Le meilleur sprinter de la planète débarque en librairie avec une nouvelle autobiographie dans laquelle il donne quelques-unes des clés de son succès. Compilation:Le Jamaïcain USAIN BOLT, en finale du 4×100 mètres aux Championnats du monde d’athlétisme, à Moscou le 18 août 2013.
Le Jamaïcain USAIN BOLT, en finale du 4×100 mètres aux Championnats du monde d’athlétisme, à Moscou le 18 août 2013.
L’homme le plus rapide du monde déboule en librairie cette semaine. Co-écrit avec Matt Allen, « Usain Bolt plus rapide que l’éclair » (éditions Arthaud, 19,90 euros) s’avale goulument comme un plat de patates douces, la spécialité de la paroisse de Trelawny dont est originaire le sprinter jamaïcain. De ces 320 pages écrites dans un style aussi direct que coloré, les médias internationaux ont surtout retenu que Bolt, rétif à la cuisine chinoise avait avalé pas moins de 1.000 chicken nuggets lors des JO de Pékin. Cela peut paraître anecdotique mais résume finalement le personnage, éternel adolescent doté de pouvoirs extraordinaires, à la manière des super héros de comics américains.
Surpassant Carl Lewis et peut-être même Jesse Owens, Bolt devrait rester comme la plus grande figure de l’histoire du sprint. Les Jeux de Pékin en 2008 et leurs trois records du monde (100, 200 et 4x100m) couronnés d’or olympique en ont fait un phénomène. Les championnats du monde de Berlin un an plus tard ont confirmé que sa gloire ne serait pas éphémère, les chronos canon de 9’58 au 100m et 19’16 au 200, repoussant loin, très loin les limites du surhumain. Les Jeux de Londres, enfin, ont paraphé la légende en offrant trois nouveaux titres à cet Hercule aux pieds ailés.
Beaucoup de choses ont été écrites sur les origines de ce parcours hors normes. De l’influence de l’ACTN3, un prétendu gène du sprint présent sous sa forme forte chez 75% des Jamaïcains (une thèse défendue par les scientifiques de la West Indies university, où s’entraîne Bolt) aux effets de la sélection darwinienne opérée par la traite des Noirs (c’est la thèse de l’ex-roi du 200 et 400m américain Michael Johnson), sans oublier les bienfaits d’une diète à base de patates douces vantée par Wellesley, le père d’Usain. Dans son autobiographie, sans verser dans l’auto-analyse, mais en se contentant de raconter son quotidien, Bolt donne quelques clefs pour mieux comprendre ses ressorts en acier galvanisé.
B comme brousse
Usain Bolt est un garçon de la campagne. Il a grandi à Coxeath, dans la paroisse de Trelawny, pays merveilleux à ses dires, couvert de forêts luxuriantes, mais où les distractions sont relativement rares. « Pas question de traîner toute la journée devant des jeux vidéo, comme le font certains enfants maintenant » (oui, Mr Bolt est un peu réac). Le petit Jamaïcain a surtout passé son temps à « rôder, explorer et courir pieds nus dans la forêt aussi vite qu’(il) le pouvait ».
L’isolement de son village a eu une autre conséquence bénéfique pour son développement : chargé par son père de remplir chaque semaine les réserves d’eau, Usain devait aligner 48 allers-retours jusqu’à la rivière. Cette corvée lui a permis d’acquérir très tôt un physique d’Hercule, « sans jamais fréquenter les salles de musculation ».
S comme sport scolaire
Plus encore qu’un sport-roi, le sprint est une culture nationale en Jamaïque. Les écoles lui accordent une place centrale, similaire à celle dévolue au basket ou au football dans les facs américaines. Et c’est ainsi qu’Usain Bolt, jeune fan de cricket, qui n’avait pas d’appétence particulière pour la discipline s’est retrouvé dès ses 10 ans à écumer les compétitions scolaires. Pour en arriver là, il aura fallu toutefois l’insistance de quelques profs de sport, dont le tout premier, Devere Nugent, un pasteur féru d’athlé, qui sut l’amadouer avec la perspective en cas de victoire d’un panier garni composé de « poulet mariné, patates douces rôties, riz et pois ».
