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QUAND LA FRANCE VOULAIT DIVISER LE NIGERIA ET S’EMPARER DU PÉTROLE DU BIAFRA

La guerre du Biafra ou guerre civile du Nigeria est un conflit civil, qui a eu lieu du 6 juillet 1967 au 15 janvier 1970. Elle commence avec la sécession de la région orientale du Nigeria, qui s’auto-proclame République du Biafra sous la direction du colonel Odumegwu Emeka Ojukwu. À la suite du blocus terrestre et maritime du Biafra par les troupes gouvernementales, la région est plongée dans la famine, ce qui entraînera, selon les estimations, la mort d’un à deux millions de personnes.

La guerre du Biafra est largement médiatisée sur la scène internationale, alors même que le photojournalisme est en plein essor et expose aux populations occidentales le dénuement du Tiers monde. Cette guerre voit également une modification de l’aide humanitaire qui, utilisant la médiatisation intense du conflit, prone une ingérence directe pour venir en aide aux réfugiés. Elle aura pour conséquence la création de l’ONG Médecins sans frontières en 1971.

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Causes

Ex-colonie britannique, le Nigeria, qui prend son indépendance en 1960, est alors peuplé d’environ quarante millions d’habitants, population supérieure à celle de l’ensemble des États africains francophones nouvellement indépendants.
Sa population est divisée en 250 ethnies

dont trois principales, les Haoussas, les plus nombreux, majoritairement musulmans et vivants au Nord ; les Yorubas, musulmans et chrétiens vivant à l’Ouest et au Sud-Ouest ; et les Ibos (ou Igbos), majoritairement chrétiens et animistes, qui vivent au Sud-Est et détiennent la majorité des postes dans l’administration et les commerces. Largement christianisés et alphabétisés par les missionnaires, les Ibos avaient en effet été favorisés par l’administration britannique qui séparait ainsi les forces du pays pour mieux asseoir sa domination. De plus, la plupart des mines de charbon et des réserves de pétrole du pays étaient situées à l’est du delta du Niger, où vit la majorité des Ibos. De 1960 à 1966, les deux partis politiques Haoussa et Ibo s’allient pour diriger le Nigeria, excluant de fait les Yorubas. Les autres ethnies se sentant lésées à différents niveaux, elles s’opposent aux Ibos et les tensions montent jusqu’à atteindre leur paroxysme en 1966.

Les Yorubas soutenaient jusqu’alors un parti réformiste à tendance progressiste, opposé au bloc conservateur des musulmans du Nord, l’Action Group. Ils menèrent alors un coup d’État qui conduisit à la formation d’un parti Yoruba plus conservateur, le NNDP, et à une alliance avec les Haoussas. Les composantes de cette nouvelle alliance politique exclurent les Igbos du pouvoir et les menacèrent de leur confisquer leurs richesses, tirées notamment du pétrole.

Lors des élections de 1965, l’Alliance nationale nigériane (Nigerian National Alliance) des Haoussas, alliée aux membres conservateurs Yorubas, s’opposait à la Grande Alliance progressiste unie (United Progressive Grand Alliance ou UPGA) Igbo, alliée aux membres progressistes Yoruba. L’Alliance nationale nigériane, menée par Sir Abubakar Tafawa Balewa, remporta la victoire avec une écrasante majorité, qui fut néanmoins entachée par des soupçons de fraude électorale massive[réf. nécessaire]. Des officiers Igbos à tendance gauchisante renversèrent alors le gouvernement et placèrent le général Johnson Aguiyi-Ironsi à la tête de l’État le 15 janvier 1966. Ironsi met fin le 24 mai 1966 au fédéralisme et renforce la domination de la capitale, mais les tensions s’attisent dans le pays.
Une rébellion anti-Ibos éclate dans le Nord, déclenchant un exode massif vers la province de l’Est. Selon Jean Guisnel, « les massacres provoquent plus de 30 000 morts jusqu’en octobre ».

