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LUMUMBA, L’ASSASSINAT LE PLUS IMPORTANT DU 20e SIÈCLE

Patrice Lumumba, premier ministre légalement élu en République démocratique du Congo (RDC) a été assassiné le 17 Janvier, 1961. Ce crime odieux a été le résultat de deux complots d’assassinat inter-connexes organisés par les gouvernements belge et américain.

Ludo De Witte, l’auteur belge d’un livre relatant ce crime le qualifie comme étant « l’assassinat le plus important du 20e siècle ». En effet, outre le contexte mondial dans lequel il a eu lieu, depuis ce jour, Lumumba est considéré comme étant un leader nationaliste et son assassinat a jusqu’aujourd’hui un impact sur la politique congolaise.

Il y a 131 ans, les Etats-Unis et la Belgique ont joué un rôle clé dans le façonnement du destin du Congo. En Avril 1884, sept mois avant le Congrès de Berlin, les États-Unis sont devenus le premier pays au monde à reconnaître les revendications du roi Léopold II. Lorsque les atrocités liées à l’exploitation économique brutale des états libres du Congo de Léopold ont entraîné des millions de morts, les Etats-Unis ont rejoint d’autres puissances mondiales pour contraindre la Belgique à prendre le pays en tant que colonie régulière. C’est ainsi pendant la période coloniale que les États-Unis ont participé stratégiquement à l’enrichissement naturel du Congo, suite à l’utilisation d’uranium dans les mines congolaises, la fabrication des premières armes atomiques ainsi que les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki.


Avec le déclenchement de la guerre froide, il était certain que les Etats-Unis et ses alliés occidentaux ne seraient pas prêts à laisser les Africains avoir un contrôle effectif sur les matières premières stratégiques, de peur que ceux-ci tombent dans les mains de leurs ennemis à savoir le camp soviétique. Au regard de cela, il est clair que la détermination de Patrice Lumumba à atteindre une véritable indépendance en ayant un contrôle total sur les ressources du Congo dans le but d’améliorer les conditions de vie de son peuple, a été perçue comme une menace pour les intérêts occidentaux. Pour le combattre, les Etats-Unis et la Belgique ont donc utilisé tous les outils et les ressources à leur disposition, y compris le secrétariat des Nations Unies (avec à sa tête Dag Hammarskjöld et Ralph Bunche) pour acheter le soutien des rivaux congolais de Lumumba et payer des tueurs à gages.

Au Congo, l’assassinat de Lumumba est à juste titre considéré comme le péché originel du pays. Survenue moins de sept mois après l’indépendance (le 30 Juin 1960), sa mort a brisé net les espoirs de millions de Congolais pour ce qui est de la liberté et la prospérité matérielle. La mort de Lumumba fut perçue comme une entrave aux idéaux tels que l’unité nationale, l’indépendance économique et la solidarité panafricaine que Lumumba défendait.

L’assassinat de Lumumba a eu lieu à un moment où le pays était sous la domination de quatre gouvernements distincts : le gouvernement central à Kinshasa alors appelée Léopoldville, un gouvernement central rival créé par les partisans de Lumumba à Kisangani (ex Stanleyville) et les régimes sécessionnistes dans les provinces riches en minéraux du Katanga et du Sud-Kasaï. L’élimination de Lumumba fut donc un soulagement pour ceux qui le considéraient comme la principale menace pour leurs intérêts au Congo. Des efforts menés à l’échelle internationale ont été entrepris pour restaurer l’autorité d’un régime modéré et pro-occidental à Kinshasa ainsi que dans l’ensemble du pays et ont abouti à la suppression du régime lumumbiste à Kisangani en Août 1961, des régimes sécessionnistes du Sud-Kasaï en Septembre 1962 et la sécession du Katanga en Janvier 1963.

Avant la fin du processus d’unification, un mouvement social radical pour une « seconde indépendance » a émergé pour contester l’Etat néocolonial et son leadership pro-occidental. Ce mouvement de masse composé de paysans, de travailleurs, de chômeurs urbains, d’étudiants et de fonctionnaires s’est trouvé des leaders enthousiastes parmi les lieutenants de Lumumba, dont la plupart s’étaient regroupés pour former le Conseil National de Libération (CNL) en Octobre 1963 à Brazzaville, près du fleuve Congo de Kinshasa. Les forces et les faiblesses de ce mouvement peuvent servir à mesurer l’héritage global de Patrice Lumumba pour le Congo et l’Afrique dans son ensemble.

L’aspect le plus positif de cet héritage était manifeste dans le dévouement désintéressé de Pierre Mulele à un changement radical pour satisfaire les aspirations les plus profondes du peuple congolais pour la démocratie et le progrès social. D’autre part, la direction du CNL, qui comprenait Christophe Gbenye et Laurent-Désiré Kabila, était plus intéressée par le pouvoir et les privilèges qui en découlent que par le bien-être du peuple. C’était du Lumumbisme, qui se manifestait davantage par la parole que par des actes. Président, trois décennies plus tard, Laurent Désiré Kabila ne s’est pas surmené pour passer de la parole aux actes.

Plus important encore, le plus grand héritage que Lumumba a laissé pour le Congo est l’idéal de l’unité nationale. Récemment, une station de radio congolaise m’a demandé si l’indépendance du Sud-Soudan devrait être un sujet de préoccupation à l’égard de l’unité nationale au Congo. J’ai répondu que depuis que Patrice Lumumba est mort pour l’unité du Congo, notre peuple restera tout à fait fidèle dans la défense de notre unité nationale.

Georges Nzongola-Ntalaja est professeur d’études africaines et afro-américaines à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill et auteur du livre « Le Congo de Léopold à Kabila: une histoire d’un peuple « 

NegroNews

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