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ENQUÊTE : COMMENT LA FRANCE MAINTIENT SON OMNIPRÉSENCE EN AFRIQUE

Le vice-président du conseil italien, Luigi Di Maio, a accusé dimanche la France « d’appauvrir l’Afrique » et d’aggraver ainsi la crise migratoire. « Si aujourd’hui il y a des gens qui partent, c’est parce que certains pays européens, la France en tête, n’ont jamais cessé de coloniser des dizaines de pays africains », a-t-il expliqué. Des déclarations qui ont débouché lundi sur une crise diplomatique entre Paris et Rome. Loin de s’approprier les propos du chef politique du Mouvement 5 étoiles, Negronews a choisi de se passer en revue les principaux outils et institutions destinées à maintenir en douceur l’omniprésence de Paris dans ses anciennes colonies.

« Une indépendance de façade »

Raphaël Granvaud et David Mauger, membres de l’ONG Survie, ont défrayé la chronique en août 2018 par la publication d’un ouvrage aux brûlantes révélations. On découvre en effet dans Un pompier pyromane qu’ils ont coécrit des secrets comme celle-ci : « De Gaulle et Foccart considèrent que, pour garder les pays africains sous contrôle français, il faut leur donner une indépendance de façade, corsetée par les accords de coopération ».

Il n’a donc jamais été question pour la métropole de quitter définitivement et affranchir pleinement ses colonies. Les tentacules de la colonisation ont pris de nouvelles formes. Moins terrifiante peut-être, mais toujours investies de la même mission : faire asseoir la domination française en Afrique. Pour ce faire, il a s’agit pour Paris d’investir dans la création d’institutions attrayantes aux services utiles et incontournables dont pourraient absolument avoir besoin une majorité d’Africains. En voici les plus connus :

L’Agence française de développement

L’Agence française de développement est une institution financière publique qui met en œuvre la politique de développement de la France, agit pour combattre la pauvreté et favoriser le développement durable. En 2017 3,9 milliards d’euros ont été consacré à l’activité de l’AFD en Afrique où elle a des filiales dans quarante-quatre pays, notamment le Nigeria, le Madagascar, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Gabon et la RDC. Ses présentes actions vont du soutien à la réforme du secteur de l’énergie grâce à la formation du personnel à la réalisation de projets dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’économie, de l’appareil judiciaire, de la formation professionnelle.

Le Franc CFA : la monnaie ouest-africaine battue à Paris

Toutes les fois qu’ils achètent et vendent un bien ou un service, les ressortissants des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africain, doivent être bien reconnaissants à la France qui leur accorde, à travers le Franc CFA, le moyen opérer des échanges financiers. Ils doivent dans le même temps savoir que leur indépendance économique est loin d’être obtenue. M. Di Maio, qui est aussi ministre du développement économique, disait à propos : « il y a des dizaines de pays africains où la France imprime une monnaie, le franc des colonies, et avec cette monnaie elle finance la dette publique française ».

« Sans forcément avoir tous les éléments techniques en main, un nombre croissant de citoyens africains sont conscients qu’il leur sera impossible de décider réellement de leur destin sans une souveraineté monétaire effective », écrivent Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla dans leur dernier ouvrage, « L’arme invisible de la Françafrique : une histoire du Franc CFA ».

La francophonie et ses médias

Se définissant comme une institution dont les pays membres partagent ou ont en commun la langue française et certaines valeurs, l’Organisation internationale de la francophonie apparaît à la première approche comme un projet louable. Mais une observation attentive de son fonctionnement et ses méthodes permet de découvrir qu’elle n’est qu’un outil politique destiné à assurer l’hégémonie (culturelle et idéologique) de la France hors de ses frontières et particulièrement en Afrique où l’OIF compte plus de locuteurs.

Autres organes de relais de la politique (habilement) expansionniste de l’Élysée sont pour la culture et la pédagogie, les Instituts français, pour les médias des organes comme TV5, RFI et Jeune Afrique (soit une présence sur la quasi-totalité des canaux de diffusion).

Comme on peut facilement le comprendre, à travers ses institutions et ses organes de presse internationaux, le financement direct, la France a une influence énorme sur le journalisme africain. Ainsi, elle a la possibilité de mener sa force douce sur le continent africain et de diffuser ainsi son opinion.

Entreprises de lobbying

Paris peut également compter sur certains dirigeants des grandes entreprises commerciales qui font du lobbying en faveur des intérêts de l’Occident en Afrique. Il s’agit d’entreprises comme Norton Rose Fulbright (cabinet d’avocats), de la Chambre internationale de commerce (CAIC), Open2Africa (agence de publicité) et Artemis Group (société de sécurité).

Cette liste qui n’est pas exhaustive donne un intéressant aperçu des manœuvres actuellement en cours au palais de l’Élysée et au Quay d’Orsay en vue de maintenir l’Afrique sous la semelle du colon qui ne s’est jamais vraiment éloigné. Il se peut que le jeune vice-président italien n’ait pas si tort…

Stéphane BAI

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