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[SOCIÉTÉ] LES SAPEURS CONGOLAIS S’HABILLENT DÉSORMAIS ÉCOLO

Quand on évoque la Sape – le fameux mouvement de mode congolais Société des ambianceurs et des personnes élégantes – on sort les griffes : Vuitton, Yamamoto, Cerruti, Gaultier, Versace… Seulement, de plus en plus, on vante des marques de prêt-à-porter et certains créent même leur propre ligne, comme Bwapwa « Kadhitoza » Kumeso, qui joue sur un système de pressions dans ses créations.

Cédrick Mbengi, lui, a choisi le papier après un rêve saisissant où il se voyait drapé dans cette étoffe « comme les autres ». Au départ, les passants et les autres sapeurs se sont montrés interloqués, quand ils ne s’inquiétaient pas de la santé mentale du frigoriste de 24 ans. « Se présenter avec des vêtements en papier, c’est bizarre, vraiment ! », concède Ronald Minuku, qui a encadré et assuré la promotion du jeune homme.

Tout puiser dans la nature

Bizarre, mais séduisant. D’autant que la démarche vise en partie à célébrer les richesses de la nature : le papier provient des arbres, et la République démocratique du Congo fait office de deuxième poumon vert de la planète, après la forêt amazonienne. Une réserve chaque jour menacée par la déforestation artisanale, menée par des civils et des hommes armés, ou industrielle, pilotée par les firmes internationales.

Cédrick Mbengi porte du papier généralement utilisé pour emballer des arachides ou encore des brochettes. Il est plutôt solide mais il s’imbibe de sueur lors des spectacles, avant de se déchirer. Bilan : comme les mouchoirs, les vêtements en papier sont à « usage unique », regrette 100 % Papier, qui dessine ses modèles de pantalon, veste, salopette ou chapeau et customise le produit fini à coups de feutre.

Loin de l’univers de la Sape, l’artiste peintre Eddy Masumbuku, 50 ans, fabrique des vêtements en tiges de bambou. « J’ai commencé en 2001. (…) J’ai fait d’abord un sac, puis j’ai développé l’idée, et j’ai commencé à faire des habits. » Un travail difficile : pour confectionner un gilet sans manches, il faut couper des dizaines de petits cylindres de bambous et les monter avec des fils de pêche. Soit deux semaines de labeur.

Eddy Masumbuku portant un gilet en bambou, une de ses créations.

Le jeu en vaut la chandelle. La majeure partie de ses créations (pantalon, gilet, manteau, cravate, chapeau…), qui mêlent parfois bambou et tissu, ont été envoyées à Paris avec celles de 100 % Papier pour l’exposition « Le bord des mondes », organisée du 18 février au 17 mai, au Palais de Tokyo, avec l’aide du collectif congolais Solidarité des artistes pour le développement intégral (Sadi).

Engagement éthique et solidaire

« Cette exposition est juste pour montrer une certaine créativité autour de ce mouvement, de ce phénomène, montrer toute cette implication sociale et même écologique dans un objectif de monde meilleur. C’est vraiment exhiber une expression qui a un impact social. C’est un travail d’intérêt général. Cela peut résonner partout dans le monde », commente Yves Sambou, du collectif Sadi, qui se rendra à Paris. Car l’initiative d’Eddy Masumbuku – dont les vêtements se lavent avec de l’eau et du savon – ne vise pas qu’à sortir des sentiers battus.

« J’ai découvert que le bambou a de grandes propriétés : leurs racines retiennent la terre et permettent d’aider les gens là où il y a des érosions » causées par les pluies diluviennes qui, en saison des pluies, provoquent des glissements de terrain. « Le bambou donne la vie là où il n’y a pas la vie. »

Son jeune compatriote Meni Mbugha, 33 ans, utilise quant à lui souvent un dérivé du lin pour sa marque, Vivuya (beauté, en langue nande). Sa touche écologique tient au choix de ses pigments, noirs et rouges, issus de plantes couvées par les forêts congolaises. Des pigments qu’il a découverts grâce à son appétit pour l’art pictural ancestral des Pygmées, un peuple de chasseurs-cueilleurs d’Afrique centrale.

Le style Mbeni fait apparaître des symboles ethniques dans ses créations.

Sa première collection inspirée de cet art avait fait sensation lors de la Kinshasa Fashion Week 2013. Un bon tremplin pour lancer son combat en faveur des Pygmées, victimes de stigmatisation et d’exploitation de la part des autres ethnies, dites « bantoues ». Il a ainsi conceptualisé le projet Ndura (forêt, en kibila) qui, espère-t-il, lui permettra de doper le « côté éthique et solidaire » de son engagement.

Le principe ? « Nous voulons que les autochtones pygmées [de la forêt] d’Epulu (nord-est) qui savent peindre sur des écorces, puissent le faire sur du tissu d’habillement ou d’ameublement. Ce qui nous permettra de faire évoluer le savoir traditionnel des Pygmées avec une méthode moderne mais qui ne tuera pas leur culture. » L’idéal serait de monter un atelier textile au cœur d’Epulu.

Source :  http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/02/06/les-sapeurs-congolais-s-habillent-desormais-ecolo_4571484_3212.html#hQDFFtRObYZtWo0f.99

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