L‘attaque la plus « destructrice »
Le communiqué sur la situation au Nigeria, qu’Amnesty International a publié jeudi, est un véritable cri d’alarme. Selon l’ONG, les islamistes de Boko Haram ont mené leur offensive la plus « destructrice » dans le Nord-Est du pays en six années d’insurrection. Débutée en fin de semaine dernière, cette attaque massive a été l’occasion de nombreux « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ». Des images satellites des villes de Baga et Doron Baga, sur les rives du lac Tchad, montrent l’étendue des destructions dans les deux villes. Elles ont été « presque rayées de la carte en l’espace de quatre jours », explique Amnesty International.
Les morts se compteraient par centaines. L’armée nigériane, qui a tendance à minimiser les bilans de victimes, a affirmé cette semaine que 150 personnes avaient été tuées, qualifiant de « sensationnalistes » les estimations évoquant 2.000 morts. Reste que les récits les plus macabres sont peu à peu diffusés par les médias africains. Les combattants islamistes ont même tué une femme qui était en train d’accoucher, a-t-on appris mercredi. Par ailleurs, près de 300 femmes ont été enlevées et la moitié serait encore captives.
Pourquoi Boko Haram agit maintenant?
L’attaque de Baga et Doron Baga intervient dans un contexte précis : celui de la campagne en vue des élections présidentielle et législatives prévues le 14 février. Boko Haram contrôle déjà de vastes territoires dans le Nord-Est où des milliers d’électeurs ne pourront pas voter dans un mois. Or, les enjeux du scrutin sont lourds pour un pays qui est la première économie et le plus peuplé d’Afrique. Le duel entre le président sortant Goodluck Jonathan, 57 ans, et l’ancien dictateur militaire Muhammadu Buhari, 72 ans, candidat pour la quatrième fois, s’annonce comme le plus serré depuis le retour à la démocratie au Nigeria il y a 16 ans. Et, sans surprise, l’insécurité est le thème central de la campagne.
Goodluck Jonathan, qui dirige le Nigeria depuis la mort de son prédécesseur Umaru Yar’Adua en 2010, est très critiqué pour n’avoir pas su juguler l’insurrection islamiste, qui a fait plus de 13.000 morts depuis 2009. Le président ne peut pas non plus compter sur son bilan économique si le Nigeria est bien la première économie africaine, plus de la moitié des 178 millions d’habitants vivent toujours dans la pauvreté et les recettes de l’Etat ont fondu avec la chute historique des cours du pétrole. Reste que Muhammadu Buhari, homme à la poigne de fer, fait craindre aux responsables politiques et aux associations un retour à la dictature.
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Le Cameroun et le Tchad touchés
Le Cameroun est la première victime collatérale du conflit interne au Nigeria. Jusqu’à maintenant, Boko Haram ne traversait pas les frontières, mais depuis janvier, les troupes islamistes multiplient les incursions. La ville camerounaise de Kolofata a ainsi été attaquée dimanche dernier. Mais à la différence du Nigeria, l’armée régulière camerounaise a su résister : selon Yaoundé, 143 « terroristes » et un soldat ont été tués lors de l’attaque de dimanche. « Les combats étaient intenses, mais ils ont été repoussés », ont affirmé les autorités aux agences de presse.
Si le Tchad, qui a placé son armée à la frontière, n’a pas ce problème de sécurité, il doit gérer un afflux massif de réfugiés. Au total, 16 localités nigérianes ont été brûlées et 20.000 personnes ont dû fuir la région. A lui seul, le Tchad a accueilli 11.320 personnes en quelques jours, selon le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies.
La communauté internationale tarde à réagir
Les événements tragiques en France ont eu une répercussion mondiale, au point de faire oublier, dans les pays étrangers, les attaques meurtrières de Boko Haram. Depuis jeudi et le communiqué d’Amnesty International, les réactions sont toutefois plus nombreuses. L’Union africaine (UA), qui a dénoncé les « attaques odieuses » de Boko Haram, veut mettre en oeuvre une Force multinationale conjointe contre les insurgés islamistes.
L’ex-secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, qui a participé mercredi à une conférence sur les élections à Abuja, a demandé aux candidats à l’élection présidentielle d’apaiser les esprits pour éviter des violences électorales. Le Département d’Etat américain s’est, lui, dit inquiet, mardi, devant « l’importante escalade » de la violence dans le pays. « Le massacre récent est un crime contre l’humanité, et pas autre chose. C’est le massacre atroce d’innocents », a commenté le chef de la diplomatie américaine John Kerry.
Source: http://www.lejdd.fr/International/Afrique/Nigeria-Boko-Haram-raye-de-la-carte-des-villes-entieres-712818
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