« Vas-y les manifs, ça sert à rien ! ». Qui n’a pas déjà entendu ça autour de lui ? Le but n’est pas d’user les semelles de ses Reebock Pump, ni même de gueuler à qui mieux mieux des slogans pétés, encore moins de traîner dehors à tchatcher des manifestantes charmantes. Le but n’est pas de s’insérer dans un défouloir de bougs colériques friands de confrontations virils avec des CRS ventrus…L’objectif de ces marches et protestations est d’être des moyens d’éducation politique et de « conscientisation » de la masse africaine. C’est d’utiliser un espace de liberté pour pouvoir amener la diffusion de nos idées de changement.
C’est l’un des rares moments où la sphère militante peut rentrer directement en contact avec le peuple au travers de tracts, de banderoles, de discussions aléatoires, de T-shirts…afin de balancer un message de liberté, de dignité et d’organisation. Comme le disait si bien le Black Panther Party : « si le peuple ne vient pas au parti alors le parti ira au peuple ». Or où peut-on rencontrer la masse nègre ? Dans la rue…Parce que la rue restera la rue qu’on le veuille ou non.
Les Noirs continueront à vagabonder près de la fontaine de Châtelet quand il fait chaud, les daronnes continueront à faire leurs courses à Château Rouge, les darons continueront à discuter politique en bas des immeubles, les sista continueront à se faire poser les ongles à Château d’eau…Le pauvre aime à être dehors donc c’est là qu’on peut et qu’on doit le tchecker.
Les manifs galsen, ivory, zaza (pour ne citer qu’elles) qui se sont déroulées l’an dernier ont été des moments importants dans la vie de la diaspora. Les pessimistes vont minimiser leurs effets…Et nous entendons leurs critiques et les comprenons. Certains diront qu’elles n’ont pas conduit à un changement effectif, ou qu’elles étaient ridicules, mal organisées. Cependant, elles ont eu le mérite de regrouper des milliers de Noirs autour d’une vision commune…Certes floue…mais commune.
Ces démonstrations ont permis de consolider l’esprit d’appartenance à un groupe. Nous avons pu entendre des jeunes filles parler du Congo et dire des trucs du genre: « Je ne suis jamais allé au pays mais je suis congolaise et je veux que mon pays redevienne indépendant ». Nous avons vu des vieilles mamas hardcores maudire la bourgeoisie africaine de toutes leurs forces d’hypertendues. Nous avons vu des jeunes scander que « la guerre sera longue et populaire », nous avons vu des darons raconter fièrement l’histoire de l’Afrique…Et tout ça, c’était dans la rue avec les travailleurs, les chômeurs, les jeunes, les vieux, les clairs, les foncés, les intellos, les manuels, les sappeurs, les mal sappés…
Quand il y a réunion de famille, il y a réunion de famille. C’est une mort collective qui nous frappe, c’est donc un deuil collectif dont nous avons besoin. Nous avons besoin de pleurer nos cadavres, de chanter notre détermination, de danser nos aspirations, de crier notre colère. On a besoin de faire ça ensemble…Non pas pour autrui…Mais bel et bien pour nous même. Nous ne devons pas sortir avec le seul espoir de secouer le système pour le voir tout vomir sur ses pompes (ça n’arrivera pas via les seules manifestations). Nous devons sortir avec l’idée de nous sentir être un groupe réel, d’informer et d’élever le débat.
Vous savez ce qu’il manquait aux manifestations de ces derniers mois ? Il manquait « nous ». Il manquait souvent les panafricains révolutionnaires ou les internationalistes africains ou peu importe le nom donné mais nous avons failli à notre mission (si tant est que nous considérions en avoir une). Les opportunistes séducteurs ont comblé le vide. Ces agitateurs sont venus parfois seulement avec l’intention de se montrer et d’assouvir, à l’occaz, des objectifs personnels. Nous n’avons pas assez éduqué les nôtres en leur expliquant le rôle du néocolonialisme, le rôle de la Banque Mondiale, du FCFA…Nous n’avons pas assez tracté. Nous n’avons pas assez organisé. Nous n’avons pas assez recueilli les doléances des gens. Nous sommes parfois restés sourds et étrangers à ces soulèvements de base spontanés et sincères.
Vous connaissez tous les paroles salvatrices de Gill Scott Heron « la révolution ne sera pas télévisée »…Nous ajouterons qu’elle ne sera pas non plus facebookisée. Elle sera dans chaque personne de la rue et nous l’acquerrons au profit de la liberté des peuples opprimés.
Car dans le fond, cette résistance est faite pourquoi ? Libérer la masse populaire africaine partout où elle se trouve sur le globe. Faire en sorte qu’elle récupère sa dignité humaine. La faire jouir de son autodétermination. Mais pour arriver à ces notions nobles, il faut que cette même masse soit consciente du système qui la brime et l’avilit. L’avant-garde du changement a le pouvoir d’apporter certaines pistes et d’organiser le groupe en fonction de ces dernières. Il faut alors que ces propositions de sorties de crises soient débattues et transmises de façon désintéressée et totalement accessible pour tous et toutes.
Quel meilleur endroit que la rue ?
Quel meilleur moment que lors des manifestations ?
PS : Les manifestations ne sont en aucun cas des fins en soi. Elles doivent être couplées d’autres actions significatives dans la diaspora notamment MAIS SURTOUT en Afrique. Alors le mot d’ordre reste et restera toujours « BACK TO AFRIKA ».
Image d’illustration : Des manifestants congolais à Bruxelles (Belgique) qui protestent contre les résultats des élections partielles du 28 Novembre 2011, suite à des fraudes constatées.
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