Ironsi est assassiné le 29 juillet 1966, et un autre coup d’État instaure un gouvernement fédéral militaire. La junte, en majorité musulmane, place à la tête de l’État un chrétien, le général Yakubu Gowon, avec pour mission de rétablir la paix dans le pays et un régime civil à son gouvernement. Mais dans le Nord du pays, en majorité peuplé de musulmans, des persécutions et des pogroms sont perpétrés sur des Igbos, ethnie chrétienne, malgré les tentatives de Lagos de ramener le calme.
Le général Gowon modifie les structures administratives du pays, ce qui suscite l’opposition des Ibos, qui perdent le pétrole, qui est présent principalement à l’est du Delta, et est l’objet d’exploitations par les compagnies britanniques Shell et British Petroleum (BP).
Odumegwu Emeka Ojukwu, le gouverneur militaire de la région de l’Est, fief des Igbos, refuse alors de reconnaître l’autorité de Yakubu Gowon et la tension monte entre chrétiens et musulmans, plaçant le pays au bord de la guerre civile. En janvier 1967, l’accord d’Aburi est proposé au Nigeria au terme d’une médiation ghanéenne. Il prévoit l’abandon de la division du pays en régions afin d’instaurer une République fédérale composée de douze États. Le général Gowon propose de son côté un nouveau découpage administratif qui aurait privé les Igbos de la grande partie des ressources pétrolières. Ojukwu rejette ces propositions et déclare que tous les revenus générés dans la région de l’Est seront réquisitionnés par le gouvernorat en termes de réparation au coût du déplacement des dizaines de milliers d’Igbos fuyant le Nord.

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Debuts du conflit

Le 26 mai 1967, le Conseil consultatif de la région de l’Est vote la sécession de la région Le 30 mai, Ojukwu proclame l’indépendance de la région, qui prend le nom de République du Biafra, avec Aba, puis Enugu pour capitale. L’armée biafraise compte alors environ 100 000 hommes. L’état d’urgence décrété au Nigeria le 26 mai 1967 permet d’instaurer des mesures policières visant à reprendre le contrôle du Biafra mais sans grand succès.

Le Biafra détenant les deux-tiers des réserves de pétrole, Ojukwu s’approprie le dernier tiers en traversant le Niger et en envahissant la région du Centre-Ouest, où se constitue une éphémère République du Bénin, avec Benin City pour capitale (à ne pas confondre avec le Bénin, qui correspond à l’ancien Dahomey). En représailles des actions armées du gouvernement nigérian, l’armée du Biafra pousse ses incursions jusqu’à Lagos, la capitale du Nigeria.

L’armée fédérale engage alors les hostilités et prend peu à peu le contrôle des principales villes, tandis que le territoire du Biafra se réduit au fil des mois comme une peau de chagrin : Ogoja, Nsukka et l’île de Bonny tombent dès le 30 mai 1967, Enugu le 28 septembre 1967 (capitale transférée à Umuahia), Port Harcourt et ses champs pétrolifères le 24 mai 1968, Umuahia le 22 avril 1969 (capitale transférée à Owerri) et finalement Owerri le 9 janvier 1970.

Avec la chute de Port Harcourt le 24 mai 1968, le Biafra se trouva définitivement privé d’un accès à l’océan Atlantique. La stratégie d’étouffement des poches de résistance biafraise par l’armée nigériane conduisait irrémédiablement à l’écrasement sanglant de la révolte.

Le Nigeria est l’un des pays à protester vivement contre le troisième essai nucléaire français, Gerboise rouge, effectué le 27 décembre 1960 à Reggane, au Sahara algérien. Lagos expulse alors l’ambassadeur de France Raymond Offroy et interdit aux avions et aux navires français de toucher son sol, provoquant la colère de de Gaulle et de Pierre Messmer, alors ministre des Armées. Quarante ans plus tard, ce dernier déclare :

« Je ne pardonnais pas [au Nigéria] son attitude après nos tirs nucléaires à Reggane. Ça permettait [le soutien au Biafra] de lui faire payer ! Il avait été à la fois provocant et ridicule. Provocant, en essayant de soulever les gouvernements africains contre les tirs nucléaires français. Et ridicule en disant : « Nous Nigéria, nous aurons la bombe atomique. » Ce sont des grotesques. Je ne leur ai pas pardonné. »

La France joue un rôle majeur dans ce conflit :

