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[CULTURE] 9 JANVIER 1932: NAISSANCE DU GRAND ARCHEOLOGUE DJIBRIL TAMSIR NIANE

Djibril Tamsir Niane est né le 9 janvier 1932 à Conakry. Son père, Daouda Niane, était un Toucouleur originaire de Dakar, ouvrier aux chemins de fer de Conakry.
Sa mère, Aïssata Sam, venait de Youkounkoun, au nord-ouest du Fouta-Djalon. Elle avait une mère mandingue, Yebe Diarra, qui venait de Dinguiraye, et dont la mère se nommait Sarang Keïta.

Le talibé Tienbou Diarra ramena ainsi deux soeurs Keïta de Siguiri, épousa l’une, Yebe, et donna l’autre à son Tierno, El Hadj Omar. Tamsir fut surtout éduqué par sa grande soeur dans la maison de Mamadi Cissé, instituteur à Kissidougou, Farana, Siguiri, où il passa son certificat d’études, puis à Kankan et Baro. Le beau-frère suivit le parcours du fonctionnaire de brousse, et cela permit à Tamsir d’apprécier les récits et l’ambiance des griots dans la demeure, autant que les jeux au clair de lune, dans le village.

Puis ce fut le collège à Conakry, chez ses parents. Il y retrouva ses autres soeurs : sa jumelle Yaye, et sa cadette. Il y retrouva aussi un grand frère infirmier, décédé depuis. Et un oncle dont il porte le nom, Djibril Tamsir. C’est cet oncle qui avait fait venir le père de Tamsir depuis Dakar, où la maison familiale se trouvait rue Grasland, près de Sandaga.

Cependant, de ces années de Collège à Conakry, Tamsir garde surtout le souvenir … de Baro ! Ah ! ces vacances à Baro !
— J’étais en exil à Conakry. Toute l’année, on soupirait après Baro. On s’y rendait en train. Les jeunes filles nous attendaient et nos compagnons de classe d’âge. Et mon inséparable ami Sako Condé qui me suivit jusqu’à l’université.
A Baro, on était choyé, on faisait le tour des villages environnants. Ah ! Baro, c’est tout un univers, c’est là où s’est formée mon âme mandingue.

Mais ce fut Cheikh Anta Diop, rencontré à Paris en 1956, qui le brancha sur la littérature traditionnelle, cependant qu’il l’encourageait aussi à traduire du mandingue en français, du français en mandingue.

A Bordeaux, après sa licence d’histoire, son mémoire, Recherches sur l’empire du Mali au Moyen Age, est publié dans Recherches africaines, par l’Institut National de recherches et documentation, dirigé alors par l’historien Suret-Canale ; tandis que Soundiata est édité par Présence Africaine.
En 1960, Tamsir Niane est déjà proviseur du lycée de Conakry. Quelle époque, ces débuts de l’Indépendance! Tout semblait possible ! Tamsir s’en souvient avec émotion. Il rappelle ces années de passion où il se lance dans la traduction de L’Avare de Molière en malinké. Alors que Cheikh Anta Diop avait traduit un passage d’Horace en wolof. La pièce fut représentée à Conakry par ses élèves devant le Bureau politique du parti.

— Ce fut un grand succès, Fodéba se roulait de rire !
— A Kankan, la pièce suscite le même engouement : chacun y reconnaît son voisin …
La même année, Tamsir écrit : Les fiançailles tragiques, l’histoire du Bida de Wagadou mise en scène par Gérard Chenet.
Cette pièce rend Niane si populaire que Sekou Touré en prend ombrage. En 1961, le Congrès des Enseignants élit 12 représentants de son syndicat et les charge de rédiger un Mémorandum de revendications, Sékou Touré leur ayant supprimé toutes leurs indemnités.
Mais le Chef de l’État condamne les signataires et les met en prison. Tamsir reste trois ans au Camp Boiro 1, dans une petite cellule d’un mètre sur deux, seul, sans un livre. L’élan est brisé. Le lycée se met en grève. 1 200 élèves descendent dans la rue. Les écoles seront fermées de novembre à février, et les élèves renvoyés dans leurs familles.

