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[ACTUALITÉ] GÉNOCIDE RWANDAIS : VERS LA LEVÉE DU SECRET DÉFENSE EN FRANCE ?

C‘est une première. Jusqu’à présent, aucun responsable politique de l’époque n’avait souhaité s’exprimer sur le rôle de la France durant le massacre des Tutsis au Rwanda. Mais François Léotard, ministre de la Défense responsable de l’opération Turquoise au Rwanda en 1994, est désormais prêt à faire toute la lumière : « Je suis disposé à ce que tous les documents soient publiés. » Lors d’un colloque organisé, lundi, au Sénat par l’association Remembrance forum France (RBF France-Forum de la mémoire), il a même proposé « un deal » à Bernard Kouchner, l’ancien président de MSF, à l’époque député européen : « Nous irons ensemble chez Le Drian pour demander la levée du secret défense sur le Rwanda. »

Durant la conférence, François Léotard a aussi expliqué : « Je n’ai aucun regret par rapport à l’opération Turquoise. On a choisi le camp des représentants légaux du Rwanda, soit 84 % de la population. Nous ne soutenions pas un homme, mais un principe de stabilité. On ne voulait pas mettre le feu à toute la région des Grands Lacs. » L’ancien ministre a même indiqué à plusieurs reprises refuser de présenter ses excuses.

Une pétition de 7 000 signatures

Mais l’intervention de François Léotard n’a pas convaincu les associations de défense des victimes. Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), n’est pas surpris du discours de l’ancien ministre : « Léotard campe sur ses positions. Il a fallu cinquante ans avant qu’un président, Jacques Chirac, admette que la France avait participé à la déportation des juifs. Là encore, on se dirige vers des excuses trop tardives », rappelle ce militant à l’origine de nombreux procès contre des génocidaires. « Il semble que ce soit une tradition française de ne pas admettre les erreurs passées et de se dédouaner de ses responsabilités. » Concernant l’ouverture des archives, Alain Gauthier souhaite que « l’engagement de M. Léotard ne reste pas lettre morte ». « Avec les autres associations, on va se permettre de le lui rappeler dès la rentrée. »

Outre le CPCR, Survie, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) réclament depuis de nombreuses années la levée du secret défense sur les documents relatifs à cette période. Ces ONG ont, d’ailleurs, lancé une pétition en ligne qui recueille actuellement près de 7 000 signatures.

Cette demande de déclassification s’était intensifiée en avril à l’occasion du 20e anniversaire des tueries. Paul Kagamé, le président rwandais, avait dénoncé alors, dans une interview publiée dans Jeune Afrique, le « rôle direct » de la France dans « la préparation politique du génocide » et avait accusé l’armée française non seulement d’avoir été « complice » des massacres, mais également « actrice ». Ces propos avaient provoqué une nouvelle crispation de la relation franco-rwandaise.

Transparence exemplaire du ministère de la Défense

Quelles sont les zones d’ombre de l’intervention française au Rwanda ? L’ouverture des archives permettrait, selon les associations, de faire la lumière sur l’opération Turquoise (fin juin à fin août 1994), au cours de laquelle l’armée française, sous mandat de l’ONU, avait été chargée de former une zone humanitaire sûre (ZHS) au Rwanda. « Le ministère de la Défense a fait preuve d’une transparence exemplaire. (…) Ce sont plus de 1 100 documents qui ont déjà été déclassifiés », avait déclaré le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian lors d’un message aux armées le 11 avril. Mais les rescapés s’interrogent notamment sur l’absence d’un rapport écrit par les militaires français qui se sont rendus sur les lieux du crash de l’avion du président Habyarimana.

Les télégrammes concernant l’évacuation du personnel de l’ambassade française de Kigali au début des tueries ont également tous disparu. Les troupes françaises sont accusées d’avoir évacué des ressortissants européens, quelques dignitaires hutus, mais pas le personnel tutsi de l’ambassade qui a été, par la suite, massacré.

Mais c’est surtout sur les massacres de la région de Bisesero (ouest), haut lieu de résistance tutsi, que les associations demandent des informations. Selon elles, les militaires français qui se sont rendus le 27 juin 1994 dans cette zone ont pu observer les événements de près et ne sont intervenus pour aider les réfugiés tutsis que le 30 juin. Un délai de trois jours au cours duquel des centaines de personnes ont été massacrées.

La France n’a pas remis en cause cette aide

Autre élément qui demande à être éclairci : la livraison d’armes par Paris aux forces génocidaires. Dès le début des années 1990, la France a envoyé, à la demande du président Habyarimana, des renforts militaires à la suite de l’offensive du Front patriotique rwandais dans le nord-ouest du pays, à la frontière avec l’Ouganda. Pendant cette période, les militaires français ont conseillé et formé les forces rwandaises en raison d’un accord de coopération entre les deux pays établi en 1975. Mais, malgré les dérives progressives du gouvernement de Habyarimana, la France n’a pas remis en cause cette aide.

Bernard Kouchner, cofondateur de Médecins du monde, et Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, ont ainsi admis que Paris avait livré des armes jusqu’en août 1994 au gouvernement rwandais, alors qu’un embargo avait été décrété le 17 mai par l’ONU.

Plus récemment, dans une interview à France Culture, un ancien officier de l’opération Turquoise, Guillaume Ancel, a indiqué que, vers la mi-juillet, « des dizaines de milliers d’armes » avaient été confisquées dans la zone humanitaire et rendues à des forces armées génocidaires. Vingt ans après le génocide, les zones d’ombre autour de l’action française au Rwanda restent donc considérables.

Source : http://www.lepoint.fr/afrique/actualites/rwanda-vers-la-levee-du-secret-defense-en-france-05-07-2014-1843545_2031.php

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