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[SOCIÉTÉ] FERGUSON : À FORCE D’ÊTRE LE PRÉSIDENT DE TOUT LE MONDE, OBAMA A OUBLIÉ D’ ÊTRE LE PRÉSIDENT DES NOIRS

Le meurtre de Michael Brown dans la petite ville de Ferguson aux États-Unis a récemment fait resurgir les tensions raciales du pays. Bien que Barack Obama soit un président noir, celui-ci n’a effectivement pas désiré s’engager dans une politique en faveur de la minorité afro-américaine, qui ne manque pas en retour de lui rappeler, à quelques semaines des élections du Congrès.

Atlantico : La mort de Michael Brown dans la petite ville de Ferguson provoque depuis plusieurs jours des émeutes, et ravive les tensions raciales. En quoi ce fait-divers est-il finalement très révélateur du fait que certaines zones aux Etats-Unis, et en particulier les quartiers où vivent les afro-américains, sont les laissés pour compte de la politique de Barack Obama ?

François Durpaire* : Il existe dans tous les pays démocratiques des zones où subsistent des inégalités, de quelque manière que ce soit.

L’affaire des émeutes de Ferguson illustre la prégnance des préjugés racistes de la société américaine, de la même manière que les trois autres affaires du même type que l’on a pu observer ces dernières années, et notamment celle de Trevor Martin en 2012. Le point commun entre ces trois affaires, c’est qu’elles visent toujours le même profil de personnes : à savoir des jeunes noirs entre 17 et 19 ans, qui suivent des études supérieures, et qui se font tuer alors qu’ils ne sont pas armés ni ne font pas partie d’un quelconque gang. En clair, qui ne représentent à priori pas de danger qui pourrait légitimer qu’un policier leur tire dessus. L’enquête menée pour le procès de Trayvon Martin avait d’ailleurs révélé qu’il n’avait pas été une menace, bien que le policier jugé ait été acquitté.

Il y a quelques mois, Michelle Obama s’exprimait plus largement sur la ségrégation naissante que l’on pouvait constater dans les universités américaines. Depuis qu’il est président des Etats-Unis, qu’a fait Barack Obama pour lutter contre elle ?

Durant ses campagnes présidentielles, Barack Obama a toujours soigné son image de président de tous les américains, et non d’une minorité en particulier. Arrivé à la Maison Blanche, il n’a effectivement pas eu de « Black Agenda », et a déclaré qu’il n’y aurait pas de politique spécifique en ce sens. La seule chose qui a clairement été faite en faveur de ces dernières, c’est l’assurance santé, Medicare, dont on savait à l’avance qu’elle bénéficierait à une majorité de noirs. D’ailleurs, la NAACP (association de défense des minorités ethniques américaine ndlr) bien que très enthousiaste à l’idée de cette assurance maladie déplore également qu’il n’y ait pas plus d’actions faites en ce sens.

L’électorat noir américain avait sans surprise massivement participé à sa victoire électorale. A-t-on pu constaté une détérioration de leur opinion à l’égard de Barack Obama ?

La majorité des noirs américains qui ne sont pas ou peu politisés demeurent très fiers de voir une famille noire à la Maison Blanche. En revanche, les étudiants afro-américains ne sont pas du même avis, et ils n’hésitent pas à le qualifier de « token president », c’est à dire de président symbolique pour les noirs. Leurs taux de chômage et d’incarcération sont toujours plus importants que ceux des blancs et des autres communautés.

Quelle est la source de leurs revendications aujourd’hui ?

Ce qui revient majoritairement, c’est la demande de justice. Le refus du couvre-feu instauré à Ferguson a d’ailleurs été motivé par cette revendication : « No justice, no curfew ». Les traumatismes de cette communauté se cristallisent autour de deux institutions. D’une part la police, défiance renforcée par la mort de Michael Brown où les habitants sont principalement noirs. Si l’on regarde les sondages de l’an dernier, seulement 38% des noirs-américains ont confiance en la police contre 60% des blancs. Et deuxièmement l’institution de la justice. Pendant très longtemps, les jurés étaient quasiment tous des blancs, et même si un certain nombre d’efforts ont été faits en terme de diversité, il y a toujours ce sentiment que la justice n’était pas équitable. Au regard des chiffres, on constate que pour un même crime, effectivement un noir est plus condamné qu’un blanc. C’est pour cela que le mot « justice » est très présent sur les pancartes des revendications. D’ailleurs, quand le chef de la police de Ferguson a été remplacé par un noir, les tensions se sont nettement calmées. La dimension raciale reste donc très prégnante aux Etats-Unis.

Le sénateur républicain Rand Paul a déclaré, en contredisant le slogan de Nixon « La loi et l’ordre », que la répression policière avait été trop dure lors des émeutes de Ferguson. Les républicains se sont-ils saisi du vide laissé par l’administration Obama, désireuse de ne pas s’engager trop sensiblement en faveur des minorités noires ?

Je ne le pense pas, nous sommes à quelques semaines des élections midterm (qui concerne le renouvellement du Congrès américain ndlr), et cette prise de position illustre davantage la férocité politique des opposants à Obama. Le moindre reproche qui peut être fait au président ou aux démocrates est consommé par l’opposition. Il est peu probable que la communauté noire vote massivement pour les républicains. En revanche, une menace possible serait une forte abstention de la part de la communauté noire aux prochaines élections. Une abstention de leur part pourrait avoir des conséquences importantes pour les prétendants démocrates

*François Durpaire est historien et écrivain, spécialisé dans les questions relatives à la diversité culturelle aux Etats-Unis et en France. Il est également maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise.
Il est président du mouvement pluricitoyen : « Nous sommes la France » et s’occupe du blog Durpaire.com
Il est également l’auteur de Nous sommes tous la France : essai sur la nouvelle identité française (Editions Philippe Rey, 2012) et de Les Etats-Unis pour les nuls aux côtés de Thomas Snégaroff (First, 2012)

Source : http://www.atlantico.fr/decryptage/ferguson-force-etre-president-tous-obama-oublie-etre-president-noirs-francois-durpaire-1709191.html

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