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La dépigmentation des nourrissons : un phénomène qui prend de l’ampleur en Afrique

Réputée, pour être une pratique féminine, le phénomène de la dépigmentation a vite fait de s’étendre aux hommes au point d’en arriver aux nourrissons.

Il y a quelques semaines, nous publions un article sur la dépigmentation au Sénégal, et vous y appreniez que 67 % des femmes sénégalaises s’adonnaient à cette pratique qui s’avère être très nocive pour la peau. Ce phénomène est une triste réalité en Afrique, et le Burkina Faso n’y échappe pas, le plus grave, même les nourrissons en sont victimes.

Les journalistes d’Afrique Femme, le webzine ont mené l’enquête sur ce phénomène au Burkina Faso. Une infirmière qui a préféré garder l’anonymat affirme avoir rencontré des cas d’enfants qui ont subi cette pratique : « La dépigmentation chez les enfants existe au Burkina Faso et précisément à Bobo-Dioulasso. Nous avons rencontré beaucoup de cas au sein de notre centre de santé. À chaque fois, nous essayons de discuter avec ces jeunes filles afin de les ramener à la raison. Certaines nous écoutent et d’autres par contre résistent », a-t-elle confirmé.

Dame Fofana rencontrée au secteur 15 de la ville de Bobo-Dioulasso, dépigmente sa fillette de deux ans et six mois. Elle confie que c’est dans un groupe sur WhatsApp qu’elle a découvert cette pratique : « Dans ce groupe, vous avez facilement le nom de certains produits que ces femmes utilisent sur la peau de leurs enfants. D’autres même vendent le produit dans le groupe. Elles font le mélange elles-mêmes, et elles nous les proposent dans le groupe », explique-t-elle.

Elle parle de l’existence de savons que certaines mères utilisent pour la toilette de leurs nourrissons, dans le seul but d’avoir un enfant à la peau claire. Selon elle, les produits cosmétiques (crème, lait, pommade, savon) à base d’hydroquinone sont les plus prisés par les femmes pour leurs enfants. Ce sont les produits les moins chers donc beaucoup plus utilisés : « Pour moi, la peau claire met beaucoup plus en exergue la beauté de l’enfant. Lorsque votre enfant est clair et que vous sortez, tout le monde veut le porter et il est plus admiré. C’est une fierté pour la femme », s’est-elle justifiée.

Agnès Traoré, une dame rencontrée dans une boutique de cosmétique, se dit dégoûtée par cette pratique : « Le pire des cas, certaines femmes enceintes utiliseraient des injectables », déplore-t-elle.

À l’origine, ces produits, utilisés en médecine pour traiter des cas graves d’allergie, de choc cardio-respiratoire, se sont révélés comme étants éclaircissants. Utilisés sous forme d’injectables, il s’avère être plus rapide et plus efficace pour la dépigmentation. Étant donné que tout ce que la mère consomme pendant la grossesse impacte son futur nouveau-né, les enfants subissent une dépigmentation.

Hamadou Ouédraogo,propriétaire d’une boutique cosmetique, rapporte qu’il n’existe pas de produits éclaircissants spécifiques pour les enfants. Selon lui, la plupart de ces produits sont interdits aux enfants de moins de 12 ans : « Les femmes qui s’adonnent à cette pratique sur leurs enfants se dépigmentent aussi à la base ; et ce sont les mêmes produits qu’elles utilisent sur les nourrissons », a-t-il confié.

Les journalistes ont également entrepris d’interroger des pères de famille, sur les cinq interrogés, un seul reconnaît avoir entendu parler de la dépigmentation chez les enfants. Les quatre autres étaient tous étonnés de savoir que le phénomène touche maintenant les nourrissons. Ce qui implique que ces femmes dépigmenteraient leurs enfants, à l’insu du père.

Pour l’heure, aucune disposition dans le nouveau code pénal ne prévoit une sanction en la matière. Information rapportée par Mahama Sory, procureur au Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso. Dans d’autres circonstances, l’enfant pourrait intenter une action en justice pour réparation si toutefois, il n’épouse pas ce comportement de ses géniteurs.

Pour cela, il faut que le comportement des parents, au moment où ils le posaient, constitue une infraction à la loi pénale : « Si le comportement n’est pas réprimé par la loi, sur quelle base, on va poursuivre ses parents ? Si le comportement était sanctionné par la loi, évidemment l’enfant pouvait poursuivre ses parents », a expliqué M. Sory.

Par ailleurs, il a déploré cette pratique qui, selon lui, non seulement a des conséquences graves sur la santé de l’enfant, mais aussi n’honore pas la race noire. Il est temps donc que les Burkinabè, voire les Africains, s’approprient leurs identités culturelles et acceptent leur peau noire.

 

Annabella Kemayou

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