E comme esprit de compétition
La gourmandise n’a pas été le seul déclencheur dans la carrière de Bolt. Dès ses plus jeunes années, le petit Usain a fait preuve d’un esprit de compétition forcené. Ainsi de ses deux premiers challengers, Ricardo Gennes (à 10 ans) et Keith Spence (à 14 ans) qui resteront dans l’histoire pour avoir obligé le futur recordman du monde à prendre son sport un peu plus au sérieux. Comme nombre de sportifs, Bolt ne supporte pas la défaite. A ceci près que cette hantise se concentre sur les grands rendez-vous. Bolt l’hédoniste s’est fixé un mantra. « Si je te bats dans une grande compétition, tu ne me battras plus jamais ». Mantra respecté à la lettre depuis huit ans. La dernière victime de cet égo XXL n’est autre que son jeune camarade d’entraînement Yohan Blake, coupable d’avoir manifesté sa joie de manière trop ostentatoire après avoir battu le maître lors des sélections jamaïcaines, en vue des JO de Londres : « Je me suis entraîné pour battre Blake, et lui seul. Je voulais lui prouver que j’étais un champion. J’ai dissimulé cet état d’esprit, mais, intérieurement, j’avais conscience qu’il était temps de s’y mettre sérieusement. On allait solder les comptes. »
P comme père autoritaire
Le père d’Usain Bolt, Wellesley, a beaucoup aimé son fils. Mais il l’a aussi beaucoup corrigé, usant et abusant du martinet. Usain y a appris la politesse – une obsession paternelle – et le sens de l’effort. La paresse étant son péché véniel (voir plus bas), Usain a longtemps snobé les entraînements. La crainte des remontrances l’a toutefois empêché de décrocher totalement. Et la nécessité de rejoindre en catastrophe le domicile familial, quand son père lui imposait un couvre-feu, l’a amené à travailler sa pointe de vitesse. Manifestement, Usain n’a pas conservé un souvenir trop amer de cette époque. Au contraire. « Ces fessées m’ont enseigné la différence entre le bien et le mal et ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. » Et vlan.
M comme mère aimante
Usain Bolt a grandi très vite. Il mesurait déjà 1m96 à 15 ans, mais derrière cette longue carcasse se cachait un cœur d’artichaut. L’adolescent a réalisé sa scolarité à la Willam-Knibb High school, un établissement certes prestigieux, mais surtout relativement proche de la demeure familiale. Et à l’âge ou nombre de sprinters se laissaient tenter par les bourses d’étude offertes par les facs américaines, Bolt a fait le choix de rester au pays. Parce que les athlètes caribéens, utilisés comme de la chair à canons dans les compétitions interuniversitaires américaines, subissaient un sort peu enviable à ses yeux. Mais aussi, il le reconnaît, parce qu’à 17 ans, il était encore un « petit garçon à sa maman », traumatisé par ses deux premiers voyages à l’étranger, à Debrecen (Hongrie), et Monte-Carlo. Ce choix du local s’avérera le bon.
