[LA PAROLE EST A VOUS] LE METISSAGE : ETRE METISSE (¾)

Dans un troisième temps, nous allons interroger les principaux concernés : les personnes issues de différentes cultures (toujours sous le même principe de questionnaire). Nous sommes en présence de sujets variés avec des métissages alliant quasiment toujours la culture française et une culture africaine, asiatique, européenne, indianocéanique ou bien sud-américaine. À la question « Quel est votre métissage ? », les réponses nous offrent un panel large de mélange de culture avec très peu de similarités. C’est avec surprise que l’on voit que certains considèrent leur métissage passant par leur couleur de peau via des réponses comme « père noir et mère blanche » ou encore par la différence culturelle sans forcément de différence de frontières comme ce « franco-médocain » ou ce « franco-breton » ou de façon moins surprenante les « franco-antillais » et autres îles, appréciation de leurs différences culturelles qui se font donc en dehors de toute prise en compte de nationalité. Mais un des aspects les plus frappants reste le rapport de proximité qu’entretiennent certaines personnes avec leurs différentes cultures alors que leur métissage ne soit pas direct, qu’il ait eu lieu deux générations voire plus avant eux.

Tout d’abord, après avoir demandé à chacun quel était son métissage, nous nous sommes intéressés à l’enfance que ces personnes issus du métissage ont pu avoir. Il a été très intéressant de voir comment les réponses pouvaient se recouper plus ou moins. On pourrait diviser les participants en deux catégories : ceux qui en ont retenus beaucoup de positif et ceux qui y ont vu quelques points négatifs voire qui ont des regrets. Concernant la première partie, les personnes concernées évoquent leurs voyages pour voir leur famille éparpillée entre plusieurs pays souvent, mais aussi une certaine richesse culturelle allant de la tolérance, la connaissance au bilinguisme. Ils y voient un plus qui peut même être perçu par autrui, ces plus les ayant souvent aidés à se construire, mais aussi à s’épanouir. Quant à la seconde catégorie, J. 21 ans évoque «un dualisme entre la société traditionnelle à cheval sur la religion et l’occident », cette idée de dualisme pouvant être repris par certains notamment dans leur rapport vis-à-vis de leur couleur de peau avec cette idée de « ni noir ni blanc » comme l’exprime M. 19 ans, ou encore cette absence de sentiment d’appartenance à un groupe exprimée par C. 25 ans. On peut alors voir que les personnes ayant répondu à cette enquête ont pu souffrir de l’absence de modèle leur ressemblant, causant une certaine envie par rapport aux autres chez eux comme l’exprime L. 14 ans, une volonté de « normalité » exprimée aussi par N. 29 ans. L. 20 ans ira même jusqu’à parler d’une souffrance ressentie du fait de sa non-concordance avec les critères de beauté. Certains sujets évoquent aussi un mal-être dû à un racisme familial comme K. 32 qui a vu sa grand-mère arabe rejeté sa mère kabyle et donc par la même occasion le priver à tout jamais de son père ou encore S. 20 ans qui voit son comportement expliqué par une caractéristique physique plutôt qu’une autre, cette caractéristique répondant à un cliché ethnique et donc donnant à ces réflexions un caractère discriminant pouvant être perçu comme blessant. Pour d’autres, on peut voir un regret concernant la domination de la culture européenne ou plus précisément du lieu où ils vivent sur leurs origines culturelles comme le montre F. 29 ans ou encore A. 20 ans qui regrette de ne pas avoir eu accès à tout son héritage culturel du fait du divorce de ces parents. L’impression qui revient souvent pour cette seconde catégorie de personne c’est l’idée d’une « exclusion de toute part », d’un « cul entre deux chaises » comme le dit S. 19 ans, tout cela en se voyant imposé des étiquettes par une communauté comme une autre comme le dit Y. 18 ans. Comme le disait dans notre article précédent R. 22 ans « c’est un travail d’être métisse » et cela semble même être une tâche ardue.

