[CULTURE] SAPPES COMME JAMAIS

La sape, ou Société des Ambianceurs et des Personnes Elegantes, est une appellation qui aurait été créée par Papa Wemba, roi de la rumba congolaise, selon la légende. Tout le monde connaît ces personnages hauts en couleur qui défilent à Paris, Brazzaville, Londres, Kinshasa… arborant fièrement leur costume trois pièces hors de prix.

Cependant, la sape n’a pas attendu Papa Wemba et ses acolytes pour voir le jour. L’origine de la sape est liée à l’immigration portugaise durant l’esclavage. En effet, les maîtres portugais faisaient venir des tissus et cotonnades d’Europe afin de s’habiller comme des aristocrates afin de se distinguer des esclaves. Les vêtements deviennent alors une façon de se distinguer socialement des autres mais aussi un outil de domination politique, cette arme sera alors reprise par les élites congolaises qui cherchent à différencier des esclaves. Nonobstant, la sape s’illustre en tant que mouvement lors de l’indépendance des Congo Kinshasa et Brazzaville. Mobutu, dirigeant du pays, appauvrit son peuple et la colère gronde chez beaucoup de citoyens qui ne supporte plus le roi du Zaïre et la façon dont il s’enrichit sur leur dos. C’est alors que les sapeurs vont apparaître en tant que mouvement, utilisant leur style vestimentaire comme signe ostentatoire de contestation : le peuple reste fier malgré les épreuves et il tient à le montrer à ceux qui cherchent à l’écraser. Les leaders du mouvement étaient souvent des musiciens comme Papa Wemba, Adrien Mombele ou enocre le compositeur Modogo Gian Franco. Suite à cela, les jeunes congolais ont commencé à imiter leurs idoles, devenant des sapeurs à leur tour et exportant le mouvement en Europe grâce à l’immigration.

Force est de constater qu’aujourd’hui la sape n’est plus un mouvement de contestation politique mais c’est un mouvement de subversion sociale, une sorte de cache-misère : on s’habille bien afin de ne pas montrer sa précarité. On ne voit jamais ce qu’il y a dans les placards mais on voit l’apparence de chacun. Cette attitude est critiquée par beaucoup, on a pu voir les sapeurs se faire reprocher de gaspiller leur argent dans leurs sapes au point d’en oublier les priorités de la vie comme subvenir aux besoins de leur famille, retourner voir sa famille au pays ou manger convenablement. D’ailleurs les sapeurs, eux-mêmes, reconnaissent que leurs sapes nécessitent des sacrifices et assument ce fait fièrement. Pourtant, cette attitude peut être expliquée par deux phénomènes: la conscience de la brièveté de la vie et le manque de la culture de l’épargne, ces deux choses amenant les sapeurs à concevoir la vie comme quelque chose dont il faut profiter sans regret, quelque chose qu’il faut consommer.

Pourtant, n’est pas sapeur qui veut. Les vrais sapeurs se battent aujourd’hui pour qu’on dissocie leur art de la sapologie qui se revendique son héritière. La différence entre les deux ? Le sapeur se vêt là où la sapologue s’habille. Pour faire simple, la sape est une philosophie de par son origine politique (il existe les dix commandements de la sape où on prohibe la violence par exemple), elle est dandysme et amour de soi, respect de soi. La sape est un rapport personnel à soi qui tend à exprimer la singularité de chacun par ses vêtements. La sapologie, quant à elle, est caricature, couleurs criantes, gesticulations, fautes de goûts et exhibition ostentatoire des marques que l’on porte. Ces deux courants fascinent le public aujourd’hui et sont présents dans le monde de la musique par exemple dans le clip de « Losing You » de Solange, « Sappé comme jamais » de Maître Gims, Stromae, mais aussi l’humouriste Dycosh qui se moque de la sapologie. On peut aussi penser au fameux Norbert des Rois du Shopping, connu pour sa sappe qui a pu faire rire la France entière.

NegroNews

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