G comme Glenn Mills
« Coach Mills avait une allure de nounours chauve, avec de petits yeux qui semblaient plonger dans votre âme ». Coach Mills est surtout l’homme qui a su remettre Usain Bolt en selle après une année 2004 éprouvante, marquée par une série de blessures, et des jeux olympiques conclus par un abandon. Son précédent entraîneur, l’hermétique Fitz Coleman lui imposait des séances de foncier épuisantes, qu’il tentait d’oublier chaque week-end en menant une vie de patachon. Mills s’est concentré sur l’explosivité et a pris en compte ses douleurs chroniques (liées à une scoliose congénitale), parvenant à obtenir beaucoup de son poulain, sans jamais l’invectiver. « Parce qu’il comprenait ma personnalité, il savait que j’avais besoin d’affection et de communication. Chaque fois que j’étais stressé ou abattu, il débriefait le problème. Si je m’enfermais dans le mutisme, il venait le lendemain matin chez moi pour discuter. »
F comme fainéantise
C’est une constante de sa carrière : Usain Bolt n’a jamais apprécié l’entraînement, surtout les entraînements fonciers censés développer sa résistance. C’est donc par fainéantise que Bolt, le spécialiste du 200 se met au 100 mètres, mi-2007, à 21 ans passé. Glenn Mills veut le rendre plus polyvalent. Et lui demande de travailler le 400m. Une perspective qui horrifie le jeune sprinter, allergique au tour de piste, et encore plus à sa préparation qui exige de multiplier les séries de 600 ou 700m. Pour faire contre-feu, Bolt propose de se lancer sur le 100m. Un an à peine avant le sacre de Pékin, le voilà donc qui s’inscrit pour la première fois sur la distance-reine au meeting de Réthymnon en Crête. Mills n’y croit pas vraiment, jugeant son élève trop grand pour s’extraire des starts. Contre toute attente, ce sera un 10’03, 12e meilleur temps de l’année. « C’était quitte ou double : la gloire sur 100 mètres ou la mort avec le 400 mètres. Ca m’a surmotivé. »
H comme habitude des grands événements
La précocité de Bolt, champion du monde junior à 15 ans devant son public à Kingston l’a soumis et habitué très tôt à la pression des grands événements. Le « très bien élevé » (il y tient) Usain Bolt a appris à faire abstraction, voire à se gausser gentiment des tentatives d’intimidation de ses adversaires. Et à faire baisser la pression « en faisant l’andouille sur la piste ». Ceci étant dit, le sprinter, à sa manière, peut être également assez retors. Ainsi de ce meeting de Stockholm en juillet 2008, un mois avant les JO, où Usain affirme avoir offert la victoire à son compatriote Asafa Powell, précédent détenteur du record du monde, et principal concurrent dans la course à l’or olympique. « Psychologiquement, j’avais bien joué. Le résultat avait persuadé Asafa qu’il était assez fort pour me battre. La victoire l’avait mis en confiance. Peut-être trop. Car au fond de moi, je savais que l’affaire était dans le sac. »
A comme argent
Usain Bolt aime la victoire, et la sensation de vitesse. Mais il ne s’en cache pas : il court aussi pour l’argent. Ses premières victoires sur le circuit professionnel lui permettent d’acheter un « lave-linge à maman », et une « voiture à papa ». Mais dès ses 20 ans, contrairement à ses camarades qui « se contentent de petites sommes », Usain décide de « tirer un max de sa carrière ». Sa Honda ne lui suffit plus, il rêve d’une « voiture de sport comme celle d’Asafa Powell ». « Ce rêve m’aidait à supporter la souffrance de l’entraînement. J’imaginais la voiture, des vêtements, tout ce que j’espérais obtenir et ça me stimulait ». Oui, l’argent fait bien avancer le monde. Une fois devenu célèbre, Bolt s’est d’ailleurs plié sans complexe aux contraintes du show business. « Je savais qu’il fallait que je cultive le personnage que j’avais fait découvrir à Pékin parce qu’il attirait l’attention, et que l’intérêt du public attirait les sponsors. Ils se disaient : « Hum, ce garçon joue le jeu, et les gens aiment son style. Proposons-lui un contrat ! ».
D comme Dieu tout puissant
On a beau analyser, décortiquer, le cas Bolt conserve une part d’inexpliquable – ce que d’aucuns appellent l’inné, et que d’autres qualifient de grâce divine. D’ailleurs depuis l’accident de voiture, dont il réchappa miraculeusement en 2009 (trois tonneaux à la suite d’un à un aquaplaning sur l’autoroute), l’athlète de 27 ans en est persuadé : « quelqu’un m’a sauvé la vie. Pas le concepteur de mon airbag. Non, une puissance supérieure, Dieu tout puissant. Il avait besoin de moi. J’ai été choisi pour devenir l’homme le plus rapide du monde ». Revenu à la religion, il voit aujourd’hui dans cet épisode « un signe visible, comme une énorme enseigne lumineuse. « Hé, Bolt ! peut-on y lire. Je t’ai fait don d’un supertalent et des records du monde qui vont avec, et je vais veiller sur toi. Mais tu dois y mettre du tien. Conduis prudemment. Fais attention à toi. »Alléluia.
Source: Le Nouvel Observateur
http://tempsreel.nouvelobs.com/sport/20140117.OBS2841/usain-bolt-vous-livre-sa-recette-pour-courir-plus-vite-que-tout-le-monde.html
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