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[CULTURE] DANSE AFRIQUE : GERMAINE ACOGNY, RETOUR À COTONOU

 

Toute de blanc vêtue, elle s’avance sur le pavé de la place des Martyrs, lieu historique de Cotonou, elle, la Béninoise de retour au pays natal, elle, la mère de la danse contemporaine en Afrique, et de la formation de ses danseurs, depuis son École des sables du Sénégal, elle, la grande Germaine Acogny. Elle danse pour la première fois sur sa terre, quelques minutes seulement mais magiques, et chacun ici prend son Solo Prière pour une bénédiction du sol béninois retrouvé. Au début, le public n’est pas trop nombreux sur les marches du monument aux Martyrs, pour l’inauguration, samedi 31 janvier, de la troisième édition du festival de danse africaine contemporaine Dansons maintenant organisé par la Fondation Zinsou depuis 2011. Mais, peu à peu, un attroupement de curieux se forme autour des danseurs qui succèdent à la grande dame venue de Dakar : ils sont dix, et restituent le fruit des ateliers qu’ils ont suivis sous la direction de Patrick Acogny (fils de Germaine) pendant les quinze jours précédant la manifestation. Le résultat est… spectaculaire ! Chaque danseur a choisi un morceau de musique africaine, cher à une personne de sa famille, grand-père, oncle, tante, et l’incarne dans une chorégraphie superbement dynamique, sur un savoureux montage sonore habité par l’histoire du continent. Germaine Acogny et son mari Helmut Vogt mangent le spectacle des yeux. Quand il s’achève, « Maman Germaine » signe de son pouce le crâne de son fils Patrick, héritier et transmetteur de sa passion pour la danse contemporaine. « Quand on écrase le pou, c’est bon, non ? C’est ce geste qu’on fait au Sénégal pour féliciter quelqu’un quand on n’a pas d’argent à lui donner ! » explique-t-elle.

 

Musiques africaines des années 1960 à 1980

 

À peine les danseurs ont-ils quitté la scène que de jeunes Béninois se l’approprient pour une succession de performances hip-hop. C’est ainsi que Cotonou danse, et ce n’est que le début d’une semaine de festival. Pour cette première soirée, l’Institut français du Bénin, partenaire de la manifestation, accueille le Nigérian Qudus Onikeku. Il enflamme une salle comble, avec « Africaman Original » au rythme de Fela Kuti et des images d’archives montées corps à corps (scène/ écran) par son partenaire vidéaste, Isaac Lartey. Le public est invité à monter sur scène, tous les âges répondent à l’appel et c’est un vrai partage au son du père de l’afrobeat. La musique est l’inspiration et le thème des dix spectacles spécialement créés cette année pour le festival, autour d’une bande-son des années 1960, 1970 et 1980 en Afrique. Toute cette période est à voir – et à entendre – dans l’exposition « Africain Records » proposée par la Fondation Zinsou jusqu’en mai prochain. Le spécialiste Florent Mazzoleni y a conçu un parcours de pochettes des vinyles de ces époques, où la richesse et l’inventivité explosent de couleurs, retraçant l’histoire musicale du continent et de ses liens avec le monde.
Marcek Gbeffa, « Sabliste »
Retour ce samedi soir d’inauguration au Théâtre de verdure de l’Institut français pour le spectacle d’une des têtes d’affiche locales de la danse contemporaine : le danseur et chorégraphe Marcel Gbeffa, directeur de la compagnie Multicorps, présente Root In. Dans le public résonnent ces rires d’enfants qui se demandent pourquoi les danseurs sont ainsi vêtus, et pourquoi ils se promènent avec un matelas, une chaise, une table et tous ces vêtements accessoires qui forment le décor… Ce sont ces moments d’étonnement et de beauté qui sèment pour toujours leurs graines de culture dans la jeunesse ! Le travail de Marcel Gbeffa impressionne, il est nourri de l’histoire chaotique du continent. Et évoque notamment le Congo puisque ce Béninois y a grandi avant de s’installer à Cotonou où a débuté sa carrière de danseur contemporain. Depuis le début des années 2000, comme il a vu le paysage changer avec, pour commencer, le festival Ori jusqu’à l’épanouissement de la manifestation lancée par la Fondation Zinsou. « En quinze ans, on a vu naître quatre compagnies de danse contemporaine ici », dit-il. Son succès international lui a permis d’investir dans un centre de formation qui est un des lieux où se déroule du festival Dansons maintenant. Former à la danse ? Marcel n’est pas un « enfant » de Germaine Acogny pour rien… Il est allé à deux reprises, en 2008 et en 2012, à l’École des sables de Toubab Dialaw. C’est un « sabliste » comme on dit, mais qu’est-ce à dire ? « Cette école a été la première à initier des danseurs à partir de la tradition. Même si l’on n’adhère pas forcément ensuite, on a compris d’où l’on vient. C’est aussi une manière d’apprendre à vivre ensemble, avec l’autre, en corps et en esprit. »
Durant les neuf jours de Dansons maintenant, un pari tenu de haute main par la directrice de la Fondation Zinsou Aurélie Lecomte qui fut dans le passé administratrice d’une compagnie de danse, les 55 danseurs et chorégraphes réunis à Cotonou vont se retrouver pour des ateliers, dont certains sont ouverts aux amateurs et aux enfants, ces derniers demeurant la cible de prédilection de la fondation. Julie Dossavi, chorégraphe et danseuse béninoise installée en France, qui vient danser dans son pays natal pour la première fois (elle aussi), a eu la surprise d’être reconnue ici : « Antoine Tempé m’a photographiée et j’étais donc dans son exposition sur les danseurs du continent qui a été montrée à la Fondation Zinsou en 2011 !» C’est en effet à partir de cette exposition du photographe français installé à Dakar qu’est né Dansons maintenant !

 

« Mon élue noire »

 

Comme pour tous les danseurs, et danseuses du continent, Germaine Acogny demeure un modèle « quand je vois Germaine, je sais qu’il ne faut jamais lâcher ! » commente Julie Dossavi. Quatre jours durant, la reine du « bois sacré des temps modernes » comme elle nomme son école, donne des master class à Cotonou. Maintenant que son fils Patrick a pris en main la direction artistique de l’École des sables, c’est à cette transmission directe qu’elle peut se livrer, tout en gardant bien sûr du temps pour sa propre création. En avril prochain, sur la scène du 104, à la veille de ses 71 ans, la danseuse interprétera Mon élue noire qu’Olivier Dubois a écrit pour elle en hommage au Sacre de Maurice Béjart. En attendant, ce que vit Germaine Acogny à Cotonou depuis son arrivée est comme un rêve, qui lui donne aussi l’occasion de faire escale à Ouidah, au Musée d’art contemporain ouvert par Marie-Cécile Zinsou, et de se rapprocher ainsi du sol de ses grands-parents paternels et maternels. Elle ne tarit pas d’éloges sur la fondation présidée par l’aînée des filles de Lionel Zinsou, qui fête son dixième anniversaire cette année : « Je n’ai jamais vu un festival aussi bien organisé. Cette fondation est incroyable, il en faudrait d’autres sur le continent ! Chaque année, l’École des sables doit retrouver des fonds pour continuer, si seulement le secteur privé sénégalais s’engageait comme le fait Zinsou au Bénin… Plutôt que de soutenir le football, où l’on perd tout le temps (rire), il faut aider les jeunes par la danse, la mère de tous les arts… »

Source : http://afrique.lepoint.fr/…/danse-africaine-germaine-acogny…

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