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[POLITIQUE] ZIMBABWE: MUGABE FAIT AUSSI DE BONNES CHOSES

La réforme agraire au Zimbabwe a résolu un certain nombre de problèmes et réduit l’écart entre les noirs et les blancs.

Qui s’intéresse encore au Zimbabwe? Les médias, qui avaient fait leurs gros titres sur les exactions commises contre les fermiers blancs au cours de la réforme agraire menée par Robert Mugabe au début des années 2000, sont beaucoup moins nombreux à s’interroger aujourd’hui sur les résultats de cette politique de redistribution des terres agricoles. Loin de la vision manichéenne trop souvent rapportée par les médias occidentaux, les effets de la nouvelle donne agricole sont réels pour les paysans zimbabwéens.

Il y a une dizaine d’années, le Zimbabwe était abonné aux manchettes de la presse internationale. D’ordinaire, la photo au-dessus du dernier reportage en date au sujet de «la réforme agraire de Mugabe» montrait une famille de fermiers blancs, d’un côté du grillage, et, de l’autre, une horde noire prête à envahir la propriété.
Rarement armé, l’homme blanc gesticulait pour défendre sa femme et ses enfants apeurés, souvent des têtes blondes. En face, des noirs en loques brandissaient des gourdins et des machettes. Rien qu’à les voir, on croyait les entendre hurler.

«LES NOUVELLES SONT PLUTÔT BONNES»

Et puis, plus rien. Une décennie de silence. Tous les fermiers blancs ont-ils été chassés de leurs terres au Zimbabwe? On ne le sait pas. Pire, la vertueuse préoccupation pour les centaines de milliers de noirs, qui sont employés sur les fermes blanches et que Mugabe prive cyniquement de leur gagne-pain apparaît rétrospectivement comme une hypocrisie. Si l’on s’était vraiment soucié d’eux, n’aurait-on pas cherché à savoir ce qui leur était arrivé depuis?

Je vais vous surprendre: les nouvelles sont plutôt bonnes. Là où, avant la réforme agraire dite «accélérée» de 2000, un peu plus de 1.500 grands propriétaires terriens, tous blancs, plantaient du tabac (la principale culture d’exportation du Zimbabwe), 58.000 petits fermiers noirs font aujourd’hui pousser et boucanent la matière première à cigarettes. Ce n’est pas un mince exploit compte tenu de la technicité du métier qu’ils ont appris sans aide aucune de l’Etat. Les seuls à être venus à leur secours (pour la formation, le choix et l’achat des engrais, le préfinancement de la campagne ou des prêts pour investir) sont l’industrie du tabac et, en amont, les maisons de négoce qui organisent les enchères pour l’achat de la récolte en fin de saison.

Certes, en raison d’une plus faible mécanisation sur des surfaces réduites, les rendements ne sont pas les mêmes. Cette année, 160.000 tonnes ont été produites alors que la récolte record de 2000 se situait autour de 250.000 tonnes. Mais il y a seulement quatre ans, en 2008, on était encore au niveau d’étiage d’une production de l’ordre de 50.000 tonnes.

Depuis, les petits fermiers ont fait des progrès, en quantité et en qualité. Chacun d’entre eux emploie une main-d’œuvre nombreuse et réalise un bénéfice annuel de l’ordre de 10.000 dollars, constituant une petite fortune dans le monde rural du Zimbabwe. Bref, si une meilleure redistribution des richesses et la prospérité du plus grand nombre étaient les buts recherchés, la réforme agraire n’aura pas été un échec.

MUGABE EST-IL VRAIMENT LE TYRAN QUE L’ON DIT?

