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[POLITIQUE] GÉOPOLITIQUE DE LA FRANCOPHONIE: DE LA VRAIE DIVERSITÉ AU SUICIDE CULTUREL

Comme tous les 2 ans une grande partie des pays africains anciennement colonisés par la France s’apprêtent à célébrer la langue et la culture française. J’ai saisi cette occasion pour jeter un coup d’oeil sur la carte de la Francophonie. Avec comme objectif d’essayer de comprendre la réalité et le rôle que jouent la langue française dans des pays aussi divers et aussi différents que la France, le Niger ou le Vietnam.

D’abord le choix du lieu où se tiendra cette année ce XIVème sommet est à lui seul tout un symbole, à savoir la république démocratique du Congo de Joseph Kabila. Quelques chiffres à titre d’illustration:

cet immense pays de 2 344 858 km2 est 4 fois plus grand et compte avec ses 67 827 000 d’habitants pratiquement 6 millions d’hommes et de femmes de plus que la France. La République du Congo est également un pays aux ressources naturelles presque inépuisables. Le pays dispose d’une cinquantaine de minerais dont une douzaine seulement est encore exploitée: le cuivre, le cobalt, l’argent, l’uranium, le plomb, le zinc, le cadmium, le diamant, l’or, l’étain, le tungstène, le manganèse et quelques métaux rares comme le coltan.

Surtout ce dernier minerai rare le coltan qui entre dans la fabrication des téléphones mobiles, des ordinateurs portables et des engins spatiaux ont fait de ce pays un objet renouvelé de convoitise des puissances occidentales dont la France et la Chine!

Selon le magazine New African qui paraît à Londres, pour le seul secteur minier, le potentiel du Congo s’évalue à la somme vertigineuse de 24.000 milliards de dollars US (plus que le PIB des Etats Unis et de l’Europe pris ensemble)! Mais paradoxe des paradoxes, le Congo était en 2011 le dernier pays (187ème / 187) sur l’index de développement humain du PNUD.

Pourquoi donc la Francophonie ou la France pour être plus précis, malgré la rhétorique de la rupture, a t-elle choisi pour tenir son quatorzième sommet un pays aussi manifestement anti-démocratique que le Congo, ravagé par la guerre et miné par l’instabilité politique et la ruée désordonnée vers des richesses presque féeriques? Ce là contre vents et marrées et malgré les véhémentes protestations de l’opposition congolaise? La raison nous semble évidente: il s’agit avant tout d’affirmer et de cimenter l’influence de la France dans ce géant africain aux pieds d’argile face aux appétits chinois, américains et rwandais dans une moindre mesure. L’idéal francophone c’est bien une sorte de « soft power », mais combien efficace pour pérenniser la domination.
Mieux encore et c’est cela l’essence de notre propos, la francophonie derrière une apparente unité et le discours sur les « idéaux en partage » cache une réalité complexe et des différences marquées quand au degré d’implication et d’engagement des divers pays qui s’en réclament.

Si nous laissons de côté des pays tels que la France, la Belgique, le Canada, la Suisse ou le Luxembourg dont l’appartenance à la francophonie n’est que trop naturelle, le rôle de la langue française dans les pays membres de cette organisation est loin d’être uniforme:

– sur les 3 seuls états asiatiques membres de la francophonie (Cambodge, Laos et Vietnam) par exemple aucun d’entre eux n’a le français comme langue officielle et tous les trois ont leur propre monnaie.
Les langues officielles de ces derniers pays sont respectivement le khmer, le lao et le vietnamien.

– parmi les 56 états membres de la francophonie aucun état arabophone (Maroc, Mauritanie, Egypte, Liban, Tunisie) n’a le français comme langue officielle, ceci malgré le taux de locuteurs du français supérieur aux autres pays africains. La Tunisie par exemple d’après les chiffres mêmes de l’organisation (www.francophonie.org) comptait en 2010 6 639 000 locuteurs du français sur une population de 10 374 000 habitants, soit un taux de 63% contre par exemple 18% seulement de locuteurs au Niger et 24% au Sénégal!
Et pourtant dans ces deux derniers pays le français est la seule langue officielle à l’exclusion de toutes les langues nationales africaines! Andorre compte de même 70% de locuteurs du français mais sa langue officielle est naturellement le catalan!

– A l’opposé, pratiquement tous les pays d’Afrique Noire qui forment le gros du contingent de la francophonie (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Guinée, Guinée équatoriale, Cameroun, Gabon, Côte d’Ivoire, Djibouti etc.) à l’exception notoire du Rwanda qui a éliminé le français comme langue officielle après le génocide ont le français comme langue officielle.
Mis à part le Burundi avec deux langues officielles (kirundi et francais), la Centrafrique (sango, francais) et la Guinée Bissau avec le portugais, Comores (arabe, français) tous les autres pays noirs africains ont exclusivement le francais comme langue nationale et le FRANC CFA comme monnaie nationale!

Le comble du paradoxe c’est que lorsqu’on regarde de près le nombre de locuteurs du français dans ces pays on se rend compte qu’ils sont toujours une très petite minorité: Niger (18%), Burkina Faso (19%), Sénégal (24%), Côte d’Ivoire (34%)…Encore que ces pourcentages me semblent loin de la réalité, car sont souvent considérés comme locuteurs des personnes dont la compétence en français ne va certainement pas au delà d’une conversation courante.

Il y’a aussi une corrélation manifeste entre usage exclusif du français et du franc CFA comme monnaie nationale: tous les pays dont le francais est la seule langue officielle ont le franc CFA comme monnaie nationale, tandis que les autres ont leur propre monnaie.

Il s’y ajoute qu’à l’exception du Gabon et du Congo (pays pétroliers) tous les pays d’Afrique noire francophone ont d’après les chiffres du PNUD un faible indice de développement humain et une durée moyenne de scolarisation très basse. En 2011 le Sénégal par exemple était classé 155ème sur 187 pays pour son indice de développement humain, la République démocratique du Congo était dernière de la liste, le Niger avant-dernier, le Burkina 181ème etc. (cf. http://hdr.undp.org/)

C’est à la lumière de ces faits qu’il faut faire une évaluation de la francophonie pour en changer l’orientation en élevant enfin dans ces pays, après un demi-siècle d’indépendance les langues nationales à la dignité de langues officielles, au moins à côté du francais. Il est vrai qu’il s’agit là aussi d’une décision souveraine que la France ne peut mais aussi n’a certainement pas intérêt à prendre pour les pays africains francophones! Le développement ne s’octroie pas et l’histoire n’offre point d’exemple d’un développement qui se soit fait sur la base d’un paradigme culturel importé.

Aussi déprimant que celui-ci puisse être le constat de Cheikh Anta Diop à l’aube des « indépendances » est encore malheureusement toujours à l’ordre du jour:
« C’est » disait-il « par goût de facilité, par paresse, manque de volonté, manque de décision, par goût morbide de l’asservissement intellectuel et moral que nous cherchons à nous satisfaire des langues européennes et non pas par un calcul pratique »

Source: Tamsir Anne via noorinfo.com

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

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