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[CULTURE] L’HISTOIRE DU FESPACO, « FESTIVAL PANAFRICAIN DU CINÉMA DE OUAGADOUGOU »

L’histoire du Fespaco a commencé en 1969, mais paradoxalement sans réalisateur burkinabè. Pourquoi le Burkina Faso avait-il lancé ce festival ?

C’est justement le caractère extraordinaire de ce festival. Le Fespaco est né en 1969 sans qu’il n’y ait aucune structure de cinéma dans ce pays qui s’appelait à l’époque la Haute-Volta, et sans qu’il n’y ait aucun réalisateur voltaïque. Pourquoi le festival est né au Burkina ? Tout simplement, parce que, en 1968, au Centre franco-voltaïque, le ciné-club dynamique du CCFV s’est rendu compte qu’il existait pas mal de films africains, mais que les populations africaines – y compris les Ouagalais – ne voyaient aucun film africain. L’idée leur est venue d’organiser une petite semaine de cinéma africain, dont l’unique objectif était de montrer des films africains aux populations africaines, en particulier au Burkina Faso. C’est vraiment par militantisme culturel et populaire que le Fespaco est né en 1969. Après, il y avait d’autres considérations, mais ce festival est né parce qu’il n’y avait pas de réalisateurs et pas de structures et que les films ne passaient pas au Burkina Faso.

Le plus important rôle du festival, c’était de décoloniser l’image ?

Le festival avait plusieurs tâches primordiales pour le cinéma africain. D’abord, cela a été de permettre une amorce de décolonisation des écrans. Jusqu’au milieu des années 1970, les écrans africains ne montraient aucun film africain, parce que les sociétés de distribution étaient des sociétés françaises qui se servaient de copies usagées qui avaient déjà tourné, pour les passer ensuite en Afrique. Pour ces sociétés, c’étaient des bénéfices purs. Passer un film africain, cela coûtait cher, parce qu’il fallait rentabiliser la copie. La principale tâche du festival a été alors de décoloniser les écrans. La deuxième tâche était de fédérer les cinéastes dans un endroit au sud du Sahara. Il y avait déjà les Journées cinématographiques de Carthage (JCC), mais le Fespaco a fédéré les cinéastes et cela a participé à un mouvement culturel en Afrique. La deuxième tâche très importante du Fespaco était de participer au mouvement et à l’ébullition culturelle des années 1970 et 1980.

Le Fespaco fête sa 23e édition. Pourquoi, malgré cette continuité, le cinéma africain souffre d’une production faible, d’une distribution souvent inexistante et de moyens insuffisants ?

Les raisons sont surtout financières, parce que la production n’est plus si faible maintenant. Cette année, on voit au Fespaco 101 films. Elle reste faible comparé à d’autres zones géographiques, mais cela a été bien pire il y a quelques années. Le vrai problème c’est la production et la distribution des films qui coûtent excessivement chers, parce qu’aucun partenaire étranger ne se mobilise pour ces films. « Aucun », c’est peut-être exagéré, mais il y a très peu de partenaires étrangers et les télés africaines ne mettent pas beaucoup de sous. Et quand elles le font, c’est parfois au détriment des réalisateurs. Le principal problème est financier. Il ne faut pas oublier qu’on est en pleine crise. On est sur un continent où la priorité n’est pas au cinéma. Donc c’est difficile de faire des films. Je crois qu’il faut saluer l’effort constant depuis 44 ans du Burkina Faso qui finance son cinéma, qui se mobilise avec un dynamisme assez extraordinaire pour les cinémas africains avec ce festival, même si cela reste encore un peu minoritaire.
Malheureusement les cinémas africains ont du mal à s’exporter, parce qu’ils ne rentrent pas toujours dans le format hollywoodien qui domine les écrans et qui empêche la diversité des cinémas. Les mêmes problèmes se posent avec les films d’Amérique du Sud ou asiatiques, qui connaissent un peu plus de succès, mais on a du mal à les voir sur des grands écrans en Occident. Le vrai problème, c’est que les films africains ont aussi du mal à passer sur les écrans en Afrique, sur leurs territoires de prédilection. C’est avant tout pour des raisons financières.

Cinéma africain et politiques publiques en Afrique est le thème principal de cette 32e édition. Est-ce que le Fespaco a joué un rôle décisif pour influencer la politique culturelle d’un pays africain ou de l’Afrique en général ?

Très clairement, et cela dès le début. En 1970, la Haute-Volta nationalise ses salles de cinéma, à cause d’un différend avec les entreprises de distribution. En nationalisant leurs salles, ils ouvrent une brèche. Dans les années qui suivent, beaucoup de pays – surtout en Afrique de l’Ouest, mais pas seulement – nationalisent à leur tour les salles de cinéma, se dotent d’organes et de structures de distribution, de production de cinéma. C’est le cas du Mali, du Sénégal, du Bénin. Cela a été aussi le cas pendant la révolution, entre 1983 et 1987, puisque le Burkina Faso avait une politique très volontaire envers sa cinématographie, mais aussi envers les cinématographies des autres pays africains. Le Fespaco a eu un impact très clair sur les structures de la politique culturelle africaine, sur des manifestations qui ont été créées en réponse au Fespaco et aussi grâce à la Fepaci [Fédération Panafricaine des Cinéastes, ndlr] qui est en ce moment dans une passe un peu compliquée, mais qui a été toujours très liée au Fespaco. Ce jumelage entre la Fepaci et le Fespaco a permis aussi de continuer et de pérenniser ce dynamisme dans les cinémas africains et ce mouvement continental.

Le Fespaco a été souvent critiqué, il y a de plus en plus d’autres festivals sur le continent africain. Est-ce que cela renforce ou affaiblit le Fespaco ?

La principale critique envers le Fespaco c’est bien évidemment son organisation qui défraye la chronique à chaque édition et tout particulièrement les trois dernières éditions. Pourquoi ? Parce que c’est compliqué d’organiser un festival à un million de festivaliers, avec 3 000 journalistes invités, sans compter les délégations. C’est très compliqué et très cher. L’argent arrive souvent après le festival, ce qui oblige le Fespaco à avoir des dettes et des ardoises en millions d’euros. A certaines époques, le festival travaillait d’une manière un peu artisanale. Beaucoup de cinéastes disent que c’est scandaleux d’arriver à des états de désorganisation semblable après deux ans de préparation. Certaines personnes sont là, mais cela n’est pas leur métier. Il y a très peu de formations en expertise, en médiation culturelle, en montage de projet culturel ou en événementiel en Afrique. Ils ont tous une extraordinaire bonne volonté, mais cela ne se suffit pas toujours.

Source RFI

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