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[POLITIQUE] NIGERIA : UN GÉANT ÉCONOMIQUE AUX PIEDS D’ARGILE.

 

C’est sur fond de contradictions économiques, sociales et politiques que se déroulent ce week-end les élections présidentielle et législatives au Nigeria. Cela pourrait pénaliser le sortant, Goodluck Jonathan, candidat du Parti démocratique populaire (PDP), mais il n’est pas sûr qu’il favorisera son adversaire l’ancien général Muhammadu Buhari, candidat du Congrès progressiste (APC).

Une série de mauvais résultats…

Alors qu’il a connu au cours de ces sept dernières années un taux de croissance régulièrement à plus de 6 %, le géant africain qu’est le Nigeria, pays de plus de 170 millions d’habitants, a ralenti ces derniers mois. Explication : la chute des cours du pétrole. À environ 55 dollars le baril, le brut nigérian a perdu la moitié de sa valeur en moins d’un an. Aussi les répercussions sur le budget de l’État et sur la monnaie nigériane n’ont-elles pas tardé : les revenus du pays ont diminué de 30 % en 6 mois et le Naira a dévissé de 20 % depuis novembre. Dans les secteurs qui dépendent des fonds publics, on se serre la ceinture. De grands groupes du bâtiment ou de l’énergie ont dû interrompre leurs activités, faute de paiement.

« Goodluck Jonathan a bénéficié des prix élevés du pétrole quand il est arrivé au pouvoir », analyse Rita Ambrahamsen, professeur titulaire à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales d’Ottawa. « Toutefois, on se rend compte aujourd’hui qu’il n’a pas suffisamment diversifié l’économie ni développé de stratégie attractive pour les investisseurs », poursuit-elle. Autre élément à charge contre le candidat du PDP : son impuissance face au groupe islamiste radical Boko Haram, lequel n’a cessé de multiplier ses attaques dans le nord-est du pays durant son mandat. Ce climat d’insécurité contribue à la défiance observée sur les marchés. La Bourse de Lagos a perdu 30 % depuis juillet 2014.

… qui n’empêchent pas un certain optimisme

« Une telle baisse n’était pas anticipée, mais le Nigeria enregistre une croissance d’environ 5 % au lieu des 7 % attendus, ce qui reste un exploit », nuance toutefois Dominique Simon, chef du service économique régional de l’ambassade de France au Nigeria. Depuis 2005, le Nigeria est le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne. En 2014, les exportations se sont chiffrées à 1,52 milliard d’euros. Si le déficit commercial de Paris, importateur de brut nigérian, se creuse, le volume des exportations a augmenté de 90 % durant la dernière décennie. Invité d’honneur des cérémonies du centenaire du Nigeria du 27 février 2014, le président François Hollande avait souhaité « investir davantage » et « amplifier sa présence » dans ce pays le plus peuplé d’Afrique.

Une classe moyenne très « occidentalisée »

Présent au Nigeria depuis mai 2013, Pernod Ricard s’apprête à doubler son activité pour la deuxième année. « Il y a un marché extraordinaire », explique Olivier Fages, directeur de Pernod Ricard au Nigeria. « Les classes moyennes ont des critères de consommation très occidentaux et répondent très bien à nos produits », dit-il. Basé à Lagos, le groupe de spiritueux distribue notamment le whisky Chivas, la vodka Absolut ou les champagnes Perrier-Jouët et Mumm, « des marques qui traduisent un certain niveau de prestige », selon Olivier Fages.

Un marché multiple prometteur

L’émergence des classes moyennes urbanisées attise l’appétit des entrepreneurs. L’économie des services a particulièrement bondi. Le Nigeria compte 136 millions d’abonnés à la téléphonie mobile, selon la Commission nigériane des communications. Autant d’usagers, facilement connectés à Internet et qui ont la possibilité d’effectuer des paiements par carte bleue sur leur téléphone mobile. Dans ce contexte, le commerce en ligne explose. L’industrie automobile tente également de se positionner sur ce marché émergent. À la faveur de mesures protectionnistes relevant la taxe sur les voitures importées à 70 %, Peugeot a signé en juillet 2014 un contrat d’assemblage avec PAN Nigeria Limited pour sa berline 301. Le constructeur automobile réinvestit l’usine de Kaduna, lancée en 1972, et d’où sont sorties des centaines de milliers de 504 jusqu’en 2005. L’objectif est de produire jusqu’à 15 000 véhicules par an, dans un pays qui compte 50 000 voitures neuves importées chaque année. Éric Maydieu, délégué général PSA Peugeot Citroën au Nigeria, salue « une réflexion de qualité en termes d’emploi, de formation et de crédit à la consommation », menée sous la houlette du célèbre ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Investissement, Olusegun Aganga. Et de miser sur la continuité de l’approche industrielle nigériane, « pragmatique » et « professionnelle ».

Attention aux risques moins conjoncturels

En bien des points, le Nigeria aurait ainsi des allures de paradis des affaires, qu’affecterait passagèrement le ralentissement de ces derniers mois. D’autres fragilités, moins conjoncturelles, sont cependant à prendre en compte, à commencer par la production d’électricité, toujours très en deçà de la demande. D’autre part, « les risques visant les entreprises ont tendance à augmenter », selon Bertrand Monnet, professeur à l’EDHEC de la chaire management des risques criminels. « Boko Haram, perdant du terrain du fait de la pression miliaire, va être tenté de se recentrer sur des enlèvements et des attentats », avance-t-il. Par ailleurs, la corruption reste la matrice de nombreux autres risques qui s’intensifient à proximité des installations pétrolières : piraterie maritime, vol de pétrole, enlèvements d’expatriés, fraude. « Une dizaine de pétroliers ont été siphonnés au large des côtes nigérianes en 2014 », précise Bertrand Monnet.

De son côté, Dominique Simon insiste enfin sur l’inégalité du modèle de croissance nigérian : « On observe une ligne de fracture entre deux Nigeria, l’un caractérisé par son dynamisme économique, et l’autre à la traîne en matière de santé et d’éducation. » S’y ajoute un taux de chômage à plus de 20 % de la population active. Pas de quoi pavoiser dans ce qui se revendique fièrement la première économie africaine.

 

Source : http://afrique.lepoint.fr/economie/nigeria-un-geant-economique-au-pied-d-argile-29-03-2015-1916716_2258.php

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