Dès le début, de Gaulle avait indiqué à son émissaire Jacques Foccart qu’il souhaitait affaiblir le « géant nigérian »
Foccart écrira trente ans plus tard : « De mon point de vue, le Nigéria était un pays démesuré par rapport à ceux que nous connaissions bien et qui faisait planer sur ceux-ci une ombre inquiétante »
Le gaulliste Yves Guena déclarait pour sa part en parlant du Nigéria et du Ghana : « Même sans parler en termes militaires, que pèserait une poussière d’États francophones devant ces deux puissances ? »
Selon son récit, de Gaulle donne carte blanche à Foccart pour qu’il « aide la Côte d’Ivoire à aider le Biafra »
L’État français finance l’opération. De Gaulle appuie Foccart dans cette opération contre l’avis de son Premier Ministre, Maurice Couve de Murville, « littéralement horrifié » et contre la diplomatie française : ils « n’apprécient pas ce qui leur apparaît comme une politique aventureuse décidée en dehors d’eux », note Foccart
Le chef de la République du Biafra, Ojukwu, a établi à Paris le Biafra Historical Research Center, où travaillent le mercenaire Bob Denard et Roger Faulques, ex-colonel pendant la guerre d’Algérie et ancien membre du 1er REP
Ceux-ci recrutent d’autres mercenaires pour soutenir la sécession du Biafra, dont le colonel Rolf Steiner, un légionnaire allemand, ancien de l’OAS, qui commandera au Biafra la 4e Brigade commando (« légion noire ») et Gildas Lebeurrier, un ancien parachutiste en Indochine et en Algérie. Le bureau sert aussi d’interface pour acheter des armes sur le marché « gris ».
Le 4e commando brigade remporta de nombreux succès sur les forces nigérianes, principalement lors de l’audacieux raid d’Enugu qui détruisit l’aviation nigériane dans le secteur Nord.

Les opérations vers le Biafra sont coordonnées par l’ambassadeur de France au Gabon Maurice Delauney, avec à ses côtés Jean-Claude Bouillet, directeur de la compagnie aérienne Transgabon et responsable local des services de renseignement français, le SDECE, en lien avec le correspondant de Foccart à Abidjan, Jean Mauricheau-Beaupré, ancien membre du SDECE
Les premières livraisons de munition et d’un bombardier B26 ont lieu en juillet 1967 et sont signalées par l’ambassade des États-Unis à Lagos12. Maurice Robert est alors chef des opérations du SDECE en Afrique.

À partir d’août 1968, ce sont des dizaines de tonnes par jour d’armes et de munitions qui sont acheminées au Biafra par des mercenaires et des hommes du SDECE
Le gouvernement nigérian utilise également des « mercenaires », sous la forme de pilotes égyptiens pour leur armée de l’air avec des chasseurs MiG 17 et des bombardiers Ilyushin IL 28. Les pilotes égyptiens auraient fréquemment attaqué des civils plutôt que des cibles militaires, bombardant de nombreux abris de la Croix-Rouge
La presse francophone donne des échos du soutien français dans le conflit. Le Canard enchaîné publie une lettre de l’ambassadeur Delauney recommandant le colonel Fournier et ses trois collaborateurs du SDECE au lieutenant-colonel Ojukwu. Dans Jeune Afrique, le journaliste Michel Honorin écrit : « De trois à six avions [arrivent] chaque soir au Biafra. […] Une partie des caisses, embarquées au Gabon, portent encore le drapeau tricolore et l’immatriculation du ministère français de la Guerre ou celle du contingent français en Côte d’Ivoire »

Selon les analyses de François-Xavier Verschave, le soutien militaire (mercenaires, armes et munitions) et financier apporté secrètement par les autorités françaises aurait prolongé le conflit durant 30 mois, provoquant indirectement 2 à 3 millions de morts. Très éloigné de ces chiffres, le consultant canadien pour le développement Ian Smillie avancera que la prolongation de la guerre dû au soutien français aux insurgés du Biafra aurait contribué à la mort de près de 180 000 civils.

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Similitudes avec la guerre en Libye

Qu’il y a-t-il de commun entre la participation française aux combats actuels en Libye et la guerre du Biafra qui s’est terminée il y a 41 ans après 35 mois de combats et qui a emporté la vie de plus de deux millions de personnes ? Les traits communs entre ces deux guerres existent bien et son assez nombreux, estime notre commentateur Alexeï Grigoriev :

En mai 1967, la tribu Ibos a soulevé une insurrection armée pour proclamer l’indépendance du Biafra. En cinq mois, l’armée nigériane a su étouffer la révolte et prendre Enugu, la capitale du Biafra. Mais le conflit ne s’est pas arrêté là… En bénéficiant du soutien financier et militaire de l’étranger, les séparatistes ont déterré la hache de guerre et ont proclamé l’indépendance du Biafra. En cherchant sur Internet, je suis tombé sur une vidéo extrêmement intéressante datant du septembre 1968, qui a été fait par le journaliste français Guy Ackermann et qui montre le défilé de l’armée des volontaires de Biafra.

