terme utilisé pour les insultes.
Malinké : Bunda (même sens qu’aux antilles)
Mandingue : Buu-daa ( même sens)
Djoula : Boda (fesses)
Sango : Ngbònda : (derrière)
- Boula (dans une formation de gwo ka, ce sont les deux tambours couchés sur lesquels sont assis les joueurs de gwo ka : boulayè) se retrouve en Angola et dans les deux Congo .Langue kikongo : Mbula ; langue lingala : Bula.
- Ainsi Dendé (noix de palmier) se dit Ndende et Ondendi (huile de palme) respectivement en kikongo et en umbudu
- Soucougnan vient des mots “Su ku gna ” ou “Su gna ku “qui veulent dire : payer pour la mort de quelqu’un en Fongbe langue du Benin et du Nigeria Il est appelé “Soukhounia” en Soninké ( langue du Mali).
- Le mot Kongolyo (guadeloupe/martinique) signifie mille-patte à son origine dans le kikongosous la forme de nkongolo
- le mot Gembo (Djembo ou Guimbo en guadeloupéen ): qui veut dire chauve-souris à le même sens en kikongo. D’où la fameuse chanson de Carnaval : “Guimbo la (pilipipip !) an zafè ay’ “ .
- Le mot Accra ( beignets de morue) est d’origine africaine de la langue Ewe parlé au Bénin qui là bas désigne des beignets de légumes
- Le mot Béké signifie un blanc en créole mais plus precisément un blanc pays souvent ancêtre des blancs esclavagistes reconvertis dans l’agro-alimentaire ou l’import export et en Igbo langue du Nigeria désigne aussi un blanc
- Le mot Awa signifie “oui” en Soussou langue de la Guinée alors qu’en créole il signifie “non”. awa = interjection de négation, de mécontentement, de désaccord
kikongo : awa = interjection ou adverbe de négation
kimbundu : awa = interjection pour exprimer l’ennui ou le désaccord - Tototo utilisé lorsque nous arrivons chez quelqu’un est utilisé dans pratiquement toute l’Afrique sous la forme Kokoko ( même signification)
- Yé kri Yé kra était utilisé chez les peuples du Congo dont les Lubas . Ce crie était lancé par le grio avant qu’il raconte une histoire afin d’avoir l’attention des ses spéctateurs.
- Créole martiniquais : Sanm ( ressembler à , être similaire à)
Egypte nubienne : SAM ( ressemblance , similitude)
Wolof : Sâmandây (semblable à , similaire )
cf : Page 322 De “Nation nègre et culture”
- Dans la Caraïbe et dans l’océan indien, “Moun” signifie ” Personne”
comparons avec les langues Africaines. (les “u” se prononcent “ou”)
kikongo= KiMUNtu (l’humanité)
Kikongo= MUNtu (personne)
Bamoun = MUN (personne)
kituba= MUNtu
Lunganda =OMUNtu
Luhya= OMUNdu
kinyarwanda= UMUNtu
Tshiluba = MUNtu
Chichewa=MUNthu
yao=wu-MUUNdu
kwanyama= OMUNhu
Shona= MUNhu
Haoussa=MUTUN= (personne)
Signalons enfin qu’en Baoulé (autre langue du groupe Akan ) , la terminaison “Mun” est utilisée pour caractériser une catégorie humaine
Exemple:
“Sran ” = Une personne.
“Sranmun“= les gens.
Bakanmun= les garçons.
En guadeloupéen :
TiMoun : les enfants ; GranMoun : Les anciens.
Il y a même un suffixe : ” Moun ” en Guerzé (Libéria), qui s’adjoint à un nom de localité , au sens de ” habitant de “.
EX : Samoémoun ” : les gens de Samoé.
on peut comparer dans l’ordre inverse avec le guadeloupéen : ” Moun Gozié ” (les habitants du Gosiers) par exemple.
- Aux Antilles, le mot ” Djok” signifie “Vigoureux , costaud, robuste” .
En éwé & Ga = Djoko (vigoureux)
En éwé = Djou Djoku zi ( Se surpasser)
Bassa Cameroun = Ndjok (éléphant)
- Aux Antilles, le mot ” Koko ou Kok (guadeloupe) ” désigne le ” sexe masculin ” . Il a donner le verbe “ koké ” signifiant avoir un rapport sexuel.
Comparons avec les langues Africaine.
Langue Kikongo = Koko ( main, bras, patte de devant ; Mâle).
Langue Yoruba = Oko ( sexe masculin)
Langue Swahili = Koko ( testicules)
Krio de sierria leone = Koko ( bosse sur le corps humain)
langue Wolof = Koy ( sexe masculin)
- Aux Antilles, le mot ” Agoulou” désigne ” un Vorace “.
Rapprochement avec les langues Africaines:
En Haoussa = Agoulou ( Vautour)
Lingala = Ngoulou ( goulument )
Kikongo = Ngoulou ( porc, cochon, vorace, sale)
Kimbundu = goulou ( même sens que le kikongo)
Kimbundu = Ngoulou (porc , indécent)
- Matoutou : nom du plat de crabes dégusté à Pâques (préparé au colombo, sorte de curry, vive “la créolité” )
En Fongbè :atoutou = mets à base de crabes mélangés à de la farine de maïs”. En Kikongo :matoutou = “souris”Matoutou-falaise désigne une mygale . - Mabouya en kikongo: désigne une espèce de lézard albinos, jaune, avec des yeux rouges, réputé pour sortir la nuit et se coller sur toi s’il te saute dessus ; par extension, a désigné dans une certaine chanson de kompa haïtien la femme qui danse en remuant beaucoup son postérieur et en se collant au danseur (“Fanm’ ka dansé kon Mabouya !” )
- Ababa en créole signifie un sourd muet, un imbécile. En Kikongo, BABA signifie sourd muet.
- – Kaya : feuille de cannabis. En Kikongo MAKAYA veut dire des feuilles.
- Malanga : un légume comestible appelé aussi CHOU CARAIBE. En Kikongo MALANGA, des tuberculoses comestibles.
- Tak-tak en créole: Espèce de poisson.En Kikongo NTAKATAKA un poisson.
- KI : Lequel. En Kikongo NKI veut dire QUEL, LEQUEL ?
- Ba : Pour, donner. En Kikongo BA, pour , donner.
- Gonbo : Un légume vert. En Kikongo NGOMBO, est aussi un légume vert.
- Malanga : Espèce d’igname. En Kikongo MALANGA, igname.
- Foufoun : Organe sexuel féminin. En Kikongo FUNI/FUNU, organe sexuel féminin.
- Kokot : Vagin, clitoris.En Kikongo KOKODI, clitoris.
- Bobo : Plaie. En Kikongo BOOBO, plaie.
- Lota : Mycose. En Kikongo LOOTA, mycose, maladie de la peau.
COMPARAISON DES ONOMATOPEES
- Créole : PO ” Bruit de chute ” / Kikongo Poo “bruit de chute”
- Créole : To ” bruit d’un coup sec / kikongo : to “bruit d’un coup sec “
- Créole : “ta” bruit d’un coup sec / Kikongo : “ta” bruit semblable à un coup de pistolet , une bouteille qu’on ouvre. ect…
- Créole ” Bo “ bruit de chute ” / kikongo “Bwo” bruit de chute
- Créole “pok” bruit d’un coup sec / kikongo “poka” bruit d’un coup de baton
- Créole : Blokoto “bruit d’un coup sec ” / kikongo : Bolokoto ” chute de quelque chose de dur “.
- Créole : Kyous “avaler d’un coup ” / kikongo : kyu ” onomatopée désignant la déglutition “.
- Créole : Chwa-Chwa ” bruit de la mer / Kikongo : “chya-chya” Onomatopée pour le bruit des vagues , le clapotage.
- Créole : Kya-kya-kya ” onomatopée pour le rire” / kikongo : onomatopée pour le rire
Par ailleurs, le Tchip se retrouve dans toutes les diasporas noirs , il est typique du continent africain , où sa durée de phonation est proportionnelle au degré de dédain qu’une personne veut marquer pour une autre….
Tout ceci démontre que, contrairement à ce qu’affirment certains linguistes, dans le but de donner au français le rôle exclusif dans la formation du créole, les Africains n’ont pas oublié leurs langues en arrivant dans les colonies.
Source : – (1) Histoire générale des Antilles habitées par les Français, tome II, page 496
-inventaire étymologique des termes créoles des caraïbes d’origine africaine (L’Harmattan), Pierre Anglade
-le langage créole , Arta, Auguste Bazerque ( 1969)
– Langue et identité en Guadeloupe : une perspective afrocentrique,Ama Mazama, éd. Jasor, Point-à-Pitre, 1997 ;
- Le rôle des langues africaines dans le développement des créoles: http://creoles.free.fr/Cours/afrique.htm
- Histoire méconnue des bakongos à Madinina: http://mbutamassee.afrikblog.com/archives/2010/05/08/17832442.html
- http://www.karaibes.com/originescreole.htm
- Kofi JICHO KOPO ,L’Afrique Dans La Culture Caribéenne :https://www.facebook.com/LAfriqueDansLaCultureCaribeenne?fref=ts
Source: http://trendynewz.fr/
http://trendynewz.fr/le-creole-heritage-africain-ces-mots-qui-viennent-de-toute-lafrique/
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