J’ai arrêté de me lisser les cheveux à 18 ans, en juin 2014 pour être exacte. Depuis mon enfance, j’étais une habituée des défrisages et des lissages de cheveux quotidiens. Voir mes cheveux suivre une autre direction que celle menant du sommet de mon crâne à mes épaules m’insupportait. Puis les pointes lisses sont tombées un jour, me laissant avec des petites boucles d’une dizaine de centimètres sur la tête.
Pour la première fois depuis des années, je voyais mes cheveux sans aucune modification. C’était court mais joli. C’était moi, aussi. J’ai d’abord gardé cette coiffure pour moi, m’habituant à ma tête chez moi. Puis je suis sortie avec cette coiffure, j’ai commencé à me laisser prendre en photo avec mes petites boucles folles. Mon entourage était étonné mais m’a beaucoup soutenu. J’ai appris à m’occuper de mes cheveux : patience, huile de coco, peigne, des soins, des tutos coiffures,… C’est compliqué de s’en occuper mais c’est si satisfaisant de voir que cela porte ses fruits. M’occuper de mes cheveux m’a appris quelque chose d’important : je peux être belle en étant moi, sans intérioriser la beauté de type occidental. Mes cheveux sont un afro, mes cheveux sont très beaux. J’ai pu envier certaines femmes d’avoir de longs cheveux lisses mais aujourd’hui, de nombreuses femmes envient mes cheveux. Assumer mon afro m’a permis de m’assumer. Étant métisse, je prenais beaucoup de mon côté européen, mais ma « révolution capillaire » a fait ressortir mon côté africain, me sentir plus proche de mes sœurs et à m’intégrer plus facilement à la communauté noire. Certains de mes amis ont pu parler d’africanisation de ma personnalité, encore aujourd’hui je n’y vois rien de péjoratif. Aujourd’hui, je suis réellement mi-européenne et mi-africaine, sans qu’un côté ou un autre prenne le pas sur l’autre.
Le plus drôle, le plus dur avec l’afro, ce n’est pas tant la lourde routine capillaire, mais c’est le regard des autres. Passez dans la rue avec vos cheveux naturels à l’air libre, vous serez confronté à diverses réactions. Beaucoup se retourneront sur vous, certains seront admiratifs, d’autres vous poseront tout un tas de questions ou voudront vous toucher les cheveux. Malheureusement, tout le monde n’a pas une attitude positive quant à vos cheveux. Il m’est arrivé de me retrouver face à des personnes qui m’ont tiré les cheveux en prétextant que ça ne faisait pas mal de tirer sur une perruque ou alors des gens dans la rue qui vous regardent et vous font un signe du genre « Qu’est-ce que tu as sur la tête? » si ce n’est pas des ricanements. Bien sûr, ce genre d’attitudes provoquent en nous un malaise profond, une honte sans fondement, mais aussi une remise en cause de votre image de vous-même. Le vrai défi avec l’afro c’est de passer outre, de banaliser vous-même le fait d’avoir vos cheveux naturels. Les remarques négatives doivent vous glisser dessus, vous n’avez pas vos cheveux pour les autres. Vous avez vos cheveux pour vous et si vous les aimez, vous vous en occuperez bien mieux et vous n’en serez que plus belle. Les remarques positives ne doivent pas vous faire vous sembler marginale, bien sûr l’afro est plus rare, bien sûr vous êtes belles, mais cela ne doit pas vous sembler être quelque chose d’exceptionnel. Nous ne sommes qu’une petite pierre de l’afro-révolution.
Chaque fois que vous désespérez en vous peignant, en faisant vos innombrables soins et en suivant votre routine. Chaque fois que vous pestez après vos beaux cheveux rappelez-vous les choses suivantes : ces cheveux c’est vous et ce que vous en faites est quelque chose de merveilleux. En effet, vous faites un bras d’honneur aux standards de beauté unique de la femme aux cheveux lisses. Vous mettez la femme noire à l’honneur ainsi que ses cheveux. Avec notre afro-révolution, la femme noire apparaît comme un nouveau type de beauté de plus en plus représenté dans les médias, dans le monde de la mode et de la beauté. Assumer vos cheveux n’est autre qu’assumer le fait que nous sommes belles, tout autant que les autres, mais aussi un geste afin de nous rendre plus visible, plus vivante. Il n’y a pas que Naomi Campbell et Beyoncé dans la vie, il y a nous. Montrer vos cheveux, c’est aussi montrer votre héritage culturel. C’est un acte militant, c’est montrer que nous existons et que nous n’allons pas nous cacher, nous n’allons pas nous conformer. La femme noire a les cheveux lisses, tressés, tissés mais aussi afro. Quelque soit sa coiffure, tant qu’elle s’aime et qu’elle montre à quel point elle est fière de sa beauté, elle restera fière et forte.
NegroNews
Commentaires
commentaires