Le retour du train offre aux populations de l’intérieur de l’Angola de nouveaux moyens de subsistance grâce à l’essor du commerce. Symbole de la renaissance d’un pays, le chemin de fer pourrait à l’avenir être un outil de son développement.
« Le train a un succès fou. Les wagons sont pleins à craquer et, à chaque station, une foule nous attend de pied ferme. » Ce matin-là, c’est Manuel Dominic, un Angolais d’une soixantaine d’années, qui conduit l’engin. À l’aube, il a quitté la gare de Lobito, une ville à 500 kilomètres au sud de la capitale de l’Angola, Luanda, et située au bord de l’océan Atlantique. Le soir, il sera à 300 kilomètres à l’intérieur des terres, à Huambo, et, deux jours plus tard, à l’autre bout du pays, à Luau, près de la frontière avec la République démocratique du Congo.
Durant tout le trajet, une même agitation marque chaque entrée en gare : les vendeurs locaux se bousculent pour proposer légumes, poulet frit et boissons aux voyageurs. « Le train permet de faire du commerce et de transporter toute sorte de marchandises vers l’est du pays », explique le conducteur.
UNE « BOUFFÉE D’AIR FRAIS » POUR LA POPULATION
S’il est autant plébiscité, c’est aussi parce qu’il a repris du service récemment, après une longue interruption. Pays de 24 millions d’habitants grand comme deux fois et demie la France, l’Angola a connu une violente guerre civile entre 1975 et 2002. Les voies ferrées, construites à l’époque coloniale et très fréquentées jusqu’au début du conflit, ont été entièrement détruites.
La ligne Lobito-Luau, appelée chemin de fer de Benguela, a dû s’arrêter en 1992 alors que la rébellion de l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) multipliait les attaques d’infrastructures pour affaiblir les forces gouvernementales du MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola).
« Les provinces du centre et de l’est se sont retrouvées isolées, quasiment coupées du reste du pays pendant des années », se souvient Manuel Dominic, employé de la compagnie de chemin de fer depuis plus de trente ans. « Le retour du train est une véritable bouffée d’air frais pour toute une population », souligne Amandio, un habitant de Luena, capitale de la province de Moxico, à l’est du pays.
LA RENAISSANCE D’UN PAYS
La remise en état du chemin de fer illustre plus globalement la renaissance de toute une nation. « C’est le symbole d’une nouvelle Angola, d’un pays qui en a fini avec la guerre, veut vivre en paix et se développer », affirme Graciano, croisé à la gare de Huambo. Depuis la fin du conflit en 2002, l’Angola a mené une impressionnante reconstruction de ses infrastructures, grâce à ses importantes ressources pétrolières.
Routes, aéroports et villes nouvelles se sont multipliés. La réhabilitation de la ligne Lobito-Luau a constitué à elle seule un travail de titan : 1 344 kilomètres de voie, 107 gares et 35 ponts ont été reconstruits ou rénovés. Et deux autres lignes, l’une au nord, l’autre au sud, ont aussi été remises en service.
LA CHINE, ACTEUR DE LA RECONSTRUCTION
Les travaux ont été entièrement réalisés par deux principales sociétés chinoises, China Railway 20 Bureau Group Corporation et China International Fund. Au sortir de la guerre, les pays occidentaux ont rechigné à aider un pays riche de son pétrole et marqué par la corruption, à l’opposé de Pékin. « À l’époque, ni les Européens ni les Américains n’ont voulu soutenir le projet, rappelle José Carlos Gomes, à la tête du chemin de fer de Benguela. Le seul pays qui a répondu présent, c’est la Chine. Et elle est venue en force. » Le coût du projet Lobito-Luau est ainsi estimé à 1,5 milliard de dollars (1,25 milliard d’euros), financé par des prêts chinois gagés sur le pétrole angolais et par l’investissement public.
« Aujourd’hui, qui sont les grands gagnants ?, interroge José Carlos Gomes. Le peuple angolais, mais aussi l’Europe et les États-Unis, qui vont pouvoir utiliser le train pour transporter des minerais et alimenter leur industrie. » Car, à terme, l’ambition des autorités angolaises est de connecter le réseau national à ceux des pays voisins pour développer le trafic au niveau continental.
ASSURER LA MAINTENANCE
À l’heure actuelle, le train se limite au transport de passagers et de fret en interne. Pour retrouver sa splendeur d’antan, lorsqu’il convoyait 4 millions de personnes et 20 millions de tonnes de marchandises par an, il doit gagner en vitesse (50 km/h en moyenne aujourd’hui) et en ponctualité afin d’augmenter la fréquence des liaisons.
Dernier impératif, réussir à assurer la maintenance des voies et des locomotives, ce qui suppose un transfert de compétences entre les travailleurs chinois et angolais, un processus très délicat.
En attendant, le train a d’ores et déjà gagné sa première bataille, reconquérir le territoire et redonner de l’espoir.
Source :
http://africasunu.com/langola-renoue-avec-le-train/
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