C’est là l’impensable. Comment ce «raciste anti-Blanc» Mugabe, ce vieillard (il a 86 ans dans un pays où l’espérance de vie est de 47 ans) vociférant contre l’Occident en général, et la Grande-Bretagne en particulier, aurait-il pu réussir à atteindre ses objectifs ne serait-ce qu’un tant soit peu? Donc fermons les yeux, n’en parlons plus. Bannissons le Zimbabwe de nos pages jusqu’à l’enterrement du «tyran».
Il se trouve que je connais Robert Mugabe personnellement. Et il est vrai que je ne le vois pas tel qu’il est généralement décrit dans la presse internationale. Je connais aussi l’histoire des promesses trahies par l’occident à la suite de l’accord de Lancaster House en 1979, qui donna naissance au Zimbabwe un an plus tard.
Enfin, je sais que depuis sa confiscation coloniale, la terre a toujours été une matière politique que l’on s’est disputée dans la violence. Mais ce n’est même pas le propos ici. Quelle que soit mon opinion sur Robert Mugabe ou l’histoire du Zimbabwe, les faits sont là. Et je ne vais pas les escamoter sous prétexte qu’ils heurtent mes préjugés.

A ce titre, je prends acte du succès relatif de la réforme agraire mais je me souviens aussi des abus de sa mise en œuvre. Ce n’est pas en rendant aujourd’hui justice aux petits cultivateurs noirs que je vais oublier la mort de David Stevenson, la première victime blanche des envahissements de fermes.

David Stevenson est mort au terme d’affreuses souffrances, le 15 avril 2000, ayant été obligé d’avaler du diesel par ses agresseurs. Il avait quitté l’Afrique du Sud, le «pays de l’apartheid», en 1987, pour vivre avec sa femme suédoise, sous le ciel dégagé d’un pays libre. Il avait acheté sa terre après que le gouvernement zimbabwéen eut renoncé à son droit de préemption. Il était tout, sauf un colon.
Quelle idée se ferait-on de la Révolution française si le seul compte-rendu des événements avait été rédigé par Amnesty International? Il en va de même pour la réforme agraire au Zimbabwe.

LES BIENFAITS DE LA REFORME AGRAIRE AU ZIMBABWE

Pour commencer, elle est irréversible. Ensuite, quelles que soient les tares du pouvoir Mugabe, il est faux de prétendre que la réforme agraire n’a été qu’un violent transfert de propriétés (un vol à main armé commandité par l’Etat) de fermiers blancs au profit de «barons» du régime.
Car, même à supposer que ce fût l’intention, le résultat n’est pas celui-là: dans la province de Masvingo, la seule pour laquelle l’étude de terrain de Ian Scoones (chercheur à l’Institut pour les Études de Développement) a établi des chiffres fiables, moins de 5 pour cent des 400 fermiers locaux sont des «pontes» du régime. En revanche, deux tiers étaient auparavant des «sans terre», l’équivalent de nos sans-culottes.

Co-auteur, avec cinq autres agronomes, du livre « Zimbabwe’s Land Reform: Myths & Realities » (La réforme agraire du Zimbabwe : mythes et réalités) paru en 2010.
Il n’y a pas de conspiration du silence. Le livre coécrit par Ian Scoones, « Zimbabwe’s Land Reform: Myths & Realities » (La réforme agraire du Zimbabwe : mythes et réalités, 2010) a été publié chez un éditeur respectable. L’expert britannique a été interviewé par la BBC et cité par le New York Times dans un article paru en juillet.
Donc, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si tous les journalistes faisaient leur travail de passeurs de nouvelles. Hélas, ils ont peur de se déjuger et préfèrent chausser des œillères.

Il est toujours malaisé de se plaindre de la presse. Surtout quand vous avez l’air de défendre un «dictateur» africain. Or, quand bien même Robert Mugabe serait-il ce requin habituellement décrié, n’aurait-il pas droit à la vérité des faits ?
En 2011, il y a eu 12 attaques mortelles de requins dans le monde entier ; la même année, 73 millions de requins ont été abattus. Cela vous surprend, n’est-ce pas ? En lisant la presse, vous aviez cru que le requin était un danger pour l’homme, et non pas l’inverse.

Source : slateafrique.com

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