La Fashion Week de Paris démarre aujourd’hui. Et si cet évènement est attendu comme le Messie, il entraine avec lui une réalité beaucoup moins réjouissante qui mérite tout autant sa mise en lumière : la proportion des mannequins noirs sur les podiums.
C’est lors de la Fashion Week de New York que le sujet a éclaté. En effet, seulement 8% des tops models qui y défilaient l’année dernière étaient noirs, contre 78% de mannequins blancs (chiffres dévoilés en février dernier par le site féministe Jezebel). La gangrène du racisme aurait-elle envahie le milieu de la mode ? Sans aucun doute pour Naomi Campbell et Iman, toutes les deux portes paroles de l’association « Diversity Coalition » fondée par Bethann Hardison, ancienne directrice d’une agence de mannequinat connue pour son militantisme antiraciste.
C’est via une lettre adressée aux chambres syndicales de la couture de New York, Londres, Paris et Milan que l’association a dénoncé les créateurs ne faisant pas défiler de mannequins de couleurs lors des Fashion Week de ces villes (à Paris, Dior Homme, Chanel, Nina Ricci, Louis Vuitton, Carven, Lanvin, John Galliano, Dries Van Noten, Maison Martin Margellia, Elie Saab et d’autres sont concernés.)
Et les trois femmes ont enfoncé un peu plus le clou lors de leur apparition sur le plateau de Good Morning America, il y quelques jours. « Les chiffres sont vraiment choquants. Peu importe la couleur de votre peau. Si vous avez du talent, vous devriez avoir l’occasion de faire votre travail » déclarait Naomi Campbell soutenue par Iman : »Il y a un moment où le silence n’est plus du tout acceptable (…), mais à chaque fois, on clarifie les choses pour dire que personne ne traite ces stylistes de racistes. Mais l’acte en lui-même est raciste ».
En août dernier, Maida Gregori Boina, directrice de casting chez Dior et Calvin Klein (deux marques qui apparaissent dans la lettre) pointait du doigt les agences de mannequinat lors d’une interview accordée au New York Times : « malheureusement, on a ce qu’on trouve dans les agences. Je suis consciente de devoir faire plus, mais ça doit être un mouvement qui inclut toute l’industrie de la mode ». Cette déclaration, franchement « fainéantise » pour Riccardo Tisci, directeur artistique de Givenchy, prouve bien le malaise. Il rajoutait d’ailleurs : « il n’y a pas que des gens blancs dans le monde. Les gens parfois pensent « c’est plus simple [d’utiliser des mannequins blancs, ndlr], nous y sommes habitués ».
Et le problème pourrait bien avoir de lourdes conséquences. En effet, Iman déclarait au New York Times, en août également, qu’elle envisageait de boycotter les marques ne travaillant pas avec des mannequins noirs : « si vous impliquez les réseaux sociaux, croyez-moi, ça va leur faire mal au porte-monnaie ». Une guerre basée sur le business qui ternit, malheureusement et une fois de plus, le monde la mode.
Et si l’absence de mannequins noirs sur les podiums a de quoi choquer, il en est de même dans la presse féminine. En avril dernier, le Vogue Pays-Bas mettait en scène, à l’occasion d’un shooting photo, un mannequin blanc dont le visage était peint en noir. Le top model danois portait une perruque crépue et tenait entre ses mains un gros sac rond Louis Vuitton faisant clairement référence à un tam-tam. Cette série de photos rendait hommage à Marc Jacobs qui s’était inspiré de Joséphine Baker et Grace Jones pour deux de ses collections. D’autres magazines avaient déjà eu recours à ce genre de mise en scène, notamment l’Officiel et Numéro. Le Vogue français s’y était également mis en 2009, attirant les foudres du Cran (Conseil représentatif des associations noires) qui déclarait dans un communiqué : « la rédactrice en chef de Vogue, Carine Roitfeld, et le photographe Steven Klein doivent comprendre que maquiller un top model blanc en noir, aux seules fins de divertir leur lectorat, est choquant et inacceptable. (…) A une époque où les mannequins noirs se plaignent des discriminations qui sévissent lourdement dans le monde de la mode, où des centaines de milliers de femmes choisissent de se blanchir la peau plutôt que d’être noires (…) il est difficile de dire à quel point ces images sont malvenues. »
Attendons de voir ce que la Fashion Week parisienne nous réserve…
Source : stylistic.fr
Commentaires
commentaires
Facebook
GooglePlus
Twitter
Linkedin
Telegram
