Djibouti est la dernière colonie française à avoir acquis son indépendance. Incontournable point de passage sur la route de Suez, ce petit pays d’un peu moins d’un million d’habitants est dirigé depuis dix-neuf ans par M. Ismaïl Omar Guelleh. Issu du clan des Issa, majoritaire, et qui partage le pouvoir avec les Afars, il était déjà, en 1978, le chef de cabinet du premier président du pays. La capitale, petite ville coloniale fondée il y a un peu plus d’un siècle, maintenant débordée par les bidonvilles, se sépare en deux centres, qu’un escalier permet de rejoindre. L’architecture coloniale y domine, les bars à restaurants pour militaires et expatriés sont légion. L’écart indiffère, en un pays où chômage et pauvreté atteignent 40 % de la population, et où le maintien de l’ordre s’est imposé à toute conception de l’individualité. Les migrants font de Djibouti un passage pour de gagner l’Arabie.
La RN14, route nationale djiboutienne d’environ 60 kilomètres reliant les villes de Tadjourah et Obock dans le nord du pays, est abandonnée par les véhicules. Cette route passe à côté de la falaise, selon la cheffe de mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), jusqu’à trois cents exilés ont emprunté cette route, dotés d’une seule bouteille d’eau, ils traversent, trois, quatre jours durant, le désert, chaque jour l’année dernière, attirés par les mirages saoudiens. Les corps n’étant pas toujours ramassés, le nombre de disparus reste à déterminer.
Selon un médias de la place, des témoins racontent que des migrants sont partis de Godoria, dans le nord de Djibouti, pour tenter la traversée jusqu’au Yémen. Leurs bateaux auraient chaviré à cause de la surcharge et d’une mer agitée. Cette tragédie n’est pas une surprise, Djibouti est une route de transit depuis une quinzaine d’années. Les migrants qui passent par Djibouti sont en majorité éthiopiens, Somaliens, Soudanais. Tous, rêvent de rejoindre la Péninsule arabique pour travailler dans les pays du Golfe et renvoyer de l’argent chez eux. Ils entrent à Djibouti déjà démunis, par les régions de Galafi dans l’Ouest ou même Guelilé, au Sud. Quelque 300 à 400 personnes passeraient illégalement la frontière ainsi chaque jour selon l’Organisation internationale des migrations (OIM).
Une partie poursuit à pied, en traversant des zones arides sous une chaleur accablante. « En 2012, nous avions retrouvé 62 corps près du Lac Assal, morts de faim et de soif », explique Lalini Veerassamy, chef de mission de l’OIM à Djibouti.
Des passeurs locaux, souvent de jeunes chômeurs, en conduisent aussi par la route, jusqu’à Tadjourah et Obock, où les migrants attendent pour rejoindre un bateau de trafiquants yéménites, sur l’un des sites d’embarquement informels le long de la côte nord-djiboutienne. Les localités de ces régions pauvres peinent à faire face. En juin dernier, une épidémie de diarrhée avait fait plusieurs morts à Obock. Plusieurs organisations avaient même parlé de choléra. « C’est une localité avec très peu de moyens. Nous sommes là en appui avec les autorités locales. Mais quand on parle de beaucoup de chiffres, ça devient très compliqué à gérer. Dans notre centre en ce moment, nous avons 580 migrants qui veulent rentrer chez eux », développe Lalini Veerassamy.
Cela a un impact négatif sur certaines localités. « Ce sont déjà des régions vulnérables, avec peu d’opportunités pour les populations locales même avec des services de base dans ces régions. Donc c’est un défi assez important à gérer. »
Pour ceux qui parviennent jusqu’au Yémen, le cauchemar continue. Certains migrants, mal informés, ne savent même pas que le pays est en guerre. Les moins chanceux sont enlevés, détenus, torturés par les trafiquants yéménites, qui les échangent contre des rançons. Selon l’OIM, 3 500 personnes auraient péri ces dix dernières années durant ce périple.
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