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[ACTUALITÉ] LEE DANIELS: « EMPIRE, C’EST MON EXPÉRIENCE DE NOIR EN AMÉRIQUE »

Le producteur et réalisateur Lee Daniels (“Precious”, “Le Majordome”) est venu présenter sa série “Empire” au festival Séries Mania.

Soap opera situé dans le milieu du hip-hop, Empire a été le plus gros succès de ce début d’année outre-Atlantique. En progression permanente dans les audiences (jusqu’à dépasser les 15 millions de téléspectateurs hebdomadaires), la série de la Fox met en scène Lucious Lyon, un producteur star atteint d’une maladie incurable. Ses trois enfants (Andre l’homme d’affaires, Hakeem le rappeur incontrôlable, Jamal le compositeur génial et gay) et son ex-épouse Cookie (qui a passé dix-sept ans en prison pendant qu’il s’enrichissait) vont devoir se partager son empire (Empire est aussi le nom de sa maison de disques).

Une série excessive, très librement inspirée du Roi Lear deShakespeare, bourrée de rebondissements impossibles et de personnages poussifs, mise en musique par Timbaland et cocréée par Lee Daniels. Le réalisateur de Precious et duMajordome était l’invité de Séries Mania, le festival des séries du Forum des images, à Paris. Nous l’avons rencontré.

Après son succès historique, Empire a été massivement analysée par la presse américaine. Avez-vous jeté un coup d’œil à ce qui a pu être dit ?

Tout ce qu’on écrit sur moi me fait du mal. Je suis comme Jamal dans la série, ce gosse qu’on jette dans une poubelle. Mon père m’a appris très tôt à me souvenir de ce que je suis : un Noir américain et un gay. C’est-à-dire personne.

En quoi Empire est-elle à votre image ?

Cette histoire est largement influencée par ma vie, et par ce que je pense être mon expérience de Noir en Amérique. Elle n’est pas seulement à mon image, elle est aussi le fruit de la réflexion et du travail de Danny Strong, son co-créateur – blanc et organisé, tout mon contraire. Nous étions sur le tournage du Majordome, qu’il a coécrit, et nous nous demandions comment parler des Etats-Unis de l’ère Obama. C’est une histoire sérieuse, mais comme toujours je m’applique à la raconter en m’amusant, en multipliant les clins d’œil au public. Si je suis trop sérieux, je vais déprimer, replonger, redevenir toxicomane. Alors j’essaye de rire de ma propre vie. Et de la situation des Afro-Américains, qui est dramatique.

Empire serait une série politique, autant qu’une œuvre intimiste ?

Il y est question d’une famille noire, mais avant tout du rêve américain dans sa globalité. Lucious Lyon a gagné sa vie en vendant de la drogue avant de devenir une star de la musique… tout comme Jo Kennedy (le père de la famille Kennedy, NDLR) s’est enrichi dans la contrebande d’alcool. Le rêve américain est un combat, il repose sur la capacité de chacun à survivre. Mon père a fait ce qu’il fallait pour que nous puissions manger. J’ai moi-même fait des choses inavouables pour m’en sortir. Gamin, je vivais dans les rues les plus dangereuses. A 5 ans, j’ai vu mon meilleur ami prendre une balle perdue. Plus tard, dans les années 1980, mes proches sont presque tous morts du sida. C’est un miracle que je sois encore en vie. Empire mêle mon expérience et ce qu’elle dit du rêve américain.

C’est une histoire terrible ! Pourquoi en avoir fait un soap haut en couleurs ? Pourquoi pas une série dramatique comme The Wire, réaliste et crue ?

Parce que ce n’est pas moi ! Je ne veux pas être sérieux ! Je veux inviter les téléspectateurs à s’asseoir, à prendre un verre de vin, et à passer un bon moment grâce à ma terrible histoire. Je veux que tous leurs sens soient secoués par Empire, qu’ils aient peur, qu’ils soient choqués, que leurs souffrances et leur tristesse remontent à la surface. Malgré tout le drame, toutes les exagérations du soap, il y a toujours quelque chose de vrai dans mes histoires. A chacun de les lire comme bon lui semble. Precious, par exemple, a d’abord été projeté à Harlem. Les Noirs y ont vu une comédie sur quelque chose de familier. Plus tard, à Sundance, une foule de Blancs en a parlé comme d’une œuvre d’art complexe, et un drame absolu !

Pourquoi avoir choisi pour toile de fond le monde de la musique ?

Parce que je suis homo et que donc j’aime les comédies musicales (rires) ! Ceci étant dit, je ne voulais pas qu’Empire soit à proprement parler une comédie musicale. Je voulais quelque chose de plus honnête, de plus franc. Cette envie de musical m’est venue le soir des Oscars, où Precious avait été nominé sans succès (en 2009, NDLR). J’étais de retour au Chateau Marmont, après la cérémonie, et j’ai découvert ce que mes enfants regardaient à la télévision. C’était Glee, c’était super, et c’était ce que je voulais faire.

Et donc, vous avez choisi de situer votre intrigue dans le milieu du rap… qui s’illustre souvent par son homophobie !

Je voulais justement m’en prendre à lui. J’aurais pu raconter une histoire à Broadway, mais je me serais ennuyé. En imaginant une intrigue dans le milieu du hip-hop, je peux mettre le doigt sur une vraie problématique, grave, qui fait beaucoup de mal aux homosexuels. Gamin, j’ai été sans cesse agressé, menacé, maltraité pour ce que j’étais. Le personnage de Jamal, dans Empire, me permet d’illustrer cela, dans une industrie musicale qui s’en prend souvent aux gays.

Un mot sur une dernière influence clef pour vous : Shakespeare. Un nom qu’il est chic de citer, ou un authentique modèle ?

Un modèle tout ce qu’il y a de plus sérieux. Shakespeare est le conteur ultime. Il est la raison pour laquelle nous sommes ici. Il vit en moi, il est dans tout ce que je fais. Je n’ai pas eu à relire Le Roi Lear, Le Roi Lear est venu à moi. Empire en est une sorte de copié-collé instinctif, avec les idées de Shakespeare, ses trouvailles, adaptées naturellement à mon univers.

Source:

http://www.telerama.fr/series-tv/lee-daniels-empire-c-est-mon-experience-de-noir-en-amerique,125596.php

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