« Notre programme de développement a été interrompu par l’épidémie d’Ebola », a déclaré jeudi la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, intervenant par visioconférence à une réunion organisée par la Banque mondiale.
Lors d’une visite cette semaine dans l’est du pays, à la frontière avec la Guinée, Mme Sirleaf a exhorté la population à « lutter pour se débarrasser de ce virus Ebola » afin de reprendre la construction de la route Yekepa-Ganta, suspendue à cause de l’évacuation des personnels étrangers du projet.
L’épidémie produit les mêmes effets qu’un « embargo économique » en isolant les pays touchés, a renchéri samedi le ministre des Finances de Sierra Leone, Kaifala Marah. « Tout ce que nous avons acquis a été perdu », a-t-il affirmé.
En tournée cette semaine en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, le directeur des politiques et programmes du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Magdy Martínez-Soliman, a jugé possible d' »éviter une paralysie si nous agissons maintenant pour nous assurer que des années d’efforts de développement ne sont pas compromis ».
« Les entreprises ralentissent ou ferment. La grande industrie a cessé de construire des usines. Les travaux d’infrastructures sont reportés », énumère l’économiste libérien Samuel Jackson.
Parallèlement, les deux principales matières premières produites au Liberia, le caoutchouc (exploité notamment par Firestone) et le minerai de fer (ArcelorMittal), sont en baisse, alors que les prix des importations (90% des biens consommés) flambent.
Selon Edward George, chef d’un groupe de recherche à la société Ecobank, dans ces trois pays, « il n’y a pas eu de désinvestissement massif et soudain, mais plutôt un ralentissement de toutes les opérations, tout le monde met tout au attente en termes de nouveaux investissements ».
Le géant pétrolier américain ExxonMobil a ainsi retardé en septembre par précaution « l’exploration du premier puits offshore au Liberia prévue fin 2014 ».
Explosion des prix alimentaires
Encore le secteur des matières premières résiste-t-il mieux que les services ou l’agriculture, activités de contact propices à la contamination.
« On est presque à 0% de taux d’occupation, pour être honnête », avoue Moussa Sow, le propriétaire sénégalais d’un hôtel de 50 chambres à Conakry, avec seulement une poignée de clients, « des Sénégalais qui n’arrivent même plus à payer parce que les frontières sont fermées ».
Plus inquiétant, l’agriculture et, par contrecoup, la sécurité alimentaire, sont menacées, souligne l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).
Selon les enquêtes d’évaluation rapide conduites par la FAO, en Sierra Leone, 47 % des personnes interrogées ont répondu que l’épidémie « perturbait considérablement leurs activités agricoles ». Dans la province de Lofa, « grenier » du Liberia, les prix des produits de base avaient augmenté de 30 à 75% dès le mois d’août.
Face à l’abandon des champs, en Sierra Leone, le ministère de l’Agriculture a lancé un plan de « retour à l’exploitation » dans les zones du pays non mises en quarantaine qui « commence à porter ses fruits », selon un porte-parole du ministère, Prince Kamara.
« Mais les travailleurs journaliers se font rares, de crainte d’une transmission accrue à cause de ce labeur impliquant une importante transpiration », précise-t-il.
La situation est encore plus critique dans les zones sous quarantaine, où vivent plus de la moitié des habitants de Sierra Leone.
« Avant la crise d’Ebola, nous pouvions acheter des produits pas très chers au marché journalier, mais depuis qu’ils (les commerçants)prennent un risque en venant ici, ils sont devenus très chers », indique Fatu Kamara, vice-présidente du marché central de Port Loko (nord), une des trois provinces supplémentaires placées en quarantaine en septembre.
En conséquence, dans le sillage de la maladie s’avance la faim, car, comme lors de précédentes pandémies dans le monde, les prix alimentaires explosent.
Le manioc a augmenté de 150% à Monrovia, capitale du Liberia, où beaucoup de familles consacraient quelque 80% de leurs revenus à la nourriture, selon la FAO.
« Ces récentes hausses de prix mettent la nourriture totalement hors de leur portée », déplore Vincent Martin, responsable de la coordination régionale de l’organisation.
Rare éclaircie dans ce sombre tableau, la multinationale Coca-Cola, présente au Liberia depuis plus de 50 ans, va y augmenter ses investissements dès à présent, selon un communiqué de la présidence libérienne.
Source : RTBF
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