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[SOCIÉTÉ] POURQUOI À LOS ANGELES LES CHIENS POLICIERS MORDENT-ILS PLUS SOUVENT LES AFRO-AMÉRICAINS ?

A Los Angeles, les morsures des chiens policiers de la brigade canine touchent plus souvent les Afro-Américains et les Latinos que les Blancs. Explications.

Tel chien, tel maître ? Début octobre, un rapport a révélé une étrangeté sur la brigade canine du département de la police de Los Angeles (LAPD). Depuis 2004, les morsures des chiens policiers touchent de façon disproportionnée les Afro-Américains et les Latinos. Une rumeur folle se répand alors sur la West Coast : les canidés en uniforme seraient racistes. Cette allégation farfelue recouvre pourtant un phénomène bien réel. Examiné à la loupe, il porte un éclairage cru sur un héritage directement issu de la ségrégation raciale américaine.

Ces dérives ont été constatées par le centre de documentation et d’évaluation de la police, le “Parc” (pour Police Assessment Resource Center), une association à but non lucratif mandatée par le comté de Los Angeles, dans le sud de l’Etat de Californie. S’appuyant sur la contribution de responsables policiers, d’officiels de la ville, de membres du gouvernement, de représentants de minorités et de citoyens, le Parc rédige des rapports bisannuels qui “détaillent les efforts de ce département (de police de L. A.) pour gérer le risque de l’utilisation excessive de la force ou des fautes de conduite de ses agents”, nous explique Merrick Bobb, directeur général de l’association.

“La psyché américaine”

Le rapport s’interroge sur un paradoxe : pourquoi cinq quartiers de Los Angeles – Century City, City of Industry, Compton, Lakewood et Lennox – habités en majorité par des Noirs ou des Latinos, comptent-ils davantage de blessés par morsure que les vingt et un autres districts de la ville réunis ? Avant tout parce que la police y déploie l’essentiel de ses patrouilles canines, détaille le rapport. L’origine de cette politique territorialo-sécuritaire serait liée, en partie, à” une peur” historique des minorités.

” Le racisme (des policiers) peut jouer un rôle, reconnaît le chef du Parc. Mais généralement, cela fait plutôt ressortir des attitudes inconscientes d’officiers de police, une certaine acculturation et des suppositions erronées à propos de la dangerosité inhérente ou de la propension des minorités à commettre des crimes par rapport aux Blancs. La peur des minorités, particulièrement des Afro-Américains, héritée de l’esclavage et de Jim Crow (surnom donné à l’ensemble des lois ayant instauré la ségrégation raciale dans le sud des Etats-Unis entre le milieu du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle – ndlr), n’a pas entièrement disparu de la psyché américaine.”

Rodney King

Historiquement, la police de Los Angeles possède un lourd passif. Un fait divers l’a illustré le 3 mars 1991. Arrêté pour excès de vitesse, Rodney King, un jeune homme Noir de 26 ans, se fait matraquer à terre par quatre policiers blancs. On dénombre cinquante-six coups de bâton sur la tête, les bras, les genoux… Un massacre saisi par un vidéaste amateur. Diffusé par les journaux télévisés, son film de près de dix minutes indigne le monde entier.

Un an plus tard, le 29 avril 1992, un jury composé de dix Blancs, un Hispanique et un Asiatique “blanchit” les quatre policiers. Près de 100 000 personnes battent alors le bitume pour protester contre le racisme institutionnalisé. La manif tourne à l’affrontement avec les forces de l’ordre.

Après six jours de révolte, l’intervention de l’armée impose le retour au calme. Le lourd bilan de ce que les historiens nomment “les émeutes de Los Angeles de 1992″ fut d’une cinquantaine de morts, des milliers de blessés et un milliard de dollars de dégâts. Rodney King lance à la télévision : “Ne pouvons-nous pas vivre ensemble ?”

Aujourd’hui, avec ses chiens, la police de Los Angeles fait encore résonner cette question. Une question ancienne. Le quotidien britannique The Independent rappelle que, pendant les années 80, certains policiers de L.A. avaient surnommé les jeunes Noirs “les biscuits pour chiens”… En France, le commandant Etienne Jacquet, chef du Centre national de formation des unités cynotechniques (techniques de dressage des chiens) de la police, nous le certifie : Le chien n’est que ce qu’en fera son maître.”

Des chiens en “zones criminogènes”

Assimilés juridiquement à une “arme par destination”, c’est-à-dire en fonction de l’usage qui en est fait, les chiens de patrouille circulent dans les villes françaises obligatoirement muselés. “Ils peuvent, selon l’analyse de la situation faite par le conducteur (appellation du niveau de base de formation d’un policier – ndlr), être démuselés, précise Etienne Jacquet. Par exemple si un individu est armé ou met en danger l’intégrité physique des fonctionnaires ou d’un tiers.” Les chiens policiers français sont-ils davantage employés dans les quartiers populaires et périphériques que dans le XVIe arrondissement parisien ? “Ils peuvent intervenir partout mais sont effectivement là où, dans le cadre de la lutte contre la délinquance, il peut y avoir des problèmes, admet Etienne Jacquet. Dans des zones criminogènes.”

En réponse au rapport du Parc, Bruce Chase, l’officier en charge de la brigade canine de Los Angeles, a déclaré que son service allait tenter de réduire le taux de morsures par arrestation. Une idée pas si mauvaise quand on sait que “dans la balance de l’usage de la force, les morsures de chien tombent juste en dessous de la force létale, en terme de gravité”, nous rappelle Merrick Bobb. En revanche, la police n’a pas réagi sur la racine du problème : les arrestations à la tête (basanée) du client.

Source : Rue du 89

http://www.rue89.com/2013/10/29/a-los-angeles-les-chiens-policiers-mordent-plus-les-afro-americains-pourquoi-247021

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