L’athlète blanc australien est le troisième homme sur le podium du 200 m masculin des Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Celui qui ne lève pas le poing mais a participé, de façon significative, à ce symbole de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Etant australien, Peter Norman, dénonçait également l’apartheid contre les aborigènes dans son pays.
Le troisième homme de cette photo historique n’a pas refusé de protester avec eux. Bien au contraire. Ostracisé en Australie et dans le milieu olympique, ignoré aux Etats-Unis et dans le monde, il aura fallu une tribune de l’écrivain italien Riccardo Gazzaniga, traduite en anglais, en français et dans d’autres langues, pour que l’histoire de « l’homme blanc sur cette photo » soit enfin racontée de A à Z. Même l’Australie semble redécouvrir l’enfant du pays, décédé en 2006.
Un badge mais pas de gant noir
Nous sommes le 16 octobre 1968, aux Jeux olympiques d’été de Mexico. Le sprinteur américain Tommie Smith a remporté le 200 mètres masculin. Derrière lui, l’Australien Peter Norman a créé la surprise en devançant l’autre champion américain, John Carlos. « Avec un chrono de 20 secondes pile, il aurait même remporté la médaille d’or aux JO de Munich, 4 ans plus tard, ou en l’an 2000 à Sydney », notait CNN dans un portrait réalisé en 2012. Et pourtant, personne ne s’y attendait.
Personne n’imagine non plus le rôle discret qu’il a joué, en coulisses, entre la course et la remise des médailles. Tommie Smith et John Carlos avaient décidé depuis longtemps de porter une paire de gants noirs, symbole des Black Panthers, pour frapper les esprits pendant que résonnerait le Star Spangled Banner dans le stade de Mexico. Mais John Carlos a oublié les siens au village olympique… C’est Peter Norman qui leur a conseillé de partager leur unique paire.
Le regard fixé sur les drapeaux, il tournait le dos aux deux Américains. « Je ne pouvais pas voir ce qui se passait. Mais j’ai su qu’ils avaient mis leur plan à exécution lorsque la foule qui chantait l’hymne national américain s’est soudainement tue. Le stade est devenu alors totalement silencieux », se souvient-il. Peter Norman n’a pas seulement contribué à forger cette image mythique…Il y a aussi participé directement : il porte lui aussi un badge du Projet Olympique pour les Droits de l’Homme, une organisation qui luttait contre le racisme dans le milieu sportif, créé un an plus tôt.
Héros méconnu, paria aux JO et en Australie
Le symbole est insuffisant pour que l’Histoire le retienne, dans l’ombre du scandale provoqué par les deux Américains, bannis à vie des événements olympiques. Sa marche du podium reste d’ailleurs vide dans la statue qui représente la scène, érigée à l’Université de San José, en Californie… Mais il a été suffisant pour que Peter Norman devienne un paria en Australie, où « les lois d’apartheid étaient presque aussi strictes que celles qui avaient cours en Afrique du Sud » à l’époque, rappelle Riccardo Gazzaniga. Plus jamais il ne pourra participer aux Jeux olympiques.
« Tout le monde l’a détesté dès son retour à la maison », raconte son neveu Matthew Norman, dans un documentaire consacré à son oncle, Salute! « Il a souffert jusqu’à sa mort », en 2006. Et parmi les proches venus assister à ses obsèques à Melbourne, deux personnes ont insisté pour porter le cercueil alors qu’il ne faisait pas partie de sa famille: Tommie Smith et John Carlos. Ils n’avaient pas oublié le héros méconnu de « leur » photo.
NegroNews avec l’Express
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