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AU CANADA, LES DOUBLEURS BLANCS FONT MAIN BASSE SUR LES VOIX D’ACTEURS NOIRS

Qu’est-ce que des films comme Black Panther, Us et 12 Year A Slave ont en commun à part le fait de traiter de la culture noire et d’être joués majoritairement par des acteurs afro-américains ? Pas grand-chose si ce n’est que pour les versions québécoises de ces productions cinématographiques, les personnages principaux sont tous doublés par des comédiens blancs. Une preuve  palpable du manque de diversité raciale dans le milieu du doublage. Des journalistes de Radio-Canada se sont penchés sur le problème dans une enquête publiée le 7 mai dernier sur le site internet du média.

Un manque de diversité « affolant »

L’industrie prend de plus en plus conscience de la faible représentation des communautés culturelles parmi les doubleurs. Depuis peu, autant l’Union des artistes (UDA) que des acteurs du milieu du doublage tentent de corriger le tir et de faire preuve d’inclusion. Le seul acteur noir qui double un rôle dit « principal » dans Panthère noire au Québec est Didier Lucien. Il prête sa voix au père qui meurt au début du film.

12 Years a Slave (« Esclave pendant 12 ans », 2013) est basé sur l’histoire vraie de Solomon Northup, un homme enlevé et vendu comme esclave. The Help (La couleur des sentiments, 2013) traite de l’exploitation des domestiques noires avec une touche d’humour, mais aborde néanmoins des thèmes douloureux.

Le récent film d’horreur Us (« Nous », 2019) illustre l’oppression et les profondes inégalités sociales aux États-Unis en prenant pour toile de fond une famille noire. Dans les deux premiers cas, aucun acteur noir n’a été embauché pour doubler les rôles principaux au Québec. Pour Us, une seule actrice issue de la diversité y double un personnage noir.

Comme de nombreux directeurs de plateau, Natalie Hamel-Roy est une doubleuse de longue date. En toute transparence, elle reconnaît que la représentativité de la diversité n’a pas toujours été un souci, dans le milieu.

La « clause grand-père »

C’est sûr que ce n’est pas une réflexion qu’on avait, avant. C’est plus récent comme réflexion. Le doublage, il faut que ça disparaisse en arrière du rôle à l’écran. Alors on ne ressentait pas nécessairement le besoin que ce soit une personne noire qui double une personne noire, a-t-elle observé.

Un des facteurs qui expliquent le paysage actuel, c’est que le doublage fonctionne souvent par continuité. Si un doubleur a déjà prêté sa voix à un acteur, en général, il est appelé à le doubler par la suite. C’est la « clause grand-père », comme la nomme Joey Galimi, à la fois directeur de plateau de doublage et président de l’Association nationale des doubleurs professionnels.

C’est d’ailleurs pour cette raison que M. Galimi n’a pas inclus de doubleurs noirs sur le plateau de 12 Years a Slave. Il a procédé par ancienneté, tout simplement, a-t-il expliqué. Autre obstacle : il n’y a pas suffisamment de doubleurs de la diversité pour combler tous les rôles à l’écran. Si ces doubleurs sont occupés, les options sont limitées.

Et ne double pas qui veut : il ne suffit pas d’être comédien, il faut aussi être formé rigoureusement. Le doublage requiert des habiletés en lecture à première vue ; il faut savoir suivre la bande rythmo, avoir une diction et un français international impeccables. Ce n’est pas donné à tous, peu importe l’origine.

Le pari réussi d’Aminata

C’est possible d’aller à la recherche de nouveaux talents et d’embaucher des comédiens qui ne sont pas formés pour être doubleurs. Ça s’est fait, mais ça demande plus de travail et de moyens.

De plus en plus, des studios comme Paramount, Disney ou même Patrimoine canadien demandent à ce que l’origine des doubleurs corresponde à celle des acteurs. C’était le cas pour Aminata (The Book of Negroes, 2015), une minisérie abordant l’esclavage. L’équipe de production voulait des doubleurs noirs.

« Je vais être très franche avec vous. Quand j’ai eu cette commande-là, j’ai fait “Oh ! OK ! » J’en connaissais quelques-uns qui faisaient du doublage. Mais je n’en connaissais pas des tonnes », a raconté la directrice de plateau Natalie Hamel-Roy. Elle a épluché les CV des artistes sur les sites des agences, et a appelé les comédiens en audition, et a dû prendre le temps de leur apprendre le métier.

C’est précisément cette initiative qui a lancé la carrière de doubleuse de Marie-Evelyne Lessard, qui, de notre échantillon, est aujourd’hui la seule actrice issue de la diversité qui double des femmes noires au Québec. Elle est la preuve vivante qu’un tel exercice peut s’avérer payant.

Pour elle, qui a apprivoisé la mécanique du doublage avec un naturel désarmant, tout a déboulé rapidement, à la suite d’Aminata. Elle est allée chercher des formations complémentaires en doublage et a enchaîné les contrats au micro. « Je n’ai pas arrêté depuis », a-t-elle témoigné.

NN

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