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DIDIER CLAES MILITE POUR UN RETOUR DES OEUVRES D’ART AFRICAIN EN AFRIQUE

Didier Claes, galeriste congolo-belge installer depuis peu à Ixelles, au détriment de Sablon à Bruxelles, son emplacement initial, s’est entretenu avec le journal Le Monde au sujet des difficultés que connaît l’Art Classique Africain. NegroNews se propose d’en rapporter l’essence de cet échange.

D’emblée, il faut dire que le rapport qu’à l’Afrique à son domaine artistique en général et classique en particulier, est faussé dès le départ, en raison d’un aspect péjoratif qui lui est accolé. Cela est en effet le résultat, comme très souvent, d’actions exogènes. Ici, il faut « remonter au temps de la colonisation où les Européens voulaient ‎éradiquer toute croyance liée à l’art. Aujourd’hui, en Afrique, quand on parle des objets d’art, on ne retient qu’une chose : sorcellerie, fétiche. On nous a dit que tout cela était mal. Et nous avons accepté de le croire ! Du coup, nous nous sommes détournés de nos représentations artistiques. Or c’était la base même de nos civilisations, lesquelles étaient régies totalement par ces représentations artistiques. Même le judiciaire l’était. Il nous faut revaloriser notre patrimoine.‎» explique Didier Claes.

La revalorisation de ce patrimoine culturel passe par la création d’un marché de l’art classique africain en Afrique. Cette création peut s’avérer salvatrice quand on sait que « 99% des oeuvres d’art classique africain sont aujourd’hui hors d’Afrique ». Pour se faire, le galeriste a décidé d’en faire son combat.

À la question de savoir comment se fait-il que l’essentiel du patrimoine africain se trouve hors du continent africain, Didier Claes répond « Le continent a été vidé de son art pendant un siècle. Les explorateurs ont rapporté peu de pièces, car les autochtones étaient alors très protecteurs de leurs objets. Mais il y a eu trois grandes vagues de disparition des œuvres d’art par la suite : la première, quand l’administration coloniale décide de mettre fin aux croyances africaines. Beaucoup de pièces ont été brûlées. La deuxième grande vague, c’est celle menée par les pères blancs, les jésuites, qui collectaient avec la complicité de l’administration coloniale. Pendant un demi-siècle, entre 1890 et 1930, voire 1940, il y a eu une politique de collecte massive à travers tout le continent. L’administration coloniale rassemblait aussi des pièces pour les musées, comme Tervuren. Enfin, après les indépendances, les marchands arrivent, notamment lors des conflits comme la guerre du Biafra. Et ils font sortir les toutes dernières œuvres cachées. On connaît alors une vague de sortie très importante de pièces acquises sur place. A quoi s’ajoutent nos propres fautes, nos guerres tribales, pendant lesquelles les œuvres disparaissent, pourrissent, etc. Le continent se retrouve vidé de son patrimoine : 99 % des œuvres d’art classique africain sont aujourd’hui hors du continent. L’Afrique comme aucune autre civilisation ne peut avancer si on lui kidnappe son passé, saculture. Or, là, c’est un kidnapping complet ! ».

La conséquence directe de cette spoliation du domaine artistique africain est que, aujourd’hui, les chefs-d’œuvre d’art classique se trouvent essentiellement dans les collections privées. « Depuis cinq à dix ans, on assiste à une sortie de pièces assez incroyables issues de collections constituées entre les années 1970-1990. Pour ceux qui en ont les moyens, c’est le moment d’acheter, car ces chefs-d’œuvre vont de nouveau disparaître pendant une ou deux générations.», fait savoir le spécialiste qu’est Claes.

Dans cette même optique, visant à reconstruire dans la mesure du possible, ce patrimoine perdu, Sindika Dokolo a entrepris de faire revenir sur le sol africain les pièces volées après les indépendances, durant les guerres civiles. Didier Claes affirme soutenir le projet, indiquant qu’il s’agit généralement d’objets qui ont été dérobé à des musées nationaux africains suite aux indépendances. « Quand j’ai commencé ce métier à Kinshasa, j’ai été confronté à cette question. J’ai vu des pièces sortir. Des marchands les achetaient en toute connaissance de cause. Je me suis interdit de le faire, mais j’en ai eu en ma possession sans le savoir. Aujourd’hui, la majorité des pièces anciennes ont un historique. Et elles sont toujours accompagnées d’un certificat d’authenticité le retraçant. Il est donc désormais extrêmement difficile d’acheter de telles pièces. Mais certaines pièces, du musée de Kinshasa par exemple, ne seront jamais retrouvées faute d’avoir été répertoriées…».

Concernant le traitement fait par la France des réclamations de restitution faites par le Bénin, Didier Claes prend une posture plus politique, n’hésitant pas à s’insurger contre le refus de la France. Il estime en effet, que s’il peut-être gratifiant pour un pays de voir ses plus belles oeuvres exposées dans les plus grands musées occidentaux, cela devient inutile si les propres africains n’ont accès à cet héritage culturel. « Combien pourront se déplacer pour visiter les musées qui possèdent ces œuvres ? Très peu. Dans le cas des pièces que réclame le Bénin, on a la preuve de leur vol», s’exprime-t-il, avant de rajouter plus loin, « En mars, la France a restitué un dessin du Parmesan aux ayants droit d’un collectionneur italien juif. Cette œuvre fait partie des biens juifs spoliés, elle était dans les collections du Louvre depuis 1951. Quelle différence avec les biens africains spoliés ? Comment expliquer que, dans ce cas, la restitution ait pu être faite malgré l’inaliénabilité des collections françaises ? La spoliation des biens juifs a eu lieu pendant la guerre. Le vol des pièces du palais du roi du Dahomey s’est aussi fait dans un contexte de guerre, coloniale. Pourquoi cette différence dans la résolution des problèmes ? La réponse française n’est pas à la hauteur du sujet. C’est un manque de considération pour l’Afrique, pour ses populations et ses cultures. Il y a une justice à deux vitesses. C’est inacceptable.» conclut-il.

Source: Le Monde

NegroNews

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