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[CULTURE] KEMI SEBA X NEGRONEWS « LES NOIRS SONT MOINS RESPECTÉS QUE LES SODOMITES EN FRANCE »

Certainement l’un des rares Noirs à « être interdit de sortie du territoire français », Kemi Seba revient en France après l’avoir quittée sans « demander la permission » pour promouvoir son livre intitulé « SUPRA-NÉGRITUDE ». Le polémiste panafricain est de retour dans une France qui ne veut pas de lui et encore moins de ses contradictions. Rencontré dans un coin du 92, à Boulogne-Billancourt, là où il a passé une partie de sa jeunesse, KS, dit le « Malcolm X de France » (c’est ainsi que les médias le surnomment à cause de ses talents d’orateur), semble apaisé et heureux de revenir dans l’Hexagone en « touriste », car désormais, il ne prêche plus l’Afrique de l’extérieur. Mieux, il y vit. Depuis deux ans, l’icône de l’activisme noir en France, fondateur de l’ex-Tribu KA, de GKS, du MDI (Mouvement des Damnés de l’Impérialisme) s’est « rapatrié » tout seul à Dakar, Sénégal. Une façon de s’éloigner des ambiances pesantes de la vie parisienne ? Non peut-être plutôt de prendre ses distances avec un activisme qu’il qualifie d’illusoire, pour se rapprocher du concret. Ces dernières années, ce Béninois de 31 ans – Stellio Capochichi de son vrai nom – a suscité des polémiques dans la politique, l’activisme noir ou encore le rap.

NegroNews : Kemi Seba, pourquoi ce retour en France ? Pourquoi maintenant ?

Kemi Seba : Bonjour à vous. Pourquoi ce retour ? Tout simplement parce que je viens de finir d’écrire un essai politique qui retrace les quinze dernières années de l’activisme noir politique et dissident en France et dans le monde francophone, un récit dans lequel mon parcours sert de fil rouge. Cette aventure a commencé en France car j’y suis né, avant de me conduire, par la grâce de Dieu, sur la terre de mes ancêtres. C’est une réflexion de fond, sur la communauté noire au XXIe siècle, sur cette nouvelle génération, ses aspirations. Lorsque j’ai signé avec les Éditions Fiat Lux, nous sommes convenus que, symboliquement, il était important de commencer la promotion de ce livre là où mon parcours avait débuté, avant de conclure cette tournée sur la Terre Mère.

NN : Comment juges-tu la situation des Noirs de France depuis ton départ en 2010 ? Les choses ont-elles évolué ?

KS : Les afrodescendants sont dans une période difficile, une période qui devra nous pousser, tôt ou tard, à faire un choix entre rester et mourir ici en punching-ball de l’oligarchie, ou s’organiser dans un premier temps en communauté, dans le but de préparer à terme le retour dans nos pays.
Après, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, c’est selon la mentalité. A mes yeux, le verre est aux trois quarts vide, mais certains pensent que le seul quart d’eau présent est pour nous une apothéose. Je fais partie de ceux qui ne veulent pas de quelques gouttes d’eau, mais de la bouteille entière. Et, la bouteille, on ne peut la remplir qu’en se ravitaillant à la source d’eau de toutes les mers, à savoir la Terre Mère. En d’autres termes, je constate qu’une sorte de « noirgeoisie » extrêmement minoritaire, déconnectée de la rue, bobo et intégrationniste à l’extrême, a fait son petit trou dans la forme, sans posséder en réalité quelques acquis de fond, pendant que nombreux parmi les nôtres sont à bout, et font tout ce qui est en leur possible pour combler les trous. On est en période de crise, et comme dans toute crise, les minorités sont toujours potentiellement les plus visées. Ce sont des choses que je pressentais, comme beaucoup d’autres depuis des années, d’où mon appel au retour, afin de s’épanouir chez nous plutôt qu’être animal de compagnie chez les autres.

NN : Dans les grandes lignes, de quoi parle « SUPRA-NÉGRITUDE » ?

KS : Cela part d’une démarche analytique qui est la suivante : lorsque l’on parle d’unité des Noirs en France, ou dans le monde francophone, la diaspora est bien souvent confrontée à l’imbécilité de l’oligarchie occidentale qui lui fait croire qu’un Guadeloupéen n’a rien à voir avec un Ivoirien, qu’un Nigérian n’a rien à voir avec un Burkinabé ou un Afro-Américain.
Tous rivalisent d’hypocrisie pour empêcher notre unité. Mais dans le même temps, tous se sont massés (du moins en France) aux obsèques d’Aimé Césaire. Or Césaire représente, avec quelques autres, le courant politico-littéraire qui a rappelé aux nôtres (et aux autres) que l’unité des Noirs se ferait sans l’aval des dirigeants occidentaux. En chantant à titre posthume les louanges de ce poète de génie, ils ont entériné le fait que même dans la doxa française, l’unité des Noirs (étiquetée « négritude ») était possible. Il était donc beaucoup plus facile pour moi de partir de cet axiome pour parler de la situation des Noirs, tout en réévaluant ce dernier à l’aune du XXIe siècle où le mondialisme a continué le travail commencé par le colonialisme. Nous avons des défis à relever, qui nous poussent à la transcendance du point de vue politique et économique. C’est cette transcendance qui a donné le qualificatif « supra » à négritude, d’où le titre de mon livre.

NN: Que penses-tu apporter d’autre aux Noirs avec ce livre ? Sera-t-il traduit ?

KS: Ce livre est une mise à jour de la conscience noire dans le monde francophone. On a l’habitude de se référer aux morts pour penser, l’on se refuse parfois même d’agir en pensant que ceux qui nous ont précédés ont tout fait. Or, tout reste à faire. Au XXIe siècle, notre génération a très peu de repères. Sur le terrain de la dissidence africaine et diasporique au XXIe siècle, ce livre sera une boussole, qui nous permettra de ne pas manger le sol. C’est un livre politique, générationnel, qui s’appuie, au final, sur une base intimiste. Je suis assez fier des retours, d’autant plus que, visiblement, même parmi mes détracteurs occidentaux, le livre semble faire mouche, malgré certains désaccords idéologiques, logiques.
Par ailleurs, nous prévoyons en effet de le traduire en anglais d’ici à la fin de l’année, car la conscience noire ne doit pas être limitée par la langue.

NN : Déjà plus de 400 commandes et numéro 1 sur Amazon en quelques jours, t’attendais-tu à un tel succès ?

KS : C’est très fort, même s’il ne faut pas s’enflammer. On doit continuer à bosser. On n’est resté premier que trois heures, après quoi le classement (qui est mis à jour chaque heure) avait déjà changé. C’est encourageant, d’autant plus que notre promotion est atypique. D’habitude, tu fais la pub et les interviews avant la sortie du livre, pour faire le buzz, alors que pour nous, le buzz était déjà là, latent. Et ce n’est que maintenant que l’on commence les choses sérieuses en termes de promotion. On ne fait rien comme tout le monde. Mais ce livre mettra d’accord beaucoup de monde.

NN : Penses-tu toujours que les Noirs francophones ont besoin d’une attention particulière ? D’ailleurs, pourquoi les Noirs francophones ont-ils plus de difficultés à s’émanciper que les Noirs anglophones ?

KS : Plus que jamais, car les Noirs francophones sont, sur bien des points, en retard par rapport aux frères et sœurs anglophones, et ont des particularismes qu’il serait inutile de nier. Parce que notre manière d’agir est conditionnée par ce que nous avons connu en termes de colonisation et d’esclavage. Contrairement au colon anglais, le colon français, pour nous briser, était moins violent, plus pernicieux. Ce long processus d’aliénation nous a fait intégrer que nous n’avions pas à nous plaindre d’être considérés comme des sous-hommes, mais qu’au contraire, nous avions de la chance d’être perçus comme les caniches de l’oligarchie.

NN : Tu es un grand amateur de lecture, mais tu peux constater que les Noirs ne lisent pas beaucoup, quel est ton sentiment à ce sujet ?

KS : Je suis un junkie de lecture, ce n’est plus un secret pour personne, mais j’aime aussi rester en dehors des clichés. C’est vrai que la nouvelle génération noire lit beaucoup moins que celle de nos aînés. Mais il est vrai aussi que je connais beaucoup d’anciens qui ont beaucoup lu, qui se sont énormément cultivés, et qui n’ont pas fait grand-chose de leur savoir. Soit la connaissance te permet de faire de la masturbation intellectuelle, soit elle te donne la possibilité de procréer intellectuellement dans le monde réel. Il est important pour nos jeunes frères et sœurs de lire, mais nous devons, pour éviter la caricature, rappeler que la nouvelle génération bénéficie d’un outil révolutionnaire qui se nomme Internet, et qui facilité l’accès au savoir. Ainsi, parfois, certains petits frères et certaines petites sœurs peuvent étudier et se faire une culture générale sur le Net sans aller systématiquement à la bibliothèque. Après, ne nous mentons pas, le livre reste le summum pour accéder à la racine de la connaissance.
Je rajouterai d’ailleurs, pour conclure sur ce point, que de vous à moi, il faudra aussi, tôt ou tard, concéder que bien souvent, les détenteurs du savoir ne se présentent pas sous un aspect abordable ou séduisant, ne donnent pas envie à la rue de lire. Nous tous qui participons à l’éveil, ou, devrais-je dire, au réveil culturel de notre peuple, nous devrions nous remettre en question. Je n’ai, pour ma part, jamais hésité, pour être plus audible, à me remettre en question, à être stratégique et accessible pour que le message de connaissance de soi passe. Et nul ne peut nier aujourd’hui que bon nombre de gens dans la sphère francophone ont pris goût à la connaissance de soi après avoir eu accès à mes discours, au travail de mon équipe, et à moi-même. Tous les mérites en reviennent au Tout-Puissant.

NN : Que t’inspire l’affaire Cahuzac ? Et que dirais-tu aux Noirs par rapport à ça ?

KS : Cette affaire est un texto que nous envoient nos ancêtres pour nous demander combien de temps nous allons continuer à croire en un système qui ne croit plus en lui-même ? Combien de gens de notre communauté se sont vautrés dans l’allégresse après l’élection de Flanby, alias François Hollande ? A croire que beaucoup d’entre nous ont été drogués à l’herbe de Hollande pour imaginer que ces agents du mondialisme illimité pouvaient être d’une quelconque aide pour notre peuple. Mais j’ai cessé tout pessimisme. Partout où je marche dans la street, en Afrique ou en France, je constate que de moins en moins de gens sont naïfs. Et ce phénomène ne cessera de grandir grâce aux efforts que les dissidents panafricains déploient collectivement.

NN : Le mariage pour tous à été voté avant-hier à l’Assemblé nationale, là encore, que dirais-tu aux Noirs par rapport à cette situation ?

KS : Je remercie le système oligarchique occidental pour être si direct désormais avec nous. Auparavant, la matrice française, ou du moins ses élites, nous mettait de la pommade avant de nous sodomiser politiquement. Désormais, elle le fait sans préavis, sans nous avoir enduits de crème. Bref, je ne vais pas vous faire de poème. Je dirai juste que mêmes les homosexuels sont mieux traités et considérés que les Noirs en France. Et avec cela, certains d’entre nous pensent toujours qu’ils sont à leur place dans cette contrée. Ils ne comprennent pas que tant qu’ils diront « burn babylon » sans songer à en partir, ils finiront calcinés comme tous les autres. La meilleure façon de sauver notre peuple, ce n’est pas d’agir comme des victimes en voulant s’intégrer, mais de tout faire pour retourner sur la Terre Mère, et s’organiser pour contribuer, aux côtés des autochtones, à son développement économique.

NN : Lilian Thuram, Rokhaya Diallo, ou encore Hapsatou Sy, récemment, ont comparé le combat des gays aux combats des Noirs ? Ton avis ?

KS : Soutenir cette cause, ou pire encore, effectuer une comparaison, entre être homosexuel et être Noir est une provocation, une faute grave. Comme si revendiquer le droit à être sodomite était égal à revendiquer le droit au respect en tant que peuple noir. Cela sous-entend qu’être Noir est une anomalie, une déviance. C’est le message que les élites mondialistes veulent propager. Il y a quelques années, j’aurai « snipé » politiquement Lilian, Hapsatou et Rokhaya. Mais le temps est le meilleur allié de la tempérance. Je n’ai plus le temps d’attaquer ces derniers pour leurs propos ineptes. Ces trois personnes que vous venez de citer sont mes frères et sœurs, même si je m’opposerai toute ma vie à leur façon d’agir. Nos vrais adversaires politiques, ce ne sont pas eux, mais ceux qui les financent. Les marionnettistes, pas les marionnettes. Ils le savent, je le sais. Ils n’apprécient pas le combat que je mène car je dérange leur employeur. Ils veulent s’intégrer et bien se faire voir par les élites de Babylone, donc, ils font la promotion de ses us et coutumes. Je préfère m’opposer à ces élites mondialistes et à leur projet de babylonisation de la société. Et dire cela ne veut pas dire que je m’attaque aux homosexuels, je n’en ai pas le temps. J’en connais. Mais le choix dans la vie privé est un choix qui regarde le privé. Ils n’ont pas à en faire une revendication politique, et pire encore, à la comparer à notre lutte.

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