Pour son amie de longue date Virginie Sassoon, auteure de l’essai Femmes noires sur papier glacé, Rokhaya envoie un message positif aux femmes noires ou métisses. « En France, il y a encore peu de modèles visibles pour incarner ce type de beauté. Lorsqu’elle passe à la télé, Rokhaya prouve aux filles qu’on peut être belle avec une peau foncée et des cheveux courts. »

Une affirmation identitaire… et  éco-citoyenne

Dans « Pari(s) d’amies », l’essayiste et militante Rokhaya Diallo explore ses sujets de prédilection : la diversité, le féminisme….et le « nappy ».

 

Symbole politique des années 1960 associé au mouvement américain des Black Panthers, puis signe visible des revendications afro-féministes, le cheveu crépu est, depuis, passé sous l’étendard des mouvements écologistes qui prônent le retour au naturel. « Le « nappy », contraction de « natural » et de « happy », inclut la notion de bien-être. C’est une démarche presque écolo-citoyenne avec, en toile de fond, une affirmation identitaire », analyse Virginie Sassoon.

Pour la chanteuse malienne Inna Modja, qui porte ses cheveux au naturel depuis l’enfance, la question ne s’est jamais posée. « Dans ma famille, la majorité des femmes ne se défrisent pas les cheveux. Moi-même, je n’ai fait que deux défrisages dans ma vie. Je suis habituée à mes cheveux crépus et je sais m’en occuper. Je ne me suis jamais pris la tête avec ça. » Arrivée en France à l’âge de 19 ans, à une époque où l’afro était rare, elle a suscité une certaine curiosité avec sa boule de cheveux. « En France, beaucoup de gens, des Occidentaux mais aussi des Africains, voulaient toucher mes cheveux. À partir de là, je me suis rendu compte que ça ne passait pas inaperçu. » Souvent admirée, parfois mal perçue, la coiffure afro donne surtout, selon Inna Modja, l’opportunité de créer un lien et d’échanger avec les autres. Pour celle qui est égérie de la marque ethnique Mizani (groupe L’Oréal) depuis 2011, sa coiffure est devenue un outil de différenciation dans le monde de la mode, de la beauté et du spectacle.

La reconnaissance d’une beauté longtemps dénigrée

Dans le film « Chocolat » de Roschdy Zem, Omar Sy retrouve ses cheveux afro.

Élue « plus belle femme du monde » par le magazine américainPeople en 2014, l’actrice mexico-kenyane Lupita Nyong’o incarne une vision contemporaine de la beauté noire. Portée au firmament depuis son oscar de meilleure actrice pour un second rôle pour son interprétation dans le film 12 Years of Slave, l’actrice a pourtant longtemps souffert de sa couleur de peau, jugée trop foncée, même au Kenya. Avec leur carnation et leurs coiffures, les jolies filles comme Inna Modja, Lupita Nyong’o et le mannequin Alek Wek contribuent à la reconnaissance d’une beauté longtemps ignorée et méprisée. Nul besoin de remonter loin dans le temps pour retrouver les relents racistes de l’histoire coloniale.

« En 2011, une publicité de Nivea montrait un homme noir d’allure sportive, le cheveu très court, tenant dans sa main une tête d’homme portant l’afro et la barbe, avec le slogan « Recivilisez-vous », rappelle Virginie Sassoon, spécialiste de la diversité dans les médias. La publicité a aussitôt été censurée. »

Tout aussi méprisant, le commentaire « journalistique » de Voici sur la coiffure afro d’Omar Sy, commentaire qui a fait chauffer les réseaux sociaux. « Cette parution se moque d’une caractéristique ethnique et de la coiffure, finalement quelconque, de nombreux hommes noirs comme Nelson Mandela », rappelle Rokhaya Diallo. Encore sous-représentée dans l’espace public et médiatique, la beauté des femmes et des hommes noirs devient un enjeu : celui d’exister dans la société tels qu’ils sont.

Source : http://madame.lefigaro.fr/societe/les%20stars%20et%20les%20cheveux-afro-150515-96575