Senghor et d’autres personnalités interviennent pour qu’on le libère, puis, surtout, la Guinée ayant signé un accord culturel avec la Pologne, on envoie des archéologues polonais à Conakry : comme il n’y a personne pour les accueillir et pour les guider… on libère Niane qui les conduira sur le site de Niani, à la frontière malienne.

A son retour, il est difficile de le remettre sans autre motif dans sa cellule ! On le nomme donc professeur à l’Institut polytechnique.
En 1968, il est nommé Doyen de la Faculté des Sciences sociales.
Il entreprend des fouilles qui mettent à jour la grande mosquée de Niani et des cases à fondations de pierre dans le quartier royal.
Il recueille maints récits et informations auprès des griots, sur place :
— J’étais comme le chef du village à Niani ! Le préfet 2 était venu résider auprès de moi, je leur faisais des dons en nature: sucre, lait, tabac; j’étais invité à tous les baptêmes, je tranchais les litiges, le vrai chef enfin me confia son fils.
Il est bientôt si intégré que tous les villages de la rive droite du Niger l’invitent pour lui donner leurs versions de l’histoire locale.
Après cela, il entreprend des recherches au Fouta, à Timbo, la capitale, et Fougoumba, la cité où l’on couronnait l’Almamy. Puis, de 1969 à 1972, Tamsir Niane “découvre” les Baga. Avec toute une classe d’étudiants et de professeurs, il entreprend à Boké et à Boffa une enquête systématique sur l’art Baga, allant jusqu’à établir le calque des peintures murales Baga avec l’aide des professeurs polonais, cependant que les étudiants recueillent les contes, l’histoire, les données sociologiques.
On mettra ensuite six mois à Conakry pour dépouiller cette vaste enquête. Il va montrer les grandes peintures à Sékou Touré. On le félicite, on fait rouler les toiles, on les range … On les perd. De même, les enquêtes sur les Baga qui constiuaient un fonds unique à l’Institut sont aujourd’hui perdues.
D’ailleurs, l’atmosphère n’avait cessé de se détériorer: déjà en 1966, sa pièce Sikasso avait été interdite car une phrase avait “déplu”.

1971 est une année sombre pour Tamsir. On arrête ses voisins, ses amis; plus de cent personnes sont condamnées à mort, parmi lesquels des camarades d’enfance, d’école …

L’attitude de Sékou Touré — qui confond les bonnes pièces avec celles qui louent le régime — provoque chez Niane une dépression nerveuse. Il obtient d’aller se faire soigner en Roumanie en 1972, fait partir sa femme et sa fille par la route pour le Sénégal, et les rejoint au lieu de retourner en Guinée. Senghor, placé devant le fait accompli, accueille cependant Niane et le nomme Conseiller d’Assane Seck, à l’Éducation Nationale, ce qui n’empêche pas Niane d’éprouver une certaine nostalgie :
— La Guinée était d’une richesse culturelle inouïe… dommage !
A Lusaka, il retrouve Cheikh Anta Diop en mission pour l’UNESCO.
— Niane, je ne comprends pas !…
— Mais, Cheik, si j’ai quitté la Guinée c’est qu’il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond 3 …

Au Sénégal, Niane occupera plusieurs fonctions. Après un passage à l’Éducation Nationale, il est Conseiller auprès du ministre de la Culture, puis Directeur de la Fondation Senghor, enfin Directeur du patrimoine, toujours au Ministère de la culture.
C’est un homme discret, gentil, toujours en route — est-ce son ascendance peule ? — très pris par une renommée internationale qui n’a cessé de croître.
Un ouvrage comme Le Soudan occidental l’a classé comme un des meilleurs spécialistes du Moyen Age africain. Cependant que dans ses archives s’accumulent les données sur Soundiata comme sur le Gabou.
Il s’est habitué sans doute à sa vie de fonctionnaire itinérant, de représentant, de consultant. Mais on ne peut s’empêcher de penser que l’enseignement lui manque, et que pour lui rendre sa flamme de jadis, il lui faudrait une classe d’étudiants, une équipe de chercheurs, un laboratoire d’archéologie …
Car Niane demeure au fin fond de lui-même, d’abord et avant tout, un Professeur.

Djibril Tamsir Niane est également le père d’un des premiers grands mannequins noires Katoucha Niane.

Source: webguinée
http://www.webguinee.net/bibliotheque/literature/notre-librairie/baro-boiro.html

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