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[PEOPLE] L’AFFAIRE VYBZ KARTEL : COUPABLE, INNOCENT, OU VICTIME ?

L’affaire Vybz Kartel est un véritable feuilleton judiciaire dont chaque épisode est suivi dans la Caraïbe et des deux côtés de l’Atlantique. Si elle suscite autant l’intérêt du public, c’est qu’elle met en scène le deejay dans un scénario surréaliste à la hauteur de sa réputation, mais qui n’a rien d’une fiction. Il risque gros et cette affaire peut lui coûter bien plus que sa brillante carrière.

On le surnomme World Boss, Dancehall Hero, ou encore Addi di teacha. Vybz Kartel est sans doute l’artiste Jamaïcain qui connaît le plus grand succès sur le plan international, du jamais vu pour un artiste Caribéen depuis Bob Marley. En 2013, il est devenu une référence dans le mouvement dancehall, mais la réussite de l’artiste originaire de Portmore est surtout le fruit de nombreuses années passées en camp d’entrainement.
La Jamaïque vivant au rythme de la musique, il baigne dans ce milieu dès son plus jeune âge et prend le nom de scène Adi Banton, en référence à Buju Banton. Son nom de scène actuel provient du groupe Vibes Cartel qu’il forme en 1996, pseudo qu’il garde par la suite et réécrit « Vybz Kartel ».

« Du rang d’élève à celui de professeur »

Sa performance remarquée à Portmore lors du «Champions in action » 1998 lui vaut de se faire repérer par Bounty Killer, pour qui il écrit plusieurs chansons dont « High grade forever » sortie en 2000 sur le Lightning Riddim. Un an plus tard, « Girls like mine» le présente au grand public sur le Liquid Riddim, où il signe une performance prometteuse avec son général et instituteur. Mais s’il fait son entrée sur le ring c’est pour venir conquérir le titre de champion. Après de nombreuses tunes à son tableau de chasse et alors qu’il est désigné « deejay de l’année » 2002, sa musique passe définitivement outre les côtes jamaïcaines avec le medley vidéo « New Millenium / Why you doing it », titres issus de son premier album « Up 2 di time » en 2003.

Vybz Kartel continue de faire ses armes en enchainant telle une mitraillette albums, mixtapes et grosses collaborations jusqu’au jour où c’est l’explosion. « Selassie I love we » fait du Baddaz Riddim la compilation dancehall de l’année 2008, puis vient l’heure de gloire avec le buzz de « Ramping Shop » dont les paroles au caractère sexuellement explicite atteignent un nouveau record détenu jusque-là par le titre Candy Shop de 50 cent.

Di teacha devient une machine que plus rien n’arrête et la Gaza Mania est lancée. Les sons Clarks, Virginity, Dancehall hero, Benz Punany, Coloring book, Tell you say, Go go wine, Summertime et d’autres tourneront en boucle, sans jamais lasser le public. Il devient indispensable de le jouer dans les sound system comme dans les boites de nuit , parce que c’est lui qui définit les nouvelles tendances.
« Awoh » et « Ôhh Hhö » ne sont pas seulement ses signatures vocales, elles deviennent des expressions prononcées dans toute la caraïbe autant par les jeunes que par d’autres artistes. En Europe comme en Amérique en passant par les Antilles, Vybz Kartel mène la danse et semble prêt à tout pour rester en tête d’affiche.

« Le voyage spatial avant la chute libre »

L’artiste atteint des sommets dans la musique et dans les affaires, mais également dans les polémiques. Il sait quand et comment faire parler de lui pour entretenir son image de rockstar : il se blanchit la peau avec du cake soap, affiche des signes d’appartenance à la franc-maçonnerie, de quoi faire l’objet de critiques en tout genre. Le World Boss est à son apogée et a l’air d’être intouchable. Le Portmore Empire semble être une fusée en route pour l’espace, il ouvre une boite de nuit, lance une marque de préservatifs et de rhum avec des associés, il donne un concert retransmis par satellite à Miami, et une télé-réalité est même réalisée à son effigie. Mais en septembre 2011, c’est la chute libre. Le Dancehall Hero se voit cloué au sol et écarté de la scène jusqu’à nouvel ordre, mais rien à voir avec la musique : il est arrêté dans le cadre d’une affaire de meurtre. Soupçonné d’être impliqué dans les assassinats de Barrington Burtona puis de Clive Williams, Vybz Kartel est incarcéré le 30 septembre 2011 avec plusieurs chefs d’accusations contre lui: meurtre avec préméditation, complicité de meurtre, possession illégale d’armes à feu, possession de marijuana.

« Coupable avant même son procès…»

Plus d’un an et demi après son arrestation, Vybz Kartel n’a toujours pas été jugé, ses procès n’ont cessé d’être reportés et sa culpabilité s’en trouve encore moins prouvée.

Peu, voire aucun élément n’établit de lien entre lui et ces deux affaires, outre le fait que le corps d’une victime ait été retrouvé dans une maison où il avait l’habitude d’aller, et que l’accusation dispose de témoins présentés comme faisant l’objet d’intimidations. Mais aucune arme du crime ni preuve scientifique accablant l’artiste n’ont pu être présentées à la justice depuis le début de ce feuilleton médiatique. Quant aux témoins, l’un d’eux aurait déclaré avoir reçu des pressions policières pour dénoncer l’implication d’Adidja Palmer dans l’assassinat de Barrington Burton et serait depuis, menacé de mort.

On peut donc se demander si le deejay est oui non la cible d’un complot. Étonnamment, cette affaire surgit quelques mois après que l’artiste de 37 ans ait révélé dans un communiqué avoir créé le personnage controversé qu’est Vybz Kartel dans le but de tromper Babylone et d’endormir ses soupçons. Selon lui, le succès de sa musique lui a permis de s’ériger en porte-voix des gens du ghetto. Le rôle qu’il doit jouer serait donc dans la continuité de ceux qui ont servi la cause du peuple jamaïcain à l’instar du résistant Paul Bogle, du panafricain Marcus Garvey, ou encore de Bob Marley. Plus de deux ans après, ce communiqué considéré par beaucoup comme un excès d’égo prend rétroactivement une dimension plutôt prémonitoire :

« Les Noirs ont souffert trop longtemps et Vybz Kartel dit maintenant au monde qu’il va utiliser les projecteurs sur lui pour mettre en évidence leur cause. Je ne suis pas naïf et je sais que suite à mes récentes interviews ma vie et ma liberté sont en danger plus que jamais, parce que je n’ai pas l’intention de faiblir face au système ou à ses agents. »

Tout au long d’une lettre manuscrite adressée au professeur de littérature Carolyn Cooper et rendue publique dans le Jamaican Gleaner en mars 2012, Addi dénonce l’acharnement de la police et l’accuse d’avoir monté cette affaire de toute pièce. D’après ReggaeFrance, on apprend en lisant cette lettre que la police a cherché à manipuler l’opinion publique de sorte à persuader de la culpabilité de Vybz Kartel. Elle a révélé chaque nouvel élément de l’enquête aux médias par le biais d’un superintendant (l’équivalent en Jamaïque d’un commissaire) justement soupçonné de tentative de perversion de la justice au cours d’une autre affaire. Des graves allégations ont ainsi été portées, notamment que des empreintes ADN et un enregistrement vidéo avaient été découverts. Il n’en est rien.

« J’ai vu des centaines d’hommes accusés d’avoir tué des enfants, des policiers et même des familles, mais je n’ai jamais vu la police rapporter chaque semaine l’état d’avancement de ces enquêtes comme ça a été le cas dans la mienne. » déclare Adidja Palmer.

Difficile d’écarter la possibilité que Vybz Kartel soit victime d’un complot, surtout quand ce dernier révélait en janvier 2011 lors d’un entretien avec Cliff Hughes avoir été menacé par Isaiah Laing avec qui il est en conflit. Isaiah Laing est une figure importante dans le mouvement, puisqu’il n’est autre que le créateur du célèbre « Sting », évènement reggae-dancehall annuel le plus populaire en Jamaïque et dans le Monde depuis 1984. Mais en plus d’être un promoteur évènementiel, il s’agit d’un ancien officier de police…

Acquitté d’un premier meurtre : bientôt libéré ?

Après de nombreux reports, le procès s’est enfin tenu et le verdict a été rendu le 26 juillet dernier. Adidja « Vybz Kartel » Palmer a été acquitté du meurtre de l’homme d’affaires Barrington Burtona, qu’il était accusé d’avoir commandité avec deux autres mis en examen eux aussi blanchis.

« Nous avons plaidé le fait que la police et l’accusation n’avaient pas pris assez de mesures pour assurer la sécurité des témoins, alors que la loi exige que toutes ces mesures soient prises avant que le Juge ne décide si les témoignages puissent avoir lieu ou non. » déclare Christian Tavares Finson, avocat de Vybz Kartel. Le Juge de la Cour Suprême Bryan Sykes a en conséquence refusé d’entendre les témoins à charge potentiels et ne pouvait qu’acquitter Vybz Kartel, Lenburgh McDonald et Nigel Thompson.

Le World Boss a un pied dehors, mais l’autre reste menotté aux barreaux. S’il a fait un grand pas vers la liberté, il doit encore remporter le match retour qui se jouera lors d’un second procès dans le cadre de l’affaire Clive Williams qui s’ouvre en novembre. D’après son avocat, ce procès à venir pourrait bien prendre la même tournure : « Il n’y a pas de corps, pas de preuves ADN, pas de vidéo, pas de photos. » Il est d’ailleurs lui aussi convaincu que la police aurait tout orchestré pour maintenir son client en prison.

Si l’implication de Vybz Kartel n’est toujours pas démontrée dans ces deux affaires, il reste encore à prouver qu’il y est totalement étranger et serait victime d’un complot. S’il détient une part de responsabilité dans l’un de ces deux voire dans ces deux meurtres, il doit répondre de ses actes en bénéficiant d’un procès juste, sans que la corruption et les pressions diverses ne viennent entraver l’équité censée être assurée par l’indépendance de la Justice. Si la Justice existe encore.

Source :

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/913867-.html

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