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[POLITIQUE] ESCLAVAGE : LES CARAÏBES DEMANDENT DES COMPTES À PARIS, LONDRES ET LA HAYE

Les faits – Composé essentiellement d’Etats anglophones auxquels se sont joints par la suite Haïti et le Suriname, la communauté caribéenne Caricom a confié le dossier au cabinet britannique Leigh Day & Co. Celui-là même qui a contraint Londres à indemniser, cette année, les descendants de 5.000 Mau Mau torturés par les troupes britanniques au Kénya dans les années 1950.

«Chaque chef d’Etat, chaque chef de gouvernement, chaque ministre des Affaires étrangères doit inclure dans son discours devant le monde un message de fermeté quant à nos demandes de réparation». Répondant à l’appel de Ralph Gonsalves, le Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les représentants des quinze Etats membres de la communauté caribéenne (Caricom) et des cinq pays associés devraient profiter de l’assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvre mardi à New York, pour relancer la question des dédommagements liés au recours à l’esclavage et à la colonisation de la région.

Sont principalement visés la Grande-Bretagne, la France et les Pays-Bas. Au cas où ces derniers n’accepteraient pas de s’asseoir autour d’une table pour discuter compensations économiques, Caricom menace de porter le dossier devant la Cour internationale de justice. D’ores et déjà, le cabinet d’avocats britannique Leigh Day & Co a été choisi comme conseil. C’est lui qui avait contraint Londres, en juin, à présenter ses «regrets» et à indemniser à hauteur de 23,6 millions d’euros les descendants et les rares survivants des quelques 5.000 rebelles de la guerilla Mau Mau torturés par les troupes britanniques au Kénya entre 1952 et 1960.

L’affaire a été relancée, en juillet, à l’issue du sommet du Caricom, une association créée en 1973 et composé essentiellement d’Etats anglophones auxquels s’est joint, par la suite, le Suriname, l’ancienne colonie néerlandaise, et Haïti (2002) pour la partie francophone. «L’esclavage et le colonialisme dans les Caraïbes ont très durement altéré nos options de développement» a expliqué à cette occasion Baldwin Spencer, le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, en montrant du doigt la dépendance économique, culturelle, sociale et même politique née de cette situation. Dans la foulée, une commission des réparations réunissant universitaires, économistes et avocats des Etats membres a été mise sur pied, le 17 septembre, à l’issue d’une conférence réunie à Kingston, la capitale de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. L’historienne des Barbades Hilary Beckles, auteur d’un livre intitulé «La dette noire de la Grande-Bretagne» en a été nommée présidente.

«Les nations européennes qui se sont consacrées à la conquête, la colonisation, au génocide et à l’esclavage doivent fournir les moyens requis pour réparer l’héritage actuel de leurs dommages historiques», estime Ralph Gonsalves. Aucun montant n’est pour l’instant évoqué mais le trafic d’esclaves aurait touché plus de 12 millions d’Africains entre le XVIème et XVIIIème siècle. Et le Premier ministre de Saint-Vincent explique que le montant des réparations doit être lié étroitement aux bénéfices retirés dans la région par les «colonialistes européens», y compris les dédommagements accordés aux propriétaires d’esclaves au moment de l’abolition de l’esclavage. En 1834, la Grande-Bretagne avait compensé les planteurs britanniques des Caraïbes à hauteur de 20 millions de livres, équivalent à 200 milliards de livres d’aujourd’hui. Soulevée en 2004 par Jean-Bertrand Aristide, alors président d’Haïti, la question du remboursement par la France de la dette d’indépendance (90 millions de francs-or) payée entre 1825 et 1888 par Haïti a refait surface récemment. En mai, le Comité représentatif des associations noires de France (Cran) a assigné en justice la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour complicité de crime contre l’humanité, pour avoir tiré profit de la fin de l’esclavage et de l’indépendance de Haïti.

Source:www.lopinion.fr

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