Fanny Pigeaud, journaliste travaillant pour le site d’information Mediapart, a été condamnée mardi 08 janvier 2019 en diffamation par le tribunal correctionnel de Nanterre pour un article intitulé « Comment le groupe Bolloré a ruiné deux entrepreneurs camerounais », publié en avril 2016.
Plusieurs passages ont été jugés diffamatoires. Cette spécialiste de l’Afrique a été condamnée à verser 1.500 euros d’amende avec sursis par le tribunal. Le journaliste Edwy Plenel, poursuivi en tant que directeur de publication, se voit infliger une amende de 1 500 euros ferme.
Le tribunal les a également condamnés solidairement à verser 2 000 euros à chaque partie civile Vincent Bolloré et deux de ses entreprises, Bolloré SA et SAS Bolloré Africa Logistics, en dédommagement du préjudice d’image subi.
Selon Jeuneafrique, Mediapart devra en outre supprimer de son site les passages de l’article incriminés sous peine d’astreinte. Dix des passages sur les onze visés par la plainte de Bolloré ont été considérés comme diffamatoires. Mme Pigeaud va « faire appel de cette décision dès demain », a indiqué à l’AFP son avocat Emmanuel Tordjman.
« C’est une bouffée d’oxygène contre les excès », a réagi pour sa part Olivier Baratelli, avocat des parties civiles, interrogé par l’AFP. « Mediapart est rappelé à l’ordre » et « ne doit pas se laisser déborder par ses envies d’outrance », a-t-il estimé.
Dans cet article, la pigiste estimait que les deux associés s’étaient retrouvés ruinés parce que le groupe français n’avait pas respecté une décision de la justice camerounaise prise en 1993, lui intimant de payer des dommages et intérêts à leur société. Leurs marchandises, des plantes médicinales, avaient en effet été stockées par une filiale de Bolloré, la Socopao, et avaient subi une avarie, rendant le produit invendable.
Son article évoquait notamment une « collusion » entre le pouvoir camerounais et le groupe du magnat breton. À l’audience, le 4 décembre, le ministère public avait critiqué le sérieux de son enquête, estimant que l’article était « certes bien fondé, mais plutôt inopportun ».
Le tribunal a repris mardi ces arguments à son compte, relevant notamment « le caractère incomplet de l’enquête », qu’il a considérée « à charge » et « non-contradictoire ».
« En tant que journaliste d’investigation », celle-ci « se devait d’être irréprochable dans son travail d’enquête », a insisté la présidente, estimant que les deux prévenus s’étaient montrés « de mauvaise foi ».
La journaliste de 44 ans s’était défendue à l’audience en disant avoir tenté de joindre en vain le groupe Bolloré et ses conseils pendant près de trois semaines. Edwy Plenel avait pour sa part indiquée « assumer totalement cette publication » qui « évoque une affaire emblématique de ce qui se passe sur ce continent ». « Le groupe Bolloré est supra-étatique en Afrique. (…) Rien de ce que dit cet article n’est faux ou biaisé », avait-il asséné.
Le milliardaire breton et son groupe sont coutumiers des procédures à l’encontre de journalistes ou de médias.
Mediapart avait remporté sa précédente passe d’armes avec l’empire Bolloré, aux côtés d’autres médias et d’ONG, en mars 2018 : le tribunal correctionnel de Paris les avait relaxés alors qu’ils étaient poursuivis par la Socfin -une holding propriétaire de plantations en Afrique et en Asie et dont le groupe Bolloré est actionnaire pour avoir fait état d' »accaparements » de terres par cette société.
Opri Avérroèse Kalet
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