C‘est un sérieux coup de canif dans l’image « responsable » affichée par Areva : l’ONG Sherpa a annoncé, mardi 18 décembre, qu’elle mettait fin à son partenariat avec le groupe nucléaire français pour la mise en place d’un observatoire de la santé autour des sites miniers où il exploite l’uranium au Niger et au Gabon, estimant que l’entreprise en fait aujourd’hui uniquement une « opération de communication ».
En juin 2009, après deux ans de négociations, Areva et les ONG Sherpa et Médecins du Monde avaient signé un accord à l’ambition inédite : créer des structures médicales permettant de suivre l’impact des activités d’extraction d’uranium sur la santé des travailleurs et des populations vivant à proximité des mines, et notamment le risque lié aux radiations.
Ce partenariat faisait suite à des études alarmistes menées depuis 2003 par des ONG locales, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) et l’association de juristes Sherpa. D’après ces travaux, l’exploitation d’uranium par Areva dans les mines d’Arlit, au Niger, et de Mounana, au Gabon, donnait lieu à un « désastre sanitaire et environnemental ». Des niveaux de radioactivité élevés sont alors mesurés dans l’eau, dans les sols ; des déchets radioactifs sont découverts à l’air libre non loin des habitations ; le manque d’équipements de protection et de suivi des travailleurs est pointé du doigt.
C’est à la suite de ces rapports qu’Areva avait approché les ONG pour mettre sur pied ces observatoires de la santé, censés garantir le respect des normes de protection des salariés et des populations voisines des mines. Trois ans et demi plus tard, Sherpa tire donc de cette expérience un constat d’échec.
« L’association Sherpa a pris acte avec regret du fait que la nouvelle direction d’Areva avait réduit pour l’essentiel l’exécution des accords à une opération de communication, sinon d’affichage », explique l’ONG dans un communiqué. « L’arrivée de Luc Oursel à la tête du groupe a correspondu à un changement de la culture de l’entreprise en termes de développement durable et, par conséquent, à la remise en cause de la capacité d’Areva de respecter la lettre et l’esprit des accords de 2009 », ajoute-t-elle.
Sherpa reconnaît que ces accords « ont pu favoriser le suivi médical de plus de 700 travailleurs africains », mais estime « incompréhensible et inacceptable que le processus d’indemnisation, s’il a bénéficié à deux familles d’expatriés français (ce qui est notoirement insuffisant), n’ait bénéficié à aucun travailleur nigérien ou gabonais alors même que la situation médicale de plus d’une centaine d’entre eux a été examinée ». Les ONG locales avaient alerté, au début des années 2000, sur la multiplication des cas de tuberculose, de leucémies, de cancers des os et des poumons. Areva avait été condamné en mai 2012 après la mort par cancer d’un ex-salarié d’une mine d’uranium.
Autre point de discorde : la décontamination « en panne » du site de Mounana, promise par la précédente dirigeante d’Areva, Anne Lauvergeon. « Elle n’a été effectuée que partiellement et de façon très insatisfaisante, de sorte que les populations riveraines sont toujours soumises aux risques d’irradiation », estime Sherpa.
Informé de la décision de Sherpa, Areva a fait part de son « incompréhension ». Le groupe « maintient son engagement dans le dispositif », qui reste « une première dans le monde minier ». Areva rappelle ainsi que les observatoires de santé n’ont été mis en pace que fin 2010 au Gabon et fin 2011 au Niger, permettant « à plus de 800 anciens salariés de bénéficier d’examens médicaux par des médecins indépendants (visite médicale comportant un examen médical, une radiographie pulmonaire, un examen biologique) ».
Source : lemonde.fr
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