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[SOCIÉTÉ] L’AFRIQUE A LE BESOIN URGENT DE PENSER À L’AVENIR DE SES TERRITOIRES

Dans l’opinion commune on parle de « l’Afrique ». Pourtant le continent est vaste : il équivaut à l’Europe, aux Etats-Unis, au Brésil, à l’Australie et au Japon réunis. Situé sur deux hémisphères, il compte surtout 54 Etats aux géographies très hétérogènes. Avec une telle diversité, il n’est pas étonnant qu’on puisse dire le tout et son contraire sur l’Afrique, où l’éden promis par la croissance économique récente rivalise avec des crises politiques et humanitaires récurrentes.

Pourtant, il y a bien des caractéristiques spécifiques à ce continent qui n’existent nulle part ailleurs, liées aux modalités des transformations économiques et démographiques en cours. Leur analyse nécessite deux préalables. Le premier est l’humilité : l’Afrique, ou plutôt les Afriques, bougent à toute vitesse et on sait de moins en moins ce qui s’y passe du fait de la dégradation continue des systèmes statistiques et de la base de connaissance.

Le second est la prise en compte de la diversité des trajectoires de développement qui permet de dissocier l’Afrique subsaharienne des parties septentrionale et méridionale du continent : la région Afrique du Nord a été intégrée de fait depuis l’Antiquité dans le monde méditerranéen, avec des flux et reflux à l’échelle historique ; l’Afrique du Sud constitue un cas à part par son peuplement et les héritages de l’apartheid ; l’Afrique de « l’entre-deux », la subsaharienne moins l’Afrique du Sud, partage des conditions historiques similaires liées aux modalités de son intégration dans l’économie mondiale.

Une colonisation européenne tardive et contraignante a débouché sur de très nombreux Etats, dotés d’une organisation territoriale déséquilibrée, souvent orientée perpendiculairement aux côtes dans une logique d’extraction des ressources naturelles.

Ces Etats jeunes ont été rattrapés par les politiques d’ajustement structurel dans les années 1980, alors qu’ils avaient tout juste vingt ans et que l’économie mondiale s’engageait dans la mondialisation. Un mauvais timing. Ainsi l’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud correspondent à 55% de la valeur ajoutée du continent et l’Afrique des 48 Etats de l’entre-deux se réduit aux 45% restants. Mais elle « pèse » 75% de la population africaine totale. Les « lions africains » ne marchent pas tous ensemble.

Certes la croissance économique de la dernière décennie a été forte. Mais sa qualité est médiocre : elle n’est pas inclusive et elle est fragile, car elle provient d’abord de secteurs d’activités basés sur l’extraction des ressources primaires, peu créateurs d’emplois et avec un faible impact sur les revenus. Il y a certes quelques exceptions mais l’Afrique subsaharienne reste la région la plus pauvre du monde et elle est à la peine en matière de rattrapage : au cours des cinquante dernières années, son PIB moyen par habitant en parité de pouvoir d’achat est passé de 7% à 4,5% du PIB par habitant des Etats-Unis.

L’Afrique au Sud du Sahara n’a fait qu’esquisser sa transition économique. Elle est peu diversifiée, elle a trop peu de manufactures et la majorité de sa population active est dans le secteur informel : l’agriculture d’abord puis les services en milieu urbain (commerce, transport, construction, artisanat).

Sur le plan démographique, l’augmentation de la population attendue entre 2010 et 2050 est de 1,2 milliard d’habitants, soit le double de celle des quarante années précédentes – une exception mondiale. C’est une opportunité considérable puisque l’arrivée continue d’une force de travail jeune et nombreuse va améliorer le niveau d’activité et les possibilités de création de richesse. Mais c’est aussi un défi majeur puisque le besoin d’emplois, de formation, d’infrastructures va exploser : le flux cumulé de jeunes actifs entrant sur le marché du travail entre 2010 et 2025 est estimé à 330 millions (la population actuelle des Etats-Unis).

Cette croissance s’accompagne d’une répartition de la population atypique : malgré une forte urbanisation, l’Afrique subsaharienne sera majoritairement rurale jusqu’au milieu des années 2030 et, surtout, cette population rurale continuera à croître au-delà de 2050 – une seconde exception. Cette répartition s’accompagne de fortes inégalités de peuplement liées à la géographie et à l’histoire, avec des zones « pleines » et des zones relativement « vides ».

La densification inégale des territoires se traduira par une pression accrue sur les ressources naturelles, alors que le continent sera aussi l’un des plus affectés par LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, avec des impacts sur les terres et les rendements agricoles, la sécurité alimentaire, les revenus et des conflits d’usage liés à la compétition sur les ressources.

Le continent doit gérer son changement structurel, sa diversification économique et sa transition démographique, sous la contrainte du changement climatique et dans le contexte de la mondialisation, qui offre certes des opportunités multiples mais apporte aussi les contraintes de la concurrence internationale. Pour répondre à ces défis, l’Afrique devra innover car il n’y aura pas de reproduction à l’identique des transitons passées.

L’Afrique peut certes gagner progressivement sa place dans certaines chaînes de valeur mondiales mais les enjeux des prochaines décennies invitent à réinvestir dans des stratégies de développement permettant d’articuler des visions de long terme avec la répartition sectorielle et territoriale des activités et des hommes.

Avec aujourd’hui 2/3 de la population en zone rurale et principalement dans l’agriculture et un 1/3 dans les villes et les activités informelles, ces deux secteurs doivent faire l’objet de toute l’attention des gouvernements et de l’aide internationale. Surtout, il faut en urgence réinvestir dans la compréhension des recompositions territoriales en cours liées aux migrations et au changement des modes de vie (la révolution des transports et des communications), qui font que les frontières entre espaces s’estompent et produisent de nouvelles entités régionales.

L’enjeu est bien de prendre en compte le potentiel et les contraintes de ces nouveaux territoires pour répondre aux défis de la création d’emploi et d’une meilleure gestion des ressources. Il implique dès maintenant une coopération régionale et internationale renforcée qui seule sera à même de répondre au processus en cours.

Source: http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/10/14/l-afrique-a-le-besoin-urgent-de-penser-l-avenir-de-ses-territoires_4506027_3232.html

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