Il l’a appelé ASB pour Apple Store Bamako. Depuis plus de trois ans, ce jeune entrepreneur franco-malien a fait le chemin inverse de celui de ses parents. Il est retourné à Bamako pour se réaliser, pour réaliser son projet professionnel. Pour celui qui affirme « avoir toujours eu la fibre commerciale », l’acte d’entreprendre, qui plus est dans le pays de ses ancêtres, coule de source. C’est en observant certains de ses aînés – issus de la diaspora malienne – qu’il en a pris de la graine au point d’oser se jeter à l’eau. L’eau ? La création d’un magasin Apple Store à Bamako. À 29 ans, le jeune homme, originaire de Villiers-le-Bel, en région parisienne, a décidé de révéler l’entrepreneur qui sommeille en lui.
Un lien tissé avec son pays d’origine
Son deuxième pays, le Mali, Diadié Soumaré le connaît depuis son plus jeune âge. « Depuis mes six ans, à peu près, je partais en vacances au Mali, un peu comme si c’était une punition quand je ne travaillais pas très bien à l’école. « Bon, tu vas aller au village pour cultiver pendant la période d’hivernage ! », me disait mon père », se rappelle-t-il. Au fil des années, cette relation avec le « bled » s’est tissée grâce à divers projets. « Mon rapport au Mali s’est fait très naturellement dans un premier temps via les vacances et les projets associatifs et pour finir via mon projet entrepreneurial », déclare Diadié Soumaré. Lorsque nous lui parlons de « retour aux sources », le jeune entrepreneur préfère parler de « ses affinités particulières avec le Mali. » À travers ses nombreux séjours sur la terre de ses aïeux, Diadié explique avoir été aux aguets d’un marché potentiel à saisir. L’ayant trouvé, il tente aujourd’hui de l’exploiter. Malgré une situation professionnelle confortable, en France, il a fait le pari de s’installer à Bamako.
Une situation anecdotique
Afin d’attirer l’attention sur son Apple Store, Diadié Soumaré a décidé d’user d’ingéniosité pour se faire connaître. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela a fonctionné. « Quand j’ai nouvellement ouvert l’Apple Store, pour localiser notre point de vente, nous avons eu l’idée de faire des panneaux de signalétique avec la forme du logo « Apple », la pomme. Tout ceci a été réalisé sans mettre un nom ou quoi que ce soit. « Vous avez dans les quartiers environnants de Hamdallaye ACI 2000, des signalétiques qui indiquaient l’accès du magasin. Des personnes sont venues nous voir et, une fois dans l’enceinte du magasin, nous ont demandé en bambara – la première langue nationale du Mali – « Est-ce que vous vendez des pommes ? » Ils pensaient que nous étions des vendeurs de pommes. C’est pour vous dire le décalage entre ceux qui ont compris le symbole « Apple » et ceux qui pensaient que nous étions des grossistes et qui ne comprennent pas forcément la langue française », confie Diadié Soumaré.
Mener son projet à terme, coûte que coûte
« Pour moi, il était hors de question d’abandonner mon projet et de rentrer en France, j’avais déjà abandonné mon boulot et j’étais déjà trop lancé dans mon projet », confie Diadié Soumaré lorsque l’ancien président du Mali, Amadou Toumani Touré, a été destitué par les militaires, en mars 2012. Un événement qu’il gardera longtemps en mémoire puisqu’il est intervenu au moment où le projet du jeune homme se concrétisait. « J’ai signé mon bail commercial la semaine où a eu lieu le coup d’État, deux ou trois jours avant. C’était la toute première fois que je vivais un tel événement », déclare-t-il. De plus, « quand vous arrivez à la phase où vous ouvrez votre magasin, c’est qu’en amont il y a eu beaucoup de travail avec les études de marché, etc. Impensable donc de faire machine arrière », la preuve, son magasin est toujours ouvert dans le quartier d’Hamdallaye ACI 2000.
Implanté dans le quartier d’affaires bamakois
Grâce à un excellent emplacement, l’Apple Store jouxte de grandes entreprises étrangères qui ont leur siège dans le quartier de Hamdallaye ACI 2000. Plus qu’un hasard, c’est un choix mûrement réfléchi et construit par Diadié Soumaré. « Nos clients qui travaillent dans le quartier sont à proximité de l’Apple Store. » C’est que l’entrepreneur mise également sur un accès facile à son magasin, ce qui n’est pas le cas concernant le Grand Marché de Bamako. « Nous proposons un format différent de vente et le centre de la capitale est un peu saturé. Nous avons décidé de nous écarter de tout cela en proposant un accès facile avec une possibilité de se garer facilement », explique le propriétaire de l’ASB. Un confort proposé à une clientèle qui appartient à la classe moyenne et aisée, car le « positionnement est quand même haut de gamme. »
La même marchandise qu’en Occident
Le client malien ou celui de passage à Bamako trouvera les mêmes produits de la marque à la pomme que ceux vendus dans le Apple Store Carrousel du Louvre, par exemple. En effet, Diadié Soumaré met un point d’honneur à « ce que le consommateur malien ne soit pas discriminé d’autant qu’il achète son produit quasiment au même prix que le Français ou le Belge. Ce sont des produits « azerty » et nous travaillons pour que nos produits soient presque au même prix qu’en Europe. » Une différence de prix qui est due à l’acheminement des appareils électroniques. « Tout n’est pas au même prix, en raison des importations et des douanes, mais la différence n’excède jamais les 5 % voire les 10 % », explique le gérant de la boutique. « L’iPhone 6 coûte à peu près 730 euros en France et 780 euros au Mali. Il est un peu plus cher au Mali, mais nous offrons au client des services, contrairement à ce qui se passe en France où le client devra se débrouiller seul avec son produit. « Ici, il aura une assistance pour l’utilisation de son appareil, pour la mise en service pour le transfert de ses données, il pourra bénéficier de mini-formations sans avoir à payer et des accessoires vont lui être offerts. Par rapport à tous les services dont le client peut bénéficier, le coût du téléphone est presque similaire à la France », précise Diadié Soumaré.
Être au plus près de ses clients
« Au-delà de vendre des produits, ce que l’on propose, c’est un savoir-faire sur le produit et c’est ce qui fait notre valeur ajoutée aujourd’hui. Des personnes avaient la possibilité d’avoir accès à un outil, mais ils n’étaient pas en mesure de l’exploiter à 100 % », dit-il. Grâce à son équipe composée de dix collaborateurs, le premier revendeur Apple du Mali peut accompagner ses clients dans l’utilisation des produits. « En cas de besoin, nous disposons de coursiers prêts à intervenir pour dépanner un client qui a besoin d’un chargeur ou d’une batterie, par exemple. Auparavant, les gens étaient obligés d’attendre de voyager en Europe ou aux États-Unis pour leur(s) produit(s) », déclare le gérant.
Nombre de ses clients appartiennent à la clientèle d’affaires qui est amenée à se déplacer régulièrement en dehors du pays. « Quand on voyage un ou deux jours, on n’a pas forcément le temps de faire la queue pendant deux heures. Désormais, ils peuvent l’avoir sur place avec des personnes formées et qualifiées. » Cette clientèle, dont le pouvoir d’achat est supérieur à la moyenne, est à l’affût des produits Apple et n’est pas seulement à Bamako.
Un commerce qui a pignon sur rue
À l’échelle nationale, « nous avons des clients basés dans différentes régions avec beaucoup d’entreprises étrangères, principalement des entreprises minières. Ces entreprises-là ont besoin d’être ravitaillées dans ce type de produits et c’est vrai qu’il y a des gens qui font la navette pour les ravitailler », explique-t-il. La demande émane également de la population en région qui peut compter sur une assistance technique par téléphone ou par les réseaux sociaux.
La notoriété de ce premier revendeur agréé par Apple au Mali dépasse les frontières et s’étend jusqu’au Sénégal et en Côte d’Ivoire. « Les gens circulent beaucoup entre les pays de la sous-région pour des raisons professionnelles et c’est vrai qu’ils comparent les tarifs entre Dakar, Bamako et Abidjan surtout. Ils se rendent compte que nous avons une offre attractive dans la mesure où nous sommes moins chers que ces pays-là. Étant donné que ces personnes sont amenées à voyager régulièrement au Mali, à raison d’une fois par mois, dans la plupart des cas, ils attendent d’être à Bamako pour acheter leurs produits. Certains clients nous disent qu’ils viennent chez nous pour le service offert en plus de l’achat du produit. » L’offre tarifaire et les services attirent une clientèle étrangère qui trouve, pourtant, les mêmes produits à Dakar et à Abidjan. L’avenir ? « Nous voulons asseoir notre notoriété au Mali et couvrir l’intégralité du territoire, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. » Avant tout, il faut « consolider nos acquis », conclut Diadié Soumaré.
Par Founé Diarra
Source : afrique.lepoint.fr
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