Cependant, bien que les ressentis par rapport à leur enfance soient partagés, les souvenirs relatifs à des remarques ou actes discriminant positivement ou négativement l’enfant sont plus tranchés. Une large partie des personnes interrogées ne s’est pas sentie clairement discriminé, du moins négativement. En effet, on remarquera que la plupart des filles interrogées montrent qu’au niveau de la discrimination positive c’est surtout de la part des hommes qui peuvent les aborder leur renvoyant le cliché de la « Post Bad Mixed Girl » voire de la « Curly Hair », standards que vous retrouverez notamment sur Instagram ou Twitter comme le montre T. 19 ans., elle montre aussi à l’instar d’autres personnes qu’elle Cependant, dire qu’aucun d’entre eux n’affirme avoir subi de discrimination négative reviendrait à mentir. Beaucoup comme I. 19 ans déplore des « blagues » pas toujours méchantes, mais qui peuvent être assez déplacées comme le fait remarquer L.24 ans qui a pu subir ce genre d’incidents du fait de son nom de famille de par les enfants, mais aussi par « les gens de la haute sphère ». Les remarques les plus récurrentes semblent avoir eu trait au physique pour certains comme L. 17 ans et d’autres qui ont pu être attaqués sur leur cheveux, mais aussi comme S. 20 ans qui s’est vu moquée de par sa couleur de peau, les élites marocaines pouvant être racistes à cause de la distinction entre les fassis réputés au teint clair et les autres. D’autres personnes ont pu déplorer une discrimination quant à leur non-maîtrise de la langue de leurs parents comme L. 19 ans ou encore quant à la non-présence ou à la présence d’un accent. Bien sûr, certains sujets ont pu faire face à des réactions violentes comme S. 18 ans qui s’est vu reprocher de ne « pas avoir de racines » ou encore M. 22 ans « bâtard ». Pour la plupart, ce sont les enfants qui ont pu être le plus cruel mais, pour d’autre cette discrimination a pu être subi à partir des études supérieurs comme pour I. 20ans ou alors dans le monde du travail comme C.F. 35 ans.

Demandez ensuite aux enfants métisses si leur métissage les a servis ou desservis, beaucoup suivrons l’avis de M. 22 ans qui dit la chose suivante « Elle m’a permis de me confronter à la dure réalité du jugement physique et culturelle. Mais elle m’a permis aussi de grandir, de m’affirmer et de m’assumer tel que je suis. Si tu ne sais pas qui je suis et que tu ne veux pas le savoir, moi, je le sais et j’avance. », concevant alors leur « différence » comme un plus, comme une richesse, une force. D. 16 ans quant à lui s’interroge quant à son avenir en France du fait des problématiques liées à son métissage. Cependant, il est évident que certaines personnes reconnaissent la possibilité du métissage comme obstacle comme L. 20 ans qui peut y voir un « obstacle social » pour certaines personnes, avis partagé par d’autres personnes qui notent le fait qu’une partie de la population n’est pas à l’aise avec le métissage. T. 18 ans rajoute le fait qu’on puisse lui faire comprendre qu’il ne soit pas français à part entière du fait de son métissage, sans pour autant qu’on lui reconnaisse une appartenance à une quelconque culture. Cependant, la plupart reconnaisse que leur métissage a pu être un avantage quant au domaine relationnelle, du fait de l’attrait de leur côté « multiculturel » de la part d’autrui. Cela leur a permis de se nouer facilement avec l’une ou l’autre des communautés à laquelle ils appartiennent. Cependant, la majorité reconnaît aussi que leur métissage peut être un facteur de marginalisation professionnelle et constitue un challenge dans leur relation amoureuse notamment quant au respect des cultures de chacun, cultures pouvant s’opposer.

NegroNews

Commentaires

commentaires

  • facebook Facebook
  • googleplus GooglePlus
  • twitter Twitter
  • linkedin Linkedin
  • linkedin Telegram
Précédent «
Suivant »