Ainsi disparu le camerounais Félix Roland Moumié qui n’avait pas 35 ans quand il se retrouva parmi les figures de proue d’un des plus grands mouvements indépendantistes d’Afrique noire, empoisonné par le Franco-suisse William Louis Betchel, surnommé « Grand-Bill », un agent de « la Main rouge », une branche du Service français de documentation extérieure et de contre-espionnage (S.D.C.E.).
Nous sommes le 16 octobre 1960 dans un hôtel de Genève. « Grand-Bill » sachant que Moumié était assez cavaleur avait pris place au restaurant, accompagné d’une jolie blonde. Le soir, en passant devant le couple installé à une table du restaurant de l’hôtel, Félix Moumié a bien sûr remarqué que la jeune femme lui avait souri.
Aussitôt convaincu qu’il avait tapé dans l’œil de la blonde, il lui rend son sourire et s’arrête devant la table. Bechtel s’exclame aussitôt : « Mais, Monsieur, je vous connais ! Nous nous sommes rencontrés au Congrès de la presse agricole, à Helsinki. ». Moumié lui répond qu’il n’y était pas.
Comme l’autre insiste, Moumié finira par accepter. L’on mange, l’on boit.
La jeune femme accapare son attention pendant que William verse la dose n° 1. Mais Moumié, trop occupé à parler, ne boit pas.
Au moment du fromage, le Camerounais se lève pour aller aux toilettes. Comme vous pouvez vous en douter, Bechtel verse la dose fatale dans son verre.
Il meurt le 3 novembre 1960 à l’hôpital cantonal de Genève. Son corps est enterré à Conakry sur ordre d’Ahmed Sékou-Touré.
Mais Moumié n’est pas Jean Moulin. Son idée du Cameroun n’a pas triomphé comme la résistance française. Et même le Cameroun qui l’a érigé au rang de « héros national » n’a pas dit mot.
Malgré les preuves présentées au Tribunal de Genève Bechtel est définitivement acquitté par le tribunal de Genève en 1980 « faute des preuves »
Le grand Bill mourra en toute quiétude au début des années 1990 à l’hôpital militaire du Val de Grâce à Paris.
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Crédits
– Le récit du général Aussaresses. À 90 ans, l’ancien membre du service action du SDECE, le contre-espionnage français (aujourd’hui DGSE), a rouvert sa boîte à souvenirs en 2003 dans ‘Je n’ai pas tout dit’, un livre d’entretiens avec Jean-Charles Deniau publié il y a peu aux éditions du Rocher.
– « Je me souviens de Ruben: mon témoignage sur les maquis du Cameroun », 1953-1970 par Stéphane Prévitali
– Jean Baptiste Ketchateng in Mutations 20/06/2008
Source : cameroonvoice
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