C‘était il y a 21 ans, presque jour pour jour.
Le 7 novembre 1991. Magic Johnson révélait sa séropositivité et annonçait la fin de sa carrière. Ces jours-ci, la presse américaine est revenue sur cet évènement, car c’est bien de cela dont il s’agissait. Un évènement. Sportif, mais pas seulement. Parce que Magic était alors une star incontournable du sport américain, dont la popularité dépassait largement le cadre du basket et la ville de Los Angeles. Un peu comme Michael Jordan après lui. Surtout, cette annonce fut un choc pour l’Amérique, qui pensait encore en grande majorité que le SIDA, c’était pour les gays. Accessoirement, dans la tête de chacun, virus du SIDA signifiait une mort proche.
Magic n’a rien oublié de cette journée. Son arrivée à l’Université Loyola Marymount, située à L.A., où les Lakers devaient s’entraîner ce matin là. Puis il se souvient de son coach, Mike Dunleavy, annonçant que l’entraînement était annulé. A la place, tout le monde devait prendre la direction du Forum d’Inglewood, la salle où jouait alors la franchise californienne, pour une réunion, sans en préciser l’objet. Quand ils sont arrivés dans le vestiaire, Magic les attendait. L’ambiance s’est glacée en quelques secondes. « Ça n’a pas duré longtemps. Magic nous a dit: ‘Je veux vous prévenir en premier. J’ai contracté le virus HIV. Je dois arrêter ma carrière.’ C’était un séisme. Tout s’écroulait. On venait d’entendre que notre coéquipier, notre ami, notre frère, souffrait d’une maladie qui, à cette époque, signifiait la mort pour nous. Les gars ont commencé à pleurer. »se rappelle Green, ancien coéquipier de Johnson.
Préjugés
A l’époque, en effet, le grand public appréhende encore mal le virus du SIDA. Lorsque Johnson a annoncé sa séropositivité, un sondage effectué aux Etats-Unis révéla que 93% des Américains pensaient que seuls les homosexuels pouvaient contracter le virus. Le milieu du basket n’était pas si différent du grand public… De ses équipiers à ses adversaires, des entraîneurs aux dirigeants, tous, ou presque, ont donc cru que Johnson ne passerait pas l’hiver. Kenny Smith, l’ancien meneur des Houston Rockets, l’avoue humblement: « Je n’étais pas informé de ce qu’impliquait vraiment ce virus. J’avais des préjugés un peu bêtes, comme tout le monde. Mine de rien, il a aussi fait beaucoup de bien aux gens qui avaient un proche souffrant de cette maladie. Ces gens là ont cessé de se sentir comme des parias. »
Magic: « Si j’avais su ce que je sais aujourd’hui… »
La force de Magic fut de dépasser son drame personnel pour utiliser son image, afin de jouer un rôle de pédagogue. « Il a été remarquable dans ce rôle là, a témoingné Kenny Smith. Il a éduqué les gens. A titre personnel, il m’a appris à avoir une nouvelle perspective sur le sujet. Il a fait comprend beaucoup de choses aux gens. » « Il a permis aux gens de comprendre que le SIDA, ça pouvait arriver à n’importe qui. Pas seulement aux gays ou aux drogués », note encore dans Time Kevin Frost, le patron de la Fondation pour la recherche contre le SIDA. Mais la lutte contre les préjugés a été longue, y compris au sein de la NBA. Lorsqu’il a envisagé pour la première fois de reprendre la compétition, notamment lors du All Star Game en février 1992, certains ont alors dit dans la presse qu’ils refuseraient de jouer sur le même parquet que Johnson. Karl Malone, par exemple, avait même affirmé qu’il ne voulait pas se trouver dans le même immeuble que Magic. « Il ne faut pas juger, c’était une autre époque, estime Charles Barkley. Magic a géré ça à la perfection parce que c’était Magic, c’était sa personnalité. Il a été parfait. »
Plus de vingt ans après, Magic Johnson est toujours là. Bien vivant. Plus que jamais. Depuis ce 7 novembre 1991, il a eu mille vies. De sportif, aux Jeux de Barcelone par exemple. Il a été coach. Homme d’affaires. Consultant télé. Il n’a surtout jamais perdu ce sourire symbole de sa personnalité. Il est resté Magic. Avec ou sans le HIV. De cette histoire, le principal intéressé retire deux enseignements. « Heureusement qu’il n’y avait pas twitter, facebook et internet en général, car ça aurait été la panique et je n’aurais pas pu gérer », a-t-il confié. Surtout, avec le recul, il aurait continué à jouer. « Je ne suis pas un homme qui vit avec des regrets. Mais si j’avais su à l’époque ce que je sais aujourd’hui, que j’étais porteur du HIV mais sans que la maladie ne se développe, si j’avais su que je pouvais continuer à vivre et jouer normalement, je n’aurais pas arrêté ma carrière. »
Depuis son annonce, la journée du 7 novembre est devenue « Point Forward Day » une journée de sensibilisation sur le VIH/SIDA
Le 27 juin dernier, Magic Johnson a lancé sa chaîne de télévision « Aspire » sur un réseau de câbles basé à Atlanta. La chaîne diffuse régulièrement des programmes familiaux. Johnson en sera l’actionnaire majoritaire.
Le but principal de sa chaîne est de montrer une image positive de la communauté noire américaine.
Avec eurosport.fr (interview tiré du Time Magazine à l’occasion de la 20eme année de son annonce du VIH)
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