L’Ethiopienne Bogaletch Gebre est décédée le 4 novembre à Los Angeles. Une militante engagée qui se consacrait depuis vingt-deux ans à défendre les droits des femmes dans son pays. Elle avait fondé cette organisation en 1997 pour lutter contre la violence et la discrimination contre les femmes exercées à travers certaines pratiques traditionnelles, comme les mutilations génitales ou les mariages forcés.
Son courage face au déterminisme social des années 1960 dans les campagnes éthiopiennes ne lui a cependant pas permis d’échapper, à 12 ans, aux traditions tenaces et brutales dont les jeunes filles sont victimes. A l’époque, les excisions, rite de passage avant le mariage, sont systématiques. « Un homme la tenait au sol pendant que deux femmes lui tenaient les jambes et une troisième s’est assise entre elles, utilisant un rasoir pour entailler ses parties génitales », écrit sur sur le site de KMG. Marquée dans sa chair après avoir frôlé la mort, Bogaletch Gebre sera aussi traumatisée par le décès de sa grande sœur, enceinte de jumeaux, là encore en raison de mutilations génitales. Ne cherchant pas à condamner mais plutôt à sensibiliser, Bogaletch Gebre initie des rencontres au sein des villages et sur les lieux de culte.
Pour décrire son état d’esprit, un ancien ambassadeur de France en Ethiopie, Stéphane Gompertz, raconte qu’elle expliquait en substance : « Croyez-vous que Dieu est parfait ? Oui ! Croyez-vous que sa création est parfaite ? Oui ! Alors pourquoi voulez-vous la corriger ? » Au-delà des discours, elle met à mal les coutumes en les subvertissant. Ainsi, les célébrations organisées après l’excision des fillettes deviennent des fêtes en l’honneur de leur intégrité corporelle préservée. « La joie de voir des milliers de jeunes filles se rassembler dans un seul endroit pour chanter et danser, c’était éblouissant », se souvient Tim Clarke, l’ambassadeur de l’Union européenne en Ethiopie de 2004 à 2007, invité avec sa femme lors d’un de ces événements. Le diplomate était demeuré proche de la militante : « Boge aura toujours une place particulière dans mon cœur. Elle est la femme africaine la plus charismatique que j’ai jamais rencontrée. Son combat pour les femmes et les droits des filles sur le continent africain est sans égal. Et elle l’a fait à un moment où les autorités éthiopiennes faisaient tout pour empêcher ses activités.»
Née dans une famille de fermiers, à 370 kilomètres au sud de la capitale Addis-Abeba, elle fut la première fille de son village, dans la circonscription du Kembatta, à arriver au terme de sa scolarité à l’école primaire. Elle fut ensuite envoyée à Addis-Abeba puis obtint une bourse pour aller étudier la microbiologie et la physiologie en Israël. C’est finalement aux Etats-Unis qu’elle acheva ses brillantes études, avec un doctorat d’épidémiologie obtenu à l’université de Californie.
Prince Khalil
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