Le défilé militaire composé de soldats dont la plupart étaient pieds nus mais portaient une uniforme et avaient une arme, est salué par le commandant en chef de la république autoproclamée du Biafra. Ces deux blancs qui se tiennent à côté du commandant, ce sont Arneau et Joseph. Face à la caméra, Guy Arneau raconte qu’il est arrivé au Biafra il y a dix jours. Joseph, lui, il est là depuis plusieurs mois. Les deux Français avaient déjà fait la guerre d’Algérie, combattu au Congo et au Vietnam.

Il est vrai que « La Marseillaise » au milieu de la forêt tropicale de Biafra et les Français faisant partie de l’armée des séparatistes constituent l’un des paradoxes de cette guerre. C’est la France qui a joué un grand rôle dans la séparation du Biafra du Nigeria. C’est la France qui a ouvertement pris partie des Ibos et autres tribus mécontentes par la politique imposée par la capitale. Plus de quarante ans plus tard, en mars 2011, la France a pratiquement organisé une tentative de coup d’Etat en Libye en profitant du mécontentement de certaines tribus libyennes face à la politique de Mouammar Kadhafi. Comme aujourd’hui en Libye, la participation de la France à la guerre du Biafra aurait été justifiée par la nécessité de protéger la population du génocide par le gouvernement nigérian.

Notons au passage qu’à la veille de ces événements, Lagos a rompu les relations diplomatiques avec la France en signe de protestation contre les essais nucléaires français au Sahara. Indigné par les démarches antifrançaises de Lagos, le président Charles de Gaulle a dit à son principal conseiller pour l’Afrique, Jacques Foccart, qu’il souhaitait affaiblir le « géant nigérian », avant de donner à M. Foccart la carte blanche pour soutenir les séparatistes de Biafra. De Gaulle crée avec les dictateurs portugais et espagnol, Salazar et Franco, une coalition pour soutenir la république du Biafra à laquelle se sont joints par la suite l’Afrique du Sud, Israël, la Chine, le Gabon, la Côte d’Ivoire. Dans « Jeune Afrique », le journaliste Michel Honorin écrit : « De trois à six avions arrivent chaque soir au Biafra. Une partie des caisses embarquées au Gabon, portent encore le drapeau tricolore et l’immatriculation du ministère français de la Guerre ou celle du contingent français en Côte d’Ivoire ». Entre-temps, le président du Biafra Odjourwu était rapide pour organiser l’extraction du pétrole, ce qui suffisait pour acheter des armes et créer un réseau d’enrôleurs. C’est la même approche qu’adopte aujourd’hui le Conseil national de transition libyen soutenu par la coalition internationale.

Un autre paradoxe de la guerre de Biafra, c’est le fait que le gouvernement nigérian était soutenu, y compris militairement, par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Union soviétique qui insistaient sur la préservation de l’intégrité territoriale du pays. A propos, c’est la situation autour du Biafra qui a poussé le général de Gaulle à s’opposer à l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Espace économique commun. En décembre 1969, l’armée nigériane comprenant 120 000 soldats a réussi à encercler le Biafra en instaurant ainsi un blocus économique total. En janvier 1970, la résistance de la république du Biafra a été brisée et ce territoire riche en pétrole est redevenu partie du Nigeria. Parmi les vaincus, il y avait la France mais la guerre du Biafra lui a donné une sorte de modèle à suivre. Et notamment en Libye, où le scénario est quasiment le même. Une ou plusieurs puissances occidentales soutiennent la minorité séparatiste. Le régime au pouvoir étouffe la révolte en suspectant l’Occident de soutenir celle-ci pour accéder aux territoires ou ressources naturelles du pays ou bien pour renverser le régime.

Les ONG humanitaires tirent la sonnette d’alarme et les médias occidentaux font état des souffrances du peuple opprimé. Le mot « génocide » est lâché et les politiques appellent à l’opinion publique et aux organisations internationales pour justifier une intervention militaire sous prétexte d’une « opération humanitaire ». La France a à plusieurs reprises fait recours à ce modèle en Afrique et maintenant en Libye. Tout le reste est question de la supériorité militaire.

La guerre en Libye ressemble peu à celle qui a eu lieu il y a quarante ans au Biafra. Mais le scénario de l’une et de l’autre sont très similaires en plus de ses acteurs qui sont les mêmes pour certains.

Sources : – Wikipedia
– http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/5646